Impressions.
La 34ème Horde, élite de 23 membres, formée pour remonter le vent comme on remonte un fleuve pour en trouver l’origine : l’Extrême-Amont. Arriveront-ils au bout ? Qu’y trouveront-ils ? Qui survivra ? Dans un monde totalement imaginé par l’auteur, un groupe d’aventuriers poursuivent une quête spirituelle qui les amènera à se poser les grandes questions : Qui suis-je ? D’où viens-je ? et Où vais-je ?
Je ne vous étonnerai pas en vous disant que La Horde du Contrevent est un livre dont il est difficile de parler. C’est un livre que l’on vit, dont on transcende le contenu en se posant des questions et en trouvant des réponses qui seront propres à chacun (oupah, l’absence de réponse en est une aussi, en soi).
Surprises dans les 10 premières pages
- Le marque-page qui accompagne le livre (vérifiez qu’il est dedans avant d’acheter le livre : il sera un compagnon précieux dans votre voyage avec la Horde) sur lequel sont inscrits le nom des 23 membres du groupe avec un signe plus ou moins cabalistique le caractérisant.
- Le signe cabalistique en question vous permettra de savoir qui parle. Car autre caractéristique de ce livre, il est écrit à la première personne mais ce n’est pas toujours le même personnage qui a la parole. Certains ont plus d’importance que d’autres.
- La numérotation des pages est inversée. On commence à la page 700 et des brouettes, on finit à la page 0. Et c’est important.
- La langue : Damasio a le verbe aussi puissant que le furvent. Jeux de mots, allitérations, vocabulaire recherché, mots valises et mots inventés, ton et vocabulaire s’adaptant au narrateur du moment.
« Un siphon fond, fond, les petites marionnettes …
Un siphon, fond, fond, trois p’tits tours et puits sans fond. »
Pour découvrir tout cela, il ne vous faudra pas plus de 10 pages. Rajouté à cela que vous débarquez dans l’histoire en pleine action, au beau milieu d’une lutte contre le furvent, vent violent s’il en est mais qui ne sera pas le pire obstacle que la Horde affrontera. Bref, il vaut mieux bien s’amarrer à son fauteuil, sa chaise, son lit (biffer les mentions inutiles) pour ne pas se faire emporter par une rafale.
A la cinquième salve, l’onde de choc fractura le fémur d’enceinte et leur vent sabla cru le village à travers les jointures béantes du granit.
Suivre la Horde jusqu’aux confins
Qu’importe où nous allons, honnêtement. Je ne le cache pas. De moins en moins. Qu’importe ce qu’il y a au bout. Ce qui vaut, ce qui restera n’est pas le nombre de cols de haute altitude que nous passerons vivants. N’est pas l’emplacement où nous finirons par planter notre oriflamme, au milieu d’un champ de neige ou au sommet d’un dernier pic dont on ne pourra plus jamais redescendre. N’est plus de savoir combien de kilomètres en amont du drapeau de nos parents nous nous écroulerons ! Je m’en fiche ! Ce qui restera est une certaine qualité d’amitié, architecturée par l’estime. Et brodée des quelques rires, des quelques éclats de courage ou de génie qu’on aura su s’offrir les uns aux autres. Pour tout ça, les filles et les gars, je vous dis merci. Merci.
Puis je pensai à mes parents, à ce que je leur devais. A ce qu’ils avaient sacrifié pour que je sois là aujourd’hui. L’échafaudage d’attente qui avait surplombé mes deux dernières années de contre s’abattit sur moi. J’avais tellement anticipé ce moment. Je l’avais tellement vécu déjà que le réel transperçait avec difficulté cette couche épaisse de scènes mille fois projetées, mille fois réagencées. Car ils arrivèrent comme je l’avais imaginé. A pied. Du bout de l’horizon, lentement, en ligne. La poussière de slamino brouillait leur silhouette mais ils avaient le pas de leur âge. Il n’y eut pas besoin de parler : Sov, Oroshi, Steppe, Alme, Firost, l’autoursier et moi … Nous étions sept, nous sortîmes du Pack tous ensemble. Et nous nous mîmes à courir, à courir comme des enfants fous, à courir vers les seules personnes au monde qui pouvaient comprendre la valeur de ce que nous avions fait, vers les seules dont on pouvait être certain qu’elles nous avaient attendus depuis toujours. Je ne pouvais pas à ce moment-là imaginer leur émotion à eux. Moi j’avais six ans et je courais vers mon passé.
Conte initiatique, expérience mystique, quête spirituelle, champ d’émotions et kyrielle de questions, La Horde du Contrevent est un livre qui sort totalement des sentiers battus, inclassable, ouvrant des milliers de pistes de réflexion.
le véritable héroïsme est d’accepter la honte de survivre.
Informations éditoriales
Publié pour la première fois par La Volte en 2004. Grand Prix de l’Imaginaire 2006. 707 pages.
Pour aller plus loin
- Alain Damasio répond aux questions des internautes sur le forum d’ActuSF (attention, il y a du spoil de ses bouquins).
- D’autres avis : Lhisbei, Valunivers, Endea.
