Le prophète et le vizir | Deux contes

Le prophète et le vizir se compose de  deux contes orientaux : L’ensemenceur et Les huit enfants  du vizir Fares Ibn Meïmoun écrits par Yves et Ada Rémy et publié aux éditions Dystopia. J’ai lu ces petites merveilles et vous en touche quelques mots.

Contexte narratif

Dans le premier conte, on fait la connaissance d’un pêcheur d’huîtres devenu visionnaire. Il voit le futur lointain, tellement lointain qu’il voit en fait notre époque à nous. Bien évidemment cela induit un décalage assez amusant quand il tente de décrire ce qu’il voit.

Sous un dôme qui recouvrait une dune d’un sable immaculé et aussi blanc que la nacre à l’intérieur des coquilles d’huîtres, des hommes sur des planches attachées à leur pieds glissaient le long de la pente à la vitesse d’un poney au galop.
[L’ensemenceur]

Le second est dans la directe continuité du premier et raconte comment un vizir essaie à tout prix d’éviter que la prophétie émise par notre pêcheur d’huîtres se réalise, à savoir la mort -violente -de ses 8 enfants.

Mais chacun des mots lancés par Kemal étaient comme des graines qui ne demandaient qu’à germer et à pousser dans le terreau gras,  fécond et généreux des légendes en gestation ou de l’histoire, la petite, puisque la grande jugea bon  de faire l’ignorante. Fares résolut donc d’arracher ses enfants au sort qui leur était prétendument promis.
[Les huit enfants  du vizir Fares Ibn Meïmoun]

Un prophète sachant prophétiser

Ce petit livre est un bijou d’astuce et d’humour. Le voyage de Kemal et l’histoire des 8 enfants du vizir sont un prétexte pour nous faire réfléchir sur le concept même de prophétie. Nous suivons les tourments de Kemal qui ne parvient pas toujours à savoir s’il doit ou non annoncer quelque malheur futur, garder tout ça pour lui ou donner des conseils pour éviter que le dit malheur n’arrive.

Il ne savait pas ce qu’il allait advenir de cet exode intempestif mais il sentait que cette population déplacée était porteuse d’un ferment de violence, de discorde et de tragédie et il comprit quel message il devait léguer aux habitants de Beryte. Dans le plus grand embarras, il se contenta de leur dire : « Cultivez les lois de l’hospitalité ! »
[L’ensemenceur]

Il sera aussi question de ce qu’il faut faire de la prophétie une fois qu’elle a été émise : est-elle vraie ? est-elle évitable ? Le fait de la considérer comme vraie ne peut-il pas mener les hommes à tout faire pour qu’elle se réalise ? Ou qu’elle ne se réalise pas ? Voilà un sujet passionnant que je vais oser rapprocher du concept psychologique de « la prophétie autoréalisatrice«  que j’avais étudié en long en large et en travers au lycée et à l’université (et en particulier l’effet désastreux que cela peut avoir sur les gamins à l’école). Les chutes de chacune des deux nouvelles sont vraiment très futées et ne pourront que générer encore plus de questionnement de la part du lecteur. Cela tient pour une part importante dans mon plaisir de lecture.

Ainsi parla Kemal avec autorité et sans plus argumenter il se retira dignement tandis que l’auditoire se demandait si les fous pouvaient prophétiser ou si, d’habitude, les prophètes étaient sujet à la folie.
[L’ensemenceur]

Rajoutons à cela que le style est très sympathique. Je n’y connais rien en contes arabes, mais le ton m’a semblé juste par rapport à l’histoire et son origine supposée. Il y a aussi beaucoup d’humour et même un brin de poésie. Le texte est brillamment supporté par une illustration de couverture dont on comprendra le lien avec l’histoire en lisant le premier conte.

A lire pour le plus grand plaisir de l’intellect, mais sans prise de tête aucune.

Informations éditoriales

Publié en 2012 chez Dystopia. 155 pages. Conception de la couverture par Corinne Billon et Laure Afchain.

Pour aller plus loin

D’autres avis :  Le Pendu, Efelle, Lhisbei, Bulle de livre, Les blablas de Tachan, ou signalez-vous en commentaire

10 commentaires sur « Le prophète et le vizir | Deux contes »

  1. Il me semble avoir déjà avoir été intriguée par cette belle couverture, sans pour autant avoir sauté le pas…
    Ta chronique et le fait que ça soit publié chez Dystopia ne me font plus hésiter, la prochaine fois que je le trouve, je le chope! 😀

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