Wastburg | Mettez des bottes

Impressions.

Wastburg est une ville coincée sur un triangle de terre au milieu d’un fleuve. Sur chacune des rives du fleuve, un peuple : Les Waelmiens d’un côté ; les Loritains de l’autre, qui, après s’être longuement fait la guerre pour la possession du fleuve et de ses rives, ont convenu que chacun resterait de son côté.  Wastburg est ainsi devenu une sorte de no man’s land entre les deux.

Ayant finalement compris, qu’aucun des deux pays ne pouvait posséder le fleuve pour toujours et que tous les macchabées provoqués par ces guerres dépassaient largement la valeur de la glèbe convoitée, un roitelet du Waelmstat et un autre aristo de la Loritanie signèrent un jour un traité stipulant que le fleuve deviendrait une frontière définitive entre les deux pays. […] Mais ce que le traité ne prévoyait pas, c’était le statut du delta formé à l’embouchure du fleuve quand il rejoint enfin la mer. […] Avec le temps, c’est sur cette langue de terrain hors des lois que s’est développée une cité apatride : Wastburg.
Le livre est divisé en 15 chapitres qui sont autant d’histoires sur les habitants, les coutumes, les quartiers de cette ville pour le moins boueuse et poisseuse. Certains personnages sont récurrents (plus qu’à son tour pour le fameux Polkan), d’autres se font tuer au détour d’un toit glissant ou d’un règlement de compte. Dans tous les cas, Cédric Ferrand s’attache particulièrement à nous décrire la garde de la ville, la « gardoche » pour les familiers de l’argot wastburgien. Sans conteste, de ce côté, l’histoire la plus truculente que j’ai lue est l’épisode de la charrette de courges coincée 

sur le pont :

Quand un gars se hissa sur le haut de la charrette et qu’il commença à jeter les courges dans le fleuve, Raemster comprit qu’il était dans la merde car la situation lui avait échappé. Graft se crêpait le chignon avec les conducteurs de bœuf et ne venait pas l’aider. Le proprio au bœuf mort hurlait à chaque courge qui valsait dans la flotte et secouait Raemster à pleine main pour le faire réagir :
 » Ah, mais vous allez les arrêter, oui ? Ils vont me ruiner ! »

D’autres gusses étaient montés dans la charrette, les courges pleuvaient dru. De grosses gerbes d’eau jaillissaient bruyamment à chaque impact. Pour accélérer le mouvement, d’autres piquaient une citrouille ou une courgette avant de se glisser jusqu’à l’entrée de la cité. Le temps que Raemster se débarrasse de l’encombrant propriétaire de la charrette, cette dernière était vide.>

L’immersion dans l’atmosphère pour le moins viciée de Wastburg est totale. Petit à petit, on découvre les différents éléments qui la constitue : la Purge, la prison putride, la tour des majeers, désertée depuis que la magie a foutu le camp on ne sait où, le quartier des vanniers où sont fabriqués non seulement les paniers d’osiers mais aussi l’argot wastburgien, le quartier loritain haut en couleurs, les toits de la ville … Le tout n’est pas dénué d’un certain humour, parfois scatologique :

Kleen chercha une maison bourgeoise et grimpa lestement jusqu’en haut de la cheminée, où il baissa ses braies pour s’asseoir confortablement sur la souche, le cul bien calé dans le trou. C’était devenu un de ses plaisirs solitaires : crotter généreusement chez ceux qui le regardaient autrefois de haut, avec le secret espoir qu’à la première flambée de l’année, la merde tombée dans l’âtre empesterait les beaux appartements de ces rupins.

Au milieu de ces tableaux déjà passionnants, il faudra encore cherche le fil rouge de l’histoire qui se tisse entre deux verres de bouscotte ( vous n’avez pas envie de savoir ce qu’est la bouscotte, je vous assure … Enfin, si la curiosité vous tenaille, vous savez ce qu’il vous reste à faire). Cela dit, je l’ai trouvé plutôt secondaire, même si c’est amusant de découvrir dans chaque chapitre les éléments qui font avancer l’intrigue.
 
Non, ce qui m’a vraiment plu, c’est ce plongeon dans la ville et dans sa populace, le côté fangeux mais néanmoins attachant ; toutes ces anecdotes qui, mises bout à bout, donnent une consistance à cette cité médiévale imaginaire mais ô combien réaliste. Courez-y, si vous ne craignez pas de vous salir le bas du pantalon (voire davantage) !
 
POUR ALLER PLUS LOIN
 
Publié en 2011 aux Moutons Électriques
Illustration par Maroussia Podkosova et Patrice Larcenet.

283 pages

L’interview de l’auteur par Gromovar.

 

AILLEURS
Impromptu, Munin et son côté obscur Bob, Efelle, Guillaume, Blackwolf, Cédric,

 
 

 

15 commentaires sur « Wastburg | Mettez des bottes »

  1. Comme toi, j'ai trouvé le fil rouge plus secondaire, les chapitres m'apparaissaient plus comme des nouvelles d'un même recueil. C'est ce qui m'a un peu déçu vu que je pensais que le fil rouge serait plus important dans les différentes intrigues/histoires. Mais pris séparément, les chapitres sont vraiment supers !

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