La Créode et autres récits futurs | Du grand Joëlle Wintrebert

La créode est un recueil de nouvelles écrit par Joëlle Wintrebert. Il a été publié au Bélial’ en 2009. Après extirpation de ma pile à lire je l’ai lu avec un immense plaisir et je vous dis tout dans cette chronique.

Impression générale

Quatre ans de pile à lire pour ce recueil. Voilà qui ressemble à une condamnation injustifiée à une peine de prison. La Créode et autres récits futurs propose une sélection de 19 textes de Joëlle Wintrebert, dont un Prix Rosny Ainé (1980) pour la nouvelle qui donne son titre au recueil et un inédit La déesse noire et le diable blond.

Le volume (500 pages tout de même) contient également des bonus :

  • un texte de présentation par Yves Frémion.
  • une postface de l’autrice qui revient sur la genèse des nouvelles du recueil : Carbone 14.
  • une analyse de l’oeuvre de Joëlle Wintrebert par Roland C. Wagner : Défense et illustration de Miss Univers.
  • Un entretien avec l’autrice mené par Richard Comballot : La créatrice chimérique.
  • Une bibliographie complète.

La quatrième de couverte annonce de la qualité et ce n’est pas volé. Ce recueil est un sans faute, même si quelques textes m’ont moins parlé que d’autres.

Chaque nouvelle marque par ses thématiques et la création d’un univers propre (avec la frustration que le format nouvelle peut apporter). J’étais sans cesse étonnée de l’imagination et la précision dont l’auteur faisait preuve. Soit la sélection des textes a été faite au millimètre, soit tous les textes de Joëlle Wintrebert sont du même acabit. Dans les deux cas, je m’incline.

Thématiques récurrentes

Certains thèmes sont récurrents et c’est par leur intermédiaire que je vais vous présenter les nouvelles de ce recueil .

  • L’enfance. Le verbiage du verbic : au travers d’une expérience scientifique, on explore comment les enfants s’éduquent eux-mêmes sans l’intervention des adultes.  Il ne faut pas jouer avec les enfants est la seule nouvelle un peu hors sujet du recueil puisqu’il s’agit de littérature fantastique mais son délicieux cynisme m’a ravi.
  • Questions sociétales variées. La question de l’immortalité est traitée dans Qui sème le temps récolte la tempête ; celui du clonage et de ses travers dans Pur esprit. Le Nirvana des accalmeurs parle d’une société qui entrave toute rébellion en contrôlant les rêves des gens. La journée de la Guerre met en scène un monde où pour se débarrasser de la violence on injecte aux gens, une fois par an, des souvenirs de guerre terrifiants avec un choix à faire : la vengeance et donc la violence ou le pardon et la paix. Et après ? parle d’une fin du monde due aux excès de la civilisation humaine et de la transmission de la mémoire pour éviter que cela ne se reproduise.

Le gros morceau est certainement le rapport à l’autre. Je vois deux distinctions dans cette thématique, même si l’imagination de l’auteur fait parfois déborder les frontières : le rapport à l’extra-terrestre et les rapports hommes / femmes.

  • Les extra-terrestres. Arthro est l’histoire d’une rencontre entre des humains en perdition sur une planète habitée par des créatures insectoïdes intelligentes. La nouvelle nous permettra de découvrir d’une part comment les humains vont communiquer avec ces insectes géants, d’autre part comment ils se reproduisent. Certainement l’une de mes nouvelles préférées du recueil. Hydra explore le même thème mais en y rajoutant une histoire d’amour entre un être extraterrestre et un être humain. Il n’est pas question de créature verte et gluante s’accouplant avec un être humain (je vous vois déjà venir), c’est beaucoup plus compliqué que cela, mais je déflorerais le sujet en m’avançant davantage. Imago est une nouvelle assez géniale également : on injecte l’esprit d’un homme dans une larve d’un insecte extraterrestre dans le but d’espionner cette espèce. Alien bise est un hommage au film Alien : des voyageurs de l’espace explore une navette abandonnée sur une planète. Ils ne trouvent rien de particulier et repartent. Sauf qu’ils constatent quelque temps plus tard l’apparition d’une petite excroissance sur leur crâne. Hurlegriffe est le dernier représentant de son espèce. Il a été capturé par les humains, qui lui dénient toute forme d’intelligence. On lui donne en pâture les condamnés à mort dans un spectacle qui n’a rien à envier aux cirques romains. Mais lui ce qu’il veut c’est reconstruire son peuple.
  • Rapports hommes / femmes. La Créode, qui ouvre le recueil, parle de la reproduction par parthénogénèse et en particulier comment un homme va désespérément lutter contre la séparation de son double en formation de lui-même. Hétéros et Thanatos : Sélèn est un être très particulier ; il peut prendre la forme de n’importe qui. Il tombe amoureux d’Azarine, qui est traitée en paria par les siens. Dans La femme est l’avenir de l’homme, une femme cryogénisée se réveille dans un futur où l’homme a disparu. Cendres est une planète colonisée par des humains, dont les hommes ont muté pour devenir des sortes de chauve-souris frivoles. Dans La déesse noire et le diable blond, une femme est condamnée à cohabiter avec l’esprit de l’homme qu’elle a tué. Avatar m’a fait penser à la série Dollhouse : pour gagner de l’argent, il est possible de prêter son corps à quelqu’un d’autre.

