La Route | D’accord.

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La route est un roman postapocalyptique écrit par Cormac McCarthy. Il a été traduit par François Hirsch et publié en 2008 aux éditions de L’Olivier. Je l’ai lu dans sa version poche chez Points. Il m’a fait forte impressions, je vous dévoile tout ce que j’en ai pensé.

Sur La Route de Cormac McCarthy, point de salut, peu d’espoir, une fuite de tous les instants, vers quoi ? On ne sait pas. Le monde est dévasté, il n’y a plus de lumière, plus de végétation, rien que de la cendre, des morts et quelques survivants. Un père et son fils sur la route cheminent poussant un caddie rempli de leurs maigres possessions tel un escargot portant sa coquille. Le froid, la faim, la peur sont leur quotidien

Je voudrais être avec ma maman.
Il ne répondit pas.Il s’assit à côté de la petite silhouette enveloppée dans les couettes et les couvertures. Au bout d’un moment, il dit : Tu veux dire que tu voudrais être mort.
Oui.

Il y a longtemps, j’ai lu deux autres bouquins de cet auteur, De si jolis chevaux et Le Grand Passage. J’avais été fortement déroutée par le style si particulier de l’auteur : cette manie de mettre plusieurs « et » dans une même phrase, la quasi absence de virgules et l’absence de tirets pour marquer les dialogues. On retrouve le même ici, en plus épuré.

Il faut que je retourne chercher du bois, dit-il. Je serai dans le coin. D’accord ?
C’est où le coin ?
Ça veut dire pas loin.
D’accord.

Si le style est épuré, le contenu l’est aussi. Le père et le fils n’ont pas de nom. Ils sont « l’homme » et le « petit ». On ne sait pas précisément ce qu’il s’est passé, quelle était leur vie avant la catastrophe, où ils sont, où ils vont précisément, quand l’histoire se passe-t-elle par rapport à la catastrophe et par rapport à un calendrier quelconque, le pourquoi de cette fuite vers nulle part semble nous échapper aussi. Le lecteur est laissé à son propre désespoir, tout seul sur le bord de la route. Il faut se débrouiller avec ses propres théories et recoller les morceaux avec les bribes d’information que l’auteur veut bien nous donner.

C’est mon enfant, dit-il. Je suis en train de lui laver les cheveux pour enlever les restes de la cervelle d’un mort. C’est mon rôle.

Ce qu’il reste c’est un tapis de cendres et une force qui les pousse à reste humains malgré la folie barbare qui se déchaîne autour d’eux. Eux, ils sont les « gentils ». Quant à l’enfant, de l’avis de son père, il « porte le feu ». Né avec l’Apocalypse, il représente le seul espoir d’une humanité en perdition, qui paradoxalement se mange elle-même pour survivre. Il porte la flamme de l’innocence et de la transmission, dans un monde où Dieu n’existe plus.

Il pris la main du petit et y poussa le revolver. Prends-le, souffla-t-il. Le petit était terrifié. Il l’entourait de son bras et le serrait conte lui. Son corps si mince. N’aie pas peur, dit-il. S’ils te trouvent il va falloir que tu le fasses. Tu comprends ? Chut. Ne pleure pas. Tu m’entends ? Tu sais comment t’y prendre. Tu le mets dans ta bouche en le pointant vers le haut. Presse vite et fort. Tu comprends ? Arrête de pleurer. Tu comprends ?

Au-delà des larmes dans lesquelles je me suis noyée en terminant le livre, il me reste une putain d’impression de parcours initiatique sur la condition humaine et des questions sur l’avenir de cette condition. Que peut-on espérer de l’humanité ? Quel sens donner à ce que nous accomplissons, en bien ou en mal ? Quel est la place de l’Homme dans l’ordre des choses ?

Il regardait le petit. Il voyait la déception sur son visage. Je te demande pardon elle n’est pas bleue, dit-il. Tant pis, dit le petit.

Informations éditoriales

Publié pour la première fois en 2006. 2008 pour la présente traduction chez les Éditions de l’Olivier. Titre original : The Road. Traduit de l’américain par François Hirsch. Prix Pulitzer 2007, James Tait Black Memorial Prize 2006. 252 pages.

Pour aller plus loin

Livre lu en compagnie du Cercle d’Atuan. Les avis des copains du Cercle : AcrO, Julien, Vert, Arutha, Spocky.
D’autres avis : signalez-vous en commentaire.

18 commentaires sur « La Route | D’accord. »

  1. Lilly, le bouquin De si jolis chevaux, il n'y a que dans le titre où il y a des chevaux, ou alors dans le bouquin aussi ?

    Et c'est bien ?

    Parce que j'ai lu la 4ème de couv, et ça m'a pas forcément enchanté. Ca à l'air assez noir également non ?

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  2. @ Olya : C'est sombre aussi. Il y a des chevaux oui, d'ailleurs l'histoire tourne autour d'un gars qui s'est fait voler son cheval et essaye de le retrouver. J'en garde un souvenir d'un livre assez violent. J'avais été assez choquée déjà par le style de l'auteur et par l'histoire (je cherchais juste une histoire de chevaux quoi :p). Mais il est très bien.

