Le Hobbit | Au fond d’un trou vivait un hobbit

Le hobbit annoté J.R.R. Tolkien nouvelle traduction couverture
Je ne puis nommer aucun livre pour enfants, paru au cours des vingt-cinq dernières années, dont je pourrais dire avec plus d’assurance qu’il sera lu au vingt et unième siècle.
Marcus S. Crouch, critique pour Junior Bookshelf, au début des années 50.

Commencer ces Impressions par cette citation, que l’on peut trouver dans l’introduction du présent ouvrage, n’a rien d’anodin. Comme beaucoup j’ai lu Le Hobbit quand j’étais adolescente. On était encore au 20ème siècle, mais même en ce temps-là, notre bon Marcus avait déjà gagné son pari. Je ne l’avais cependant plus relu depuis près de 10 ans, lors d’une relecture … en anglais. La nouvelle édition des aventures de Bilbo arrivait donc à point nommé pour relire cette petite merveille de la littérature jeunesse, de celle qui plait autant aux petits qu’aux grands et qui traverse le temps et les contrées.

A propos de la nouvelle édition

Cette nouvelle édition, en outre d’être un livre d’un certain cachet (ça aurait presque valu la peine d’en faire une édition de luxe avec couverture cartonnée et jolie reliure)(et en fait j’apprends que c’est le cas avec des illustrations d’Alan Lee), propose : une nouvelle traduction, une introduction et des notes… pleins de notes, deux appendices et des illustrations.

Le hobbit annoté J.R.R. Tolkien nouvelle traduction carte de Thror
La carte de Thror

L’introduction est conséquente puisqu’elle fait une quarantaine de pages. Elle raconte toute la genèse du Hobbit, des premiers jets écrits par Tolkien à la seconde publication dans les années 50. C’est là aussi que l’on trouvera les premières annotations. Elles sont fort instructives. Cela ne sera pas toujours le cas à la lecture de l’histoire où beaucoup d’annotations se contentent de décrire les petites modifications de texte entre les différentes éditions (et même les corrections de fautes de frappe). Mais parfois on a une petite explication sur le pourquoi de certaines modifications de texte et les changements qui ont été fait pour garder une certaine cohérence entre Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux. Ces annotations sont des petits bijoux qui raviront le fan de Tolkien.

Chez Tolkien, le précurseur de Gollum fut une petite créature visqueuse appelée Glip, qui apparaît dans le poème du même nom. Glip fait partie d’une série de poèmes appelée Chants et contes de la baie de Bimble, et bien que le poème ne soit pas daté, il a sans doute été composé vers 1928. […]

Par contre je ne pense pas que cela soit une bonne idée de lire ce roman pour la première fois sous sa forme annotée. Si je ne peux que conseiller la nouvelle traduction par rapport à l’ancienne, les annotations pour un primo-lecteur ne vont que l’embrouiller, le ralentir et le perdre dans les méandres de l’histoire de l’oeuvre. Cela me parait inutile.

Le livre est également illustré, dans un assemblage joyeux d’illustrations de Tolkien lui-même, des différentes versions anglo-saxonnes mais aussi de partout dans le monde. Il y en a de très belles mais aussi très laides et puis des vraiment bizarres, et aussi des à côté de la plaque par rapport à l’histoire. C’est assez rigolo en plus d’aérer le texte. Au milieu du livre on a droit à un petit cahier d’illustrations en couleur.

La présente édition propose également deux appendices, un qui explique les runes utilisées sur la fameuse carte et puis surtout un qui explique comment cette expédition a été lancée et pourquoi … Le tout raconté du point de vue de Gandalf, ce qui n’est pas chose courante, le personnage ayant une propension non négligeable à cultiver le mystère.

Au fond d’un trou vivait un hobbit

Bilbo Bessac est donc un hobbit et comme tous les hobbits il aime sa petite vie tranquille, la bonne chère et ne manque jamais l’heure du thé.

Au fond d’un trou vivait un hobbit. Non pas un trou immonde, sale et humide, rempli de bouts de vers et de moisissures, ni encore un trou sec, dénudé, sablonneux, sans rien pour s’asseoir ni se nourrir : c’était un trou de hobbit, d’où un certain confort.

Mais cette tranquillité va être perturbée par la visite impromptue de Gandalf, magicien un peu mal vu dans la région mais dont on apprécie néanmoins les feux d’artifice, qui lui propose … une aventure.  Evidemment notre amateur de petit gâteaux ne se laissera pas convaincre aussi facilement, vous vous en doutez mais il finira par partir, en compagnie de Gandalf et de 13 nains, menés par Thorin Lécudechesne sur les traces d’un trésor gardé par un dragon.