Une nouvelle n’a pas été citée ci-dessus car elle est inclassable, il s’agit de La fiancée du roi. L’histoire d’un chercheur qui, atteint d’un cancer, va faire fusionner de l’ADN de dinosaure pour en guérir. Il va bientôt se retrouver projeté dans un monde parallèle où auraient été déplacés les dinosaures il y a 65 millions d’années. C’est la nouvelle la moins réaliste du recueil mais elle est sympathique néanmoins (bip bip Alys).

Ce recueil est un véritable petit chef-d’oeuvre de maîtrise du format court et d’imagination science-fictive. Je le conseille plus que vivement.

A noter qu’il est sorti en numérique, soit le recueil complet, soit des nouvelles à la pièce, ce qui peut être une excellente idée pour découvrir la plume de Joëlle Wintrebert sans se ruiner. Si l’expérience vous tente, je vous conseille particulièrement : La journée de la guerre, Arthro, Hydra, Imago, La déesse noire et le diable blond. Ce sont des préférences très subjectives et si vous avez déjà lu le recueil ou si vous vous décidez à le découvrir, je serais ravie de connaître les vôtres. Aucun texte ne laisse indifférent et les thèmes étant très variés , il y a de quoi piocher dans ce qu’on aime

Informations éditoriales

Publié en 2009 aux éditions Le Bélial’. Illustration de couverture de Philippe Caza. 500 pages

Pour aller plus loin

D’autres avis : Les lectures d’Efelle, ou signalez-vous en commentaire.

13 commentaires sur « La Créode et autres récits futurs | Du grand Joëlle Wintrebert »

  1. Prrrt, des fois tu me désespères. Parler de surféminisation alors que les auteures de SF françaises se comptent sur les doigts de la main, ça me fait presque mal au cœur. Si on rajoute à cela la surmasculinisation des films de SF actuels, tu m'achèves.

    Pas besoin de paranoïser parce qu'il y a une nouvelle qui s'appelle La femme est l'avenir de l'homme.

    Michant troll !

    J’aime

  2. Joli combo de challenge, et tu donnes bien envie de découvrir ce recueil.
    C'est fou ça quand même, en dépit de la quantité monstrueuse de bouquins que j'ai pu lire, je crois que j'ai jamais lu une seule nouvelle de cette auteure.

    J’aime

  3. « Si on rajoute à cela la surmasculinisation des films de SF actuels »
    Tu as raison et je suis contre la surmasculinisation également. JE suis pour un juste milieu. (allez fait pas la tête p'tite tigresse) 😀

    D'ailleurs je trouve que les derniers films de SF (blockbusters US en général) sont nuls.

    Je vais me diriger de plus en plus vers des perles comme Moon. Mais c'est difficile à trouver de tels films.

    J’aime

  4. Suite à une discussion sur le sujet, j'en suis venue à la conclusion que si tu voulais trouver ton bonheur dans le cinéma (et par bonheur j'entends bonheur intellectuel), il vaut mieux se tourner vers les vieux films, genre Alien, que tu cites dans ta chronique de Moon. Sinon on parle pas mal du film « Le Congrès » en ce moment, pour de la SF de qualité. Je ne l'ai pas vu cependant.

    J’aime

  5. Bon, alors, j'arrive carrément après la guerre, vu que ce billet a trois ans :p On remercie Vert qui a mis le lien dans sa chronique sur Les Enfantômes… ^^ (Qu'est-ce que je pouvais bien bidouiller en septembre 2013 pour louper ça?)
    Et bien ça a l'air très sympa tout ça, et figure-toi que je le pensais déjà avant de voir le mot dinosaure et d'éclater de rire sur « bip bip Alys » !!! 😀

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.