Ce livre est une véritable expérience. Indispensable.
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Fouhouhouhouhouhou … oui je sais : je fais pas bien le vent.
Un livre ma-gni-fique.
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Ah oui, le marque-page est essentiel (surtout au début)
Et moi aussi j'aime beaucoup la numérotation à l'envers 😉
Pour le vocabulaire, tu as raison, au bout de 10 pages, on se laisse porter… par le vent !
J'avais découvert la « fin » dès le premier quart du bouquin : mais on comprend très vite que l'essentiel n'est pas ici, c'est plutôt de vivre (en tant que lecteur) au sein de la horde 🙂
Je ne savais pas que c'était un diptyque, tiens…
Après coup, as-tu écouté les chansons sur le site ?
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… ) — °
C'était de mémoire… 😉
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Faudra que je le lise enfin celui ci. J'avais déjà tenté une expérience, mais je n'étais PAS DU TOUT dans les bonnes dispositions pour le lire, à lire quelques pages par ci par là.
Mais je pense que je le lirai très bientôt.
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très bon article bravo 😉
j'ai pensé à la même citation pour le siphon, zut alors va falloir que j'en trouve une autre XD
Perso je me suis arrêté juste après, j'suis encore loin de l'extrème-amont XD
J'ai soulevé des questions, je sais que ça fait longtemps, mais si vous avez des idées pour me répondre je prends (cf le 1er post de la Horde sur le blog d'Endea)
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@Flo : tout à fait !
@Arutha : slamino, furvent, … ?
@Acro : oui la fin est prévisible mais en effet c'est le chemin qui compte. C'est exactement ce que dit Damasio sur actusf.
@Efelle : c'est la séquence d'arutha ? :p
@Olya : ce n'est pas une lecture évidente mais ça vaut vraiment la peine de tenter l'aventure.
@Lael : oh bah, j'ai pas acheté les droits de la citation,ne te gène pas :p J'ai vu tes questions mais je me souviens pas assez bien pour répondre. De toute façon, je ne pense pas qu'il y ait de « bonne » réponse. Chacun son interprétation 🙂
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Un livre-montagne que j'ai gravit jusqu'au bout avec une jubilation extrême ! Magnifique !
Par contre, très déçu par La zone du dehors…
A.C.
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@Tiggerlilly : pas faux XD mais j'aime pas trop rester sur l'expectative, j'veux dire, quand j'aime même pas de théorie personnelle sur la question lol Et puis quand je fais une relecture, je cherche vraiment à tout comprendre XD
@AC : la Zone ce n'est pas le même univers, même si on retrouve la même plume enragée. Je crois avoir préféré la Zone en fait, vu que c'est une réflexion utopiste, de la SF. Mais après, c'est difficilement comparable.
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quand j'ai* (arg je sais plus écrire)
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Une des plus belles chroniques que j'ai lu !
Comme tu le dis, « C'est un livre que l'on vit » !!
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@AC : ha oui ? J'en ai entendu beaucoup de bien aussi, pourtant.
@Lael : bigre, c'est dur. Ça doit induire un grand sentiment de frustration. Je pense pas que tout soit explicable dans le bouquin. Ou alors faut vraiment se forger une opinion perso, ou prendre celle des autres et la faire sienne. Ca ne me gène de rester avec des questions sans réponse. D'ailleurs, parfois je ne me pose même pas de question. Se laisser emporter … par le vent, ça marche aussi.
@Val : merci, ca me fait très plaisir 🙂
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C'est un livre qui m'a beaucoup marqué ! Comme tu le dit, une véritable expérience… que je renouvellerai bientôt je pense.
Un passage aussi délectable et impressionnant de prouesse : le concours de jeux littéraires. Au premier abord, juste les mots pour les mots, mais tant d'esprit grâce aux mots !
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J'ai adoré ce passage ! Le jeu sur les mots, c'est vraiment fascinant, j'adore ça. Merci de ton passage 🙂
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J'ai laissé traîné une faute affreuse, mais tant pis !
Sinon, hé bien, on se voit aux Utopiales vendredi. 😉
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Je le prends en note ! Cette histoire de 700 à 0 pages me fait un peu penser au manga que l'on lit à l'ernvers. Doit-on ici aussi commencer par la fin ?? pas besoin de répondre à la question, je veux ABSOLUMENT m'acheter ce livre !
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Ha non là on commence par le début. Mais cela a un sens important dans le livre, que je ne peux pas dire, cela spoilerait complètement l'histoire.
Bon achat alors, ravie d'avoir suscité l'envie de le lire.
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Effectivement, il est pas mal, mais faut s'accrocher (c'est le cas de le dire !)
Il y a des passages très dûrs !
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Brio de l'écrit, brillante histoire, un conte qui compte dans mon estime.
De la SF fantaisiste avec un talent d'écriture extra. Je trouve amusant que nous ayons choisi le même passage à citer (enfin, un des mêmes) mais il montre tellement bien la qualité le travail de l'auteur, les jeux de mots… j'ai hésité avec le « poème » en O de Caracole.
Biz
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