Seul sur Mars | MacGyver martien

Impressions.
Seul sur Mars est un roman de divertissement par excellence. L’action, le suspens, le rythme de l’histoire sont calibrés pour vous faire vivre des moments intenses. Il ne faut pas en demander plus. Si l’on omet le laïus de fin qui me reste un peu en travers, j’ai passé une excellente lecture sur la planète Mars à me prendre de passion pour la réserve d’oxygène et les réparations de batterie de ce MacGyver martien qu’est Mark Watney.

J’ai écris cette chronique depuis le train, de retour des Utopiales. Utopiales lors desquelles Mars a eu droit à un petit focus avec l’expo VR2Planets du Laboratoire de Planétologie et Géodynamique de Nantes : ils proposaient un voyage 3D dans les canyons martiens. Dimanche matin, l’animateur du stand nous a montré sur un globe martien le parcours du personnage principal de cette histoire. J’ai cru bon d’y voir un signe.

Le résumé

Dans un futur proche, une équipe d’astronautes est en mission pour deux mois sur Mars. La mission est écourtée au bout de 6 jours pour cause de tempête de sable. Au moment de partir en urgence, suite à une collision avec une antenne (c’est pointu une antenne), l’un des astronautes est laissé pour mort pendant que les autres regagnent leur navette et repartent vers la Terre. Ce type, c’est Mark Watney et il est bel et bien vivant, abandonné seul sur Mars. Heureusement, il a plusieurs cordes à son violon : en plus d’être astronaute, il est aussi botaniste et ingénieur en mécanique. Ces compétences l’aideront dans sa lutte pour la survie.

Un page turner réaliste

Vous l’aurez certainement lu ailleurs : ce bouquin est un page turner. Le suspens est intense, bien calibré et rythmé. L’écriture est tellement cinématographique qu’on en viendrait à se demander si les droits d’adaptation n’ont pas été achetés avant même qu’il soit écrit. L’auteur, Andy Weir, visiblement très à l’aise avec les technologies employées dans ce genre de circonstances, joue la carte du réalisme, quitte à parfois perdre légèrement le lecteur non initié. Tout cela fait donc un thriller très efficace.

J’ai cependant deux bémols à vous soumettre.

Caractérisation du personnage

Le premier bémol implique la caractérisation du personnage principal dont le panel émotionnel implique très peu le doute, la peur, le découragement, la dépression liée à l’isolement. Une espèce de surhomme en somme. Evidemment comme il écrit dans son journal de bord, on peut très bien imaginer qu’il fait de la gueule en racontant une situation particulièrement anxiogène alors que sur le moment il se faisait pipi dessus. Il n’y a personne pour vérifier que ce qu’il écrit est vrai. Par bonheur, il a beaucoup d’humour et un ton particulier à l’écriture, ce qui a sauvé l’empathie que j’ai pu ressentir pour lui. Du coup ça reste peu gênant à la lecture.