Nous sommes des gens simples et tranquilles et les aventures ne nous intéressent pas. Quel tracas, quel inconfort, quelle horreur ! De quoi vous mettre en retard pour le dîner ! Je ne vois pas ce qu’elles ont d’attirant […]

Comment comment les aventures ne nous intéressent pas ? Grand bien en a pris à Bilbo de se laisser entraîner dans celle-ci, j’aurais été fort marrie d’être privé de son récit. Voilà le genre de bouquin, bourré d’humour et de séquences formidables, dont on ne saurait se passer. A travers les années, les générations de lecteurs, les relectures, il reste inchangé continuant autant à plaire, si pas plus qu’au moment de sa sortie.

Sous couvert d’un conte pour enfants, Le Hobbit est très riche ; on sent poindre derrière les éléments qui feront la complexité du Seigneur des Anneaux et la mythologie inventée par Tolkien. Je ne sais pas ce qu’il avait déjà couché sur papier de la mythologie de la Terre du Milieu, tout ce qu’on peut trouver dans le Silmarillon ou dans les appendices du Seigneur des Anneaux. Forcément il devait y en avoir quelque chose, je ne peux pas croire qu’il ait sorti cette histoire de nulle part. Ce qui rend la chose encore plus extraordinaire.

Mais qui sait comment Gollum était venu en possession de ce cadeau, il y avait des siècles, dans cet ancien temps où pareils anneaux étaient encore disponibles dans le monde ? Peut-être le Maître qui les régissait n’aurait-il pu, lui-même, le dire.

Absence de manichéisme

Ce qui est très appréciable aussi dans Le Hobbit, c’est l’absence de manichéisme de l’histoire. D’accord, le dragon est le méchant dans l’histoire mais les personnages qui gravitent autour de Bilbo, et Bilbo lui même, sont loin de manquer de défauts. Les nains sont égoïstes, les elfes orgueilleux  les hommes cupides.  Thorin est décevant lorsqu’il cède devant l’attrait du trésor ; les nains ne sont au final pas bien efficaces et Gandalf les abandonne tous pour aller régler ses propres affaires après avoir mis tout ce petit monde sur les routes (et sans plus de culpabilité d’avoir lancé ce pauvre Bilbo dans une aventure qui au final ne le concerne nullement). Les elfes se montrent plaisantins, guère sympathiques au final par leurs moqueries et leur méfiance envers les nains. Le tout est assaisonné d’une certaine cruauté. Tolkien va quand même trouver le moyen de laisser les poneys servant de montures au groupe se faire manger. Deux fois. Le ton reste léger malgré une aventure non exempte de violences, ce qui passera assez facilement auprès des enfants mais les adultes ne manqueront pas de se demander s’il n’y a pas là une pointe de cynisme.

Ce fût la dernière fois, j’en ai peur, qu’ils virent ces vaillants petits poneys (dont une joyeuse petite bête blanche, très robuste, prêtée à Gandalf par Elrond, parce que son cheval ne pouvait gravir les sentiers de montagne. Car les Gobelins mangent les chevaux, les poneys et les ânes (et bien d’autres choses moins appétissantes), et sont toujours affamés.

L’évolution du personnage de Bilbo est aussi très intéressante. De sa Comté natale à la grotte de Smaug, le petit personnage va nous surprendre plus d’une fois. Au final, il se révèle bien plus courageux et utile que 13 Nains mis ensemble. Cela pourrait paraître incohérent, mais en fait pas du tout car Bilbo use de moyens à sa mesure pour se dépatouiller des situations les plus difficiles … Il usera plutôt de la ruse que de la force, de la dissimulation plutôt que le conflit direct. Et ce, de façon très ingénieuse. C’est bien plus rigolo de le voir libérer les nains en les casant un par un dans des tonneaux qu’au moyen d’une scène de bataille grandiose.

Le Hobbit permet aussi de faire la connaissance de Gollum, personnage emblématique du Seigneur des Anneaux. D’ailleurs, l’intrigue autour de l’anneau ne permet pas du tout de se douter qu’il va avoir une importance capitale par la suite : l’objet ressemble davantage à un « banal » artefact magique. A tel point que je doute que Tolkien savait déjà en écrivant Le Hobbit ce qu’il allait en faire des années plus tard.

En fait, Bilbo comprit qu’il avait perdu non seulement ses cuillers, mais aussi sa réputation.

Puisse la fourrure de vos pieds ne jamais tomber et vos aventures en Terre du Milieu toujours continuer !

Informations éditoriales

Publié pour la première fois en 1937. 2012 pour la présente traduction aux éditions Christian Bourgois. Traduit par Daniel Lauzon. Titre original : The HobbitIllustration de couverture de JRR Tolkien. Annotations de Douglas A. Anderson. 463 pages.

Pour aller plus loin

D’autres avis : Vert (Le Hobbit annoté), Roz, Endea, Fey Girl, ou signalez-vous en commentaire.

21 commentaires sur « Le Hobbit | Au fond d’un trou vivait un hobbit »

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.