    @ Brunissende : à toi de voir mais le livre vaut vraiment le détour.

    @ El Jc et Val : d'accord. 😀 😀

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  3. Ben zut voilà qui gâche ma théorie sur le fait que les lecteurs de SF accrochent moins à ce livre (je l'ai aimé, mais sans plus et j'ai vu que d'autres lecteurs de SF étaient dans le cas)…

    Au fait, tu as compris toi comment ils pouvaient vivre depuis plus de dix ans dans un monde où l'oxygène n'est pas renouvelé grâce aux plantes? (pardon, mais c'est un détail qui me turlupine^_^)

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  4. Héhé. Je pense que La Route est un bon exemple de ce que Berthelot appelle les transfictions : http://ledragongalactique.blogspot.com/2009/08/bibliotheque-de-lentre-mondes-francis.html

    Tu peux développer ta théorie ? Pourquoi penses-tu qu'un lecteur de SF est moins emballé par ce livre ? Ça pourrait m'aider à trouver pourquoi je cadre pas avec ta théorie.

    Pour l'oxygène, y a plus grand monde sur terre, donc plus grand monde pour la consommer, avant d'épuiser tout l'oxygène de la terre, faut sans doute déjà y aller. Faudrait poser la question à un scientifique mais ça me choque pas. De toute façon je ne pense pas que la cohérence scientifique soit le principal intérêt de mccarthy.

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  5. En fait, une chose qui m'a choquée avec ce livre, c'est que quand les non-lecteurs de SF en parlent, ils disent « ce n'est pas de la SF ». Or, c'en est sans aucun doute pour moi (je suis allée voir le billet sur la trans-fiction, je te laisse un comm dessus ^_^): une monde futur, un cadre post-nucléaire, une réflexion sur le genre humain, ça rentre clairement dans le sous-genre du post-apo ou post-nuke comme on l'appelle de plus en plus souvent, non?
    Par contre, un lecteur de SF habitué au post-apo n'y trouvera pas tant d'idées originales que ça, vu que ce que McCarthy reprend ici, c'est l'une des trames générales du sous-genre (l'autre étend la réorganisation de la société, que je préfère d'ailleurs). C'est pour ça que je pensais que les amateurs de SF habitués à ce style de récit ne le trouveraient pas si génial que ça car ils auront déjà rencontré ce type d'histoire (en gros, hein, je ne dis pas que cette histoire-là exactement existe, mais l'ambiance, le désespoir, le monde qui se finit… Tiens, juste maintenant, prend « The Book of Eli » sur le même sujet, mais avec l'optique « réorganisation de la société » présent, qui est l'optique m'intéressant le plus je dois dire, c'est pour ça que j'adore le post-apo), d'autant plus que dans les autres récits de SF, les auteurs ont plus fait attention au plausible (désolée, mais je cale vraiment sur la question de l'absence des arbres mais de présence d'oxigène).
    Comme lecteur de SF blogueur ayant fait une chronique sur ce livre tout en n'étant pas emballé plus que ça, je ne vois que Nébal (de Welcome to Nebalia, il y a un lien vers ce blog sur le mien), parce que je n'ai pas lu tant de chroniques que ça sur ce livre dans les blogs de lecteurs de SF (il faut dire que je ne connais pas tant de blogs que ça de lecteurs de SF aussi! ^_^).

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  6. Pour moi c'est de la SF aussi. Qui est éditée dans une collection littérature générale cela dit, par un auteur qui écrit d'habitude des bouquins mainstream.

    Le cadre n'est pas ce qu'il y a de plus original, certes mais ce n'est pas ce qui est le plus important dans ce livre. Ce qui est important c'est d'une part le style au service de l'histoire et d'autre part la richesse du message que tu peux en tirer, qui va être différent chez chacun. Il est en effet très différent d'un post apo qui parle de reconstruction. Ici la reconstruction semble impossible et c'est là tout l'objet de la réflexion de McCarthy : l'homme n'est qu'une virgule dans l'histoire du monde, ce qui le distingue de l'animal tient à peu de choses, il finira un jour par payer ses excès. Il y aussi toute une réflexion sur la religion qui est tout aussi intéressante. Ce bouquin est pour moi plus une métaphore qu'une histoire en tant que telle.

    Sinon pour des exemples de lecteurs blogueurs de SF qui en ont aussi fait une critique aussi positive que la mienne, il y a El Jc et arutha, qui lisent bien plus de SF que moi, depuis bien plus longtemps. Aussi Hu et Mu que le livre n'a pas laissé indifférent.

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  7. Endea m'a dit qu'elle allait se lancer dans la lecture de De si jolis chevaux. Je lui ai dit de prévoir la boîte de mouchoir, pour moi, cela a été dur…
    Pour ce qui en est de La Route, cela reste LE roman post apocalyptique incontesté et incontestable. L'adaptation cinématographique ne m'a pas déçu =)

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  8. Oups, j'ai oublié de rajouter que l'adaptation de De si jolis chevaux est aussi pas mal. Un peu trop lente et gnangnan par rapport au style de McCarthy… et encore. A voir.

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