Laïus de fin 

SPOILER ALERT ON
Le deuxième bémol est simple : le laïus de fin du roman est détestable. Je ne sais pas si l’auteur pense ce qu’il fait dire à son personnage où s’il pensait finir simplement sur un discours dégoulinant de bons sentiments car il ne savait pas trop comment conclure autrement, vu qu’on sent assez bien à la lecture que ce qui l’intéresse principalement ce sont les trouvailles de survie de son personnage.
Je vous livre ses paroles :
Des centaines de millions de dollars pour un pauvre botaniste. Mais pourquoi ?
Je sais pourquoi. Pour commencer, parce que je représente le progrès, la science et l’avenir interplanétaire auxquels nous aspirons depuis des siècles. Et puis – et peut-être est-ce la raison principale- parce que les êtres humains ne peuvent s’empêcher de s’entraider. C’est instinctif. On peut en douter parfois mais c’est la vérité.
Quand un randonneur se perd dans la montagne, les gens organisent et coordonnent des recherches. Quand il y a un accident ferroviaire, les gens font la queue pour donner leur sang. Quand un tremblement de terre rase une ville, l’aide afflue de toutes les régions du monde. C’est une attitude si fondamentalement humaine qu’on la retrouve dans toutes les cultures, sans exception. D’accord il y a des connards qui se moquent de tout, mais ils sont noyés sous la masse de ceux qui se soucient de leur prochain. Voilà pourquoi j’avais des milliards de personnes de mon côté.
C’est cool, hein ?
Pour comprendre pourquoi ce passage m’énerve tant il faut que je vous explique une réflexion qui a animé  ma lecture, alors même qu’elle est à peine abordée dans le livre : est-il éthique de claquer autant d’argent pour sauver un seul type perdu sur Mars ?  Cette question est restée dans ma tête tout du long, avec un léger sentiment de malaise. C’est une question intéressante et je laisse le débat ouvert car il ne s’agit pas pour moi d’y apporter une réponse. Il est d’ailleurs plus que probable qu’il n’y ait pas de bonne réponse à cette question. Juste elle était là, bien que non suscitée par le propos du livre.
Lire ce passage qui essaie de nous faire croire qu’on se soucie de chaque être humain dans la détresse, ça m’a coupé la chique. Je ne vis pas dans le même monde que ce type. Il y a des tas de gens formidables qui aident leur prochain en difficulté sur notre belle planète mais ce ne sont pas eux qui tiennent les cordons de la bourse ni qui dirigent le monde. Heureusement que dans Seul sur Mars la NASA avait budget illimité. On peut espérer que dans ce futur ce soit également le cas de tous les organismes qui vont sauver des vies tous les jours.
Bref, j’aurais largement préféré que ce sujet ne soit pas du tout mis sur le tapis plutôt qu’il le soit avec un laconisme, une naïveté et une arrogance à toute épreuve. Restons-en au thriller haletant.
SPOILER ALERT OFF

Informations éditoriales

Edité en 2014. 2014 aussi pour la traduction française chez Bragelonne par Nenad Savic. Titre original : The Martian. La photographie de couverture vient de la NASA. 408 pages, soit 3.2 cm d’épaisseur.

Chez les blogopotes

 

27 commentaires sur « Seul sur Mars | MacGyver martien »

  1. Personnellement, le paragraphe de fin ne m'avait pas tant marquée que ça, je me suis juste dit que c'était un peu niais mais sans plus (ça n'a pas réussi à éclipser le reste à mes yeux 🙂 Par contre j'appréhendais un peu pour le film car la bande annonce reprenait exactement ce passage (qui rentre complètement dans le cliché du film catastrophe américain), et laissait penser que l'accent serait plus mis sur les sentiments — mais heureusement ce n'est finalement pas trop le cas.

    Je suis plutôt d'accord avec la première raison avancée dans le livre : tout ce qui est entrepris pour le sauver n'en reste pas moins une prouesse technique et scientifique, ce qui reste tout à fait dans les cordes d'une organisation comme la NASA… Et en ce qui concerne les dépenses engendrées, en regard du coût d'une mission spatiale, quelques centaines de millions de dollars ne sont probablement pas excessifs (par exemple, même le budget de la construction de l'E-ELT (European Extremely Large Telescope) approche le milliard d'euros). Donc on peut imaginer que l'argent dépensé pour ce sauvetage aurait de toutes manières été prélevé au détriment d'autres projets de la NASA, et n'aurait de toutes façons pu être 'mieux' dépensé pour aider les personnes qui ont besoin d'un sauvetage sur notre propre planète…

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  2. Certes certes, et c'est pour ça que je pense que la question mérite d'être posée. Mais le fait est que le livre ne le fait pas (et ce n'est pas un mal en soi) mais du coup le paragraphe de fin aurait mieux fait de porter sur quelque chose de moins ambitieux que l'humanité toute entière, en restant plus au niveau du personnage, comme on l'a été pendant tout le livre.
    Cela ne m'a pas gâché la lecture, juste les deux dernières pages :p

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