Fahrenheit 451 | Un des livres les plus importants qui ait jamais été écrit

Impressions.

Sur le Cercle d’Atuan, le mois d’aout s’est révélé être un mois spécial Ray Bradbury : suite à son décès le 5 juin dernier, la plupart des propositions étaient des romans ou des recueils de nouvelles de l’auteur. Le choix des participants s’est tourné vers Les Chroniques Martiennes et Fahrenheit 451. Bien à propos, j’avais gagné le second à la fameuse loterie du club Présence d’Esprit aux Imaginales. Je me suis donc attelée à la relecture de ce monument, que j’avais découvert il y a fort longtemps.

Guy Montag est pompier. Son job consiste à brûler des livres découverts chez des particuliers. Oui, car comme chacun le sait, les livres c’est le Mal. S’y cachent la faculté de réfléchir et de prendre conscience de ce qui nous entoure. Or, dans le monde de Montag, ce genre de choses est très mal vue. Chacun se doit de mener gentiment sa petite vie, aussi superficielle que possible.

Je me souviens des journaux qui mouraient comme des papillons géants. On n’en voulait plus. Ça ne manquait plus à personne. Et le gouvernement, voyant à quel point il était avantageux d’avoir des gens ne lisant que des histoires à base de lèvres passionnées et de coup de poing dans l’estomac, a bouclé la boucle avec vos cracheurs de feu. 

Montag bien sûr approuve ce discours. Il brûle son lot de livres toutes les nuits et rentre ensuite retrouver sa femme, Mildred, abrutie par des émissions sortant d’une sorte de télé 2.0. Mais cet équilibre va être bouleversé essentiellement par deux évènements :

  • La rencontre de Montag avec Clarisse, une jeune fille excentrique qui va innocemment lui faire comprendre la vacuité de son existence.

Après tout, on vit à l’époque du kleenex.  On fait avec les gens comme avec les mouchoirs, on froisse après usage, on jette, on en prend un autre, on se mouche, on froisse, on jette.

  • Un soir, une vieille femme va préférer brûler en compagnie de ses livres plutôt que de continuer à vivre sans eux.

Il doit y avoir quelque chose dans les livres, des choses que nous ne pouvons pas imaginer, pour amener une femme à rester dans une maison en flammes; oui, il doit y avoir quelque chose. On n’agit pas comme ça pour rien.

C’est le déclic pour Montag, il ne peut plus vivre en se voilant la face  comme il l’a toujours fait. Il va ainsi mener sa révolution personnelle, assez maladroitement il est vrai, mais sincère tout au moins.

Je ne sais pas si j’aurais encore un jour l’occasion de lire un livre aussi intemporel que Fahrenheit 451. Ce qui est dénoncé ici ne sont pas tant les autodafés, ni même la censure, qui sont des attaques frontales aux livres et à ce qu’ils contiennent, mais surtout surtout la censure causée par la manque d’intérêt et la culture de masse abrutissante. Ce n’est pas comme si on n’était pas en plein dedans …


C’est encore plus effrayant car plus latent, plus progressif et moins à même de  créer des
réactions de révolte. C’est une sorte d’abandon consenti de son esprit critique et du Savoir au profit des biens matériels, des distractions vide-cerveau et … de la tranquillité d’esprit.

Les Noirs n’aiment pas Little Black Sambo. Brûlons-le. La case de l’oncle Tom met les Blancs mal à l’aise. Brûlons-le. Quelqu’un a écrit un livre sur le tabac et le cancer du poumon ? Les fumeurs pleurnichent ? Brûlons le livre. La sérénité, Montag. La paix, Montag. A la porte, les querelles. 

La langue de Bradbury (et celle des traducteurs) est poétique et riche. Ce livre est littéralement bourré de citations (et je lui dois d’avoir relancé mon tumblr), de ce genre de citations qui frappent, qui font se serrer le coeur (celle des papillons géants ci-dessus me donne presque la larme à,l’oeil), que l’on retourne dans tous les sens, que l’on relit et que l’on a envie de partager. Chaque phrase frappe juste, aucune n’est de trop. Le livre est très dense, très condensé. Il ne fait peut être que 213 pages mais il en dit beaucoup plus que la plupart des livres qui en font 600.

