Je suis ton ombre | les gentils vampires n’existent pas

je suis ton ombre morgane caussarieuEn short-list du PSF 2015, Je suis ton ombre de Morgane Caussarieu, un roman publié chez Mnémos, est passé entre mes mains cet été. Voyons de plus près ce qu’il en est de cette sombre merveille…

Poil de Carotte est un jeune garçon d’une douzaine d’années, vivant dans le petit village de Temple en Gironde. Pas en bord de mer mais presque. Il est le souffre-douleur de la bande à Timmy, le caïd de l’école primaire, un doubleur multirécidiviste qui fait régner la terreur sur le toboggan de la cour de récré. En même temps, il rêve d’intégrer cette bande, de faire pote avec Timmy, qu’il admire beaucoup. Au grand dam de son ami d’infortune, David, dit le P’tit Gros, un fils de riches, obèse et complaisant, trop gentil pour faire sa place dans ce trou plein de misère.

Poil de Carotte n’a pas la vie facile, on l’aura compris. Surtout qu’il est hanté par le souvenir d’un événement tragique survenu quelques années auparavant et dont la gueule cassée et l’infirmité paternelle ainsi qu’une maison restée inachevée sont les témoins. Je ne vous en dirai rien car une des immenses qualités de ce roman est le non-dit qui finit par s’expliquer, le non-dit que le lecteur comprend à moitié sans trop vouloir y croire et qui va le pousser à tourner les pages, de la même façon que Poil de Carotte tournera les pages de ce journal intime dégoté au fond d’une vieille maison en ruines, de plus en plus fiévreusement. Une belle mise en abyme.

Donc, notre Poil de Carotte fera la découverte d’un carnet rempli des notes d’un certain Gabriel. Le voilà transporté dans une histoire encore plus sombre que la sienne, celle de deux petits garçons du Bayou au 18è siècle. A partir de là, on assistera, impuissants et voyeurs, à la longue descente aux enfers de l’esprit déjà bien tordu de Poil de Carotte.

Dans un double style parfaitement maîtrisé (langage parlé d’un ado moderne vs. langage châtié d’un vampire vieux de 300 ans), Morgane Caussarieu n’épargnera pas grand chose à ses protagonistes (et à ses lecteurs, de facto). Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il faut avoir le cœur solidement accroché pour lire cet enchaînement d’horreurs. Et pourtant, les pages se tournent toutes seules ; on ne peut pas s’en empêcher, on est comme hypnotisé.

Le thème du vampirisme est brillamment (ne vous méprenez pas) traité. C’est trash, sale, dégueulasse et cruel. Ça traîne derrière soi la douleur des Noirs enlevés à leurs villages africains pour finir esclaves dans les plantations. Le thème de l’enfance n’est pas en reste mais il sera abordé sur le même registre : une enfance tordue, psychotique, loin de la naïveté et de l’innocence qui y sont plus fréquemment associées, loin des adultes aussi, au mieux aveugles au pire pervers, dont il n’y a rien de positif à tirer.

Morgane Caussarieu signe un roman que l’on déteste adorer. Elle mélange les thèmes du vampire et de l’enfance dans un texte hypnotique, cru, à la fois difficilement supportable et impossible à lâcher, laissant le lecteur pantelant de son plaisir coupable d’avoir dévoré cette histoire abominable comme il aurait dévoré le dernier best-seller le l’été.

Informations éditoriales

Publié chez Mnémos en 2014. Illustré par Roy Bishop. 265 pages en numérique, soit 1.5 cm l’épaisseur de ma liseuse.

Pour aller plus loin

Prix Bob Morane 2014.
D’autres avis : Acro. Endea. Gromovar.

19 commentaires sur « Je suis ton ombre | les gentils vampires n’existent pas »

  1. « plaisir coupable d'avoir dévoré cette histoire abominable  » c'est le sentiment que m'a laissé après lecture « Dans les veines ». Je pense donc retenter l'aventure avec plaisir 🙂

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  2. Je vais être obligée d'acheter ce livre et de vous accuser de m'en avoir fait envie. Tsssst ! (en plus, celui qui est en poche a une couverture moche. Du coup je peux même pas craquer pour lui.)

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  3. Un roman terrible mais fascinant, je n'en reviens toujours pas d'y avoir survécu (ainsi que la lecture de son tout premier livre qu'au final j'aurai trouvé encore plus gore).
    A choisir entre les deux, je préfère Je suis ton ombre car il est tout de même diablement bien écrit, j'avais vraiment aimé ce mélange des deux styles : lorsque Poil de Carottes parle et l'histoire des jumeaux.
    Un roman que l'on aime détester, oui j'avoue que c'est un peu ça. J'aurais presque pu ajouter un roman qu'on aime détester xD

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  4. Je lirai certainement Dans les veines. Ça m'intrigue fortement de voir quelles pourront être mes réactions devant un bouquin du même acabit et de voir jusqu'où l'auteure emmène son lecteur. Mais pas tout de suite XD
    Oui les deux histoires mélangées avec les deux styles, deux histoires de jumeaux en plus. Bigre j'aurais du parler du thème du double dans ma chronique. Bref, tout cela est rudement bien ficelé.

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