Et gardez toujours cette idée en tête : vous n’avez aucune importance. Vous n’êtes rien du tout. Un jour, il se peut que ce que nous transportons rende service à quelqu’un. Mais même quand nous avions accès aux livres, nous n’avons pas su en profiter. Nous avons continué à insulter les morts. Nous avons continué à cracher sur les tombes de tous les malheureux morts avant nous. Nous allons rencontrer des tas de gens isolés dans la semaine, le mois, l’année à venir. Et quand ils demanderont ce que nous faisons, vous pourrez répondre : nous nous souvenons.

Fahrenheit 451 est selon moi un livre indispensable, que l’on soit lecteur de SF ou pas. C’est un livre qui transcende les années, les 60 années depuis qu’il a été écrit, et que tout le monde devrait avoir lu. 

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Publié pour la première fois en 1953, revu en 1981.

1995 pour la présente traduction chez Denoël.

Traduit de l’anglais (américain) par Jacques Chambon et Henri Robillot.

Titre original : Fahrenheit 451

Préface de Jacques Chambon (à lire, elle est très intéressante).

213 pages.

Prix Hugo du meilleur roman en 1954.

AILLEURS


Euphemia, Roz, Le blog de Phil, Lorhkan Les Murmures d’AC Dehaenne,

 

Livre lu en compagnie du Cercle d’Atuan
(nos discussions sont vraiment passionnantes,
n’hésitez pas à nous rejoindre)

13 commentaires sur « Fahrenheit 451 | Un des livres les plus importants qui ait jamais été écrit »

  1. Puisque tu parles ici de l'importance des livres, de leur conservation, de leur transmission, de leur pouvoir, je ne peux m'empecher de conseiller « Le Nom de le rose » d'Umberto Ecco qui lui par contre est un sacré pavé à se farcir et « Comme un roman » de Daniel Pennac.
    On sort du registre SF mais il est intéressant de voir de quelle façon le livre et le savoir sont défendus.

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  2. Je crois que tu as tout dit, ça semble être un vrai coup de coeur pour toi.
    J'ai plutôt préféré la douce mélancolie (et le cynisme) des « Chroniques martiennes », mais de toutes façons, Bradbury devrait être étudié à l'école !

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  3. « C'est une sorte d'abandon consenti de son esprit critique et du Savoir au profit des biens matériels, des distractions vide-cerveau et … de la tranquillité d'esprit. « 
    Mais non, voyons.
    JE retourne regarder TF1… :-p

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  4. @ Lorhkan : Bradbury est étudié à l'école. En tout cas il l'a été, car une de mes collègues, qui a 51 ans, se souvient avoir lu « Les chroniques martiennes » au collège. Et je crois bien que « Fahrenheit 451 » était conseillé quand moi, j'y étais.
    @ Tigger Lilly : l'intemporalité, c'est je crois le maître mot de ce livre. je l'ai déjà lu deux fois, et il n'a toujours pas pris une ride (du haut de mon grand âge… hi ! hi !). J'apprécie tes extraits, ils nous remettent bien dans le bain.
    (PS : oui, je suis rentrée de vacances…)

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  5. Je l'ai découvert à l'adolescence et ça reste un des livres de SF qui m'a le plus marqué…
    Les thèmes sont vraiment universels et intemporels, on ne peut qu'être touché par Montague, Clarisse et même Mildred…

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  6. Oui coup de coeur on peut dire ça, je pense. Pas lu Les chroniques martiennes, faudrait que je m'y mette. Je crois qu'il est étudié à l'école assez régulièrement. Au lycée on avait étudié 1984, ce qui est du même acabit.

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  7. Oui ce livre est vraiment intemporel. Merci pour les extraits, ils ont fait l'objet d'une sélection difficile parmi les citations que j'avais repérées dans le livres.
    J'espère que tes vacances furent bonnes.

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  8. Ce livre m'avait aussi beaucoup marqué à ma lecture, et c'est le genre de livre que tu lis et relis sans te lasser, et qui t'apportera toujours quelque chose, et qui poussera à la réflexion.
    C'est un indispensable dans toutes les bibliothèques qui se respectent !

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