Nous sommes tous des féministes | Chimamanda Ngozi Adichie

Nous sommes tous des feministes chimamanda ngozi adichie

Impressions.

Nous sommes tous des féministes est un essai écrit par Chimamanda Ngozi Adichie. Il est une version modifiée d’une conférence que l’autrice a donnée au TedxEuston en décembre 2012. Il a été publié en Folio en 2015 avec la nouvelle Les marieuses, dont je vous toucherai deux mots également.

Nous sommes tous sexistes

Chimamanda Ngozi Adichie est une autrice nigériane traduite en 30 langues. Elle a entre autre écrit L’autre moitié du soleil, L’hibiscus pourpre et Americanah. Elle est très impliquée dans la lutte contre le racisme et contre le sexisme.

En une cinquantaine de pages, Nous sommes tous des féministes aborde de nombreux sujets. Chimamanda Ngozi Adichie parle de la nécessaire prise de conscience que ce qu’on considère comme normal ne l’est peut être pas. Cela me parle beaucoup car je suis intimement persuadée que l’on ne pourra en finir avec le sexisme et le patriarcat qu’à partir du moment où l’on se sera rendu compte que nous sommes tous sexistes. Notez que cela fonctionne aussi avec le racisme.

Si nous faisons sans arrêt la même chose, cela devient normal. Si nous voyons sans arrêt la même chose, cela devient normal. Si les chefs de classe ne sont que des garçons, nous finissons par penser, même inconsciemment, que c’est inévitable.

L’autrice évoque aussi la connotation négative du mot « féminisme ». Elle parle de la nécessité de ce mot parce qu’on ne peut pas fondre la notion de genre dans celle de l’humanisme ou des droits de l’homme car ce serait totalement nier sa spécificité. Ce serait, à nouveau, invisibiliser les femmes. Notez que cela fonctionne aussi avec le racisme.

Durant des siècles, on a séparé les êtres humains en deux groupes, dont l’un a subi l’exclusion et l’oppression. La solution a ce problème doit en tenir compte, ce n’est que justice.

Nous devrions tous être en colère

Chimamanda Ngozi Adichie parle aussi de colère, de la colère comme moteur de changement. Personnellement, depuis #metoo, je ne décolère pas et il est déculpabilisant de s’entendre dire que ce n’est pas un sentiment à masquer, honteux. Que la colère est non seulement un droit d’expression mais peut être vue positivement. A un moment donné si on est toujours dans le statu quo, dans la conciliation, on finit par se retrouver à stagner, comme les avancées en matière d’égalité de genre ont stagné pendant 30 ans en Occident. On a changé la Loi, on a changé les mentalités sur bien des sujets, il y a eu la contraception, le droit de vote, l’autonomie des femmes. Et puis plus rien ou plus grand chose, comme s’il n’y avait plus de problème ou alors juste ailleurs, dans d’autres cultures ou à cause de la religion. C’est une forme de colère et de ras-le-bol qui a mis sur le devant de la scène la double journée des femmes, la charge mentale, les inégalités salariales, le plafond de verre, les boys club, le harcèlement de rue, le viol et j’en passe. Notez que… J’arrête vous avez compris.

Dernièrement, j’ai écrit un article sur le fait d’être une jeune fille à Lagos. Une de mes relations l’a trouvé trop violent et m’a dit que j’avais exagéré. Je n’ai éprouvé aucun regret. Bien sûr qu’il était violent. De nos jours, le déterminisme de genre est d’une injustice criante. Je suis en colère. Nous devrions tous être en colère. L’histoire de la colère comme matrice d’un changement est longue. Outre la colère, je ressens de l’espoir parce que je crois profondément en la perfectibilité de l’être humain.

J’approuve 100% de ce message.

Les marieuses

Les marieuses est une nouvelle déjà parue dans le recueil Autour de ton cou paru en 2013. Elle conte l’histoire de Chinaza, jeune nigériane qui se retrouve à New York pour y rejoindre son « mari tout neuf » qui y fait des études de médecine. Le mariage n’est pas un mariage d’amour mais un mariage arrangé. Le mari confond intégration et rejet de sa propre culture. Chinaza se voit alors contrainte d’abandonner son nom, sa langue, sa façon de manger et cuisiner pour « mieux s’intégrer » et le dit mari d’approuver sa peau relativement clair parce qu’il ne faudrait pas faire des bébés trop noirs. C’est triste et violent. La nouvelle est à la fois bien écrite et aborde des sujets passionnants et donne clairement envie de s’intéresser aux textes de fiction de Chimamanda Ngozi Adichie.

Nous sommes tous des féministes invite à réfléchir sur le féminisme et sur l’injustice des déterminismes de genre. C’est court, dense, intense et déculpabilisant. C’est nécessaire. Ce texte est suivi de la nouvelles Les marieuses qui est assurément une belle porte d’entrée vers les autres textes fictionnels de l’autrice.

Informations éditoriales

Nous sommes tous des féministes a été publié chez Folio en 2015. Il a été traduit de l’anglais par Sylvie Schneiter. Titre original : We should all be feminist. Les marieuses est issu du recueil de nouvelles Autour de ton cou, publié en 2009. Il a été traduit par Mona de Pracontal. Titre original : The arrangers of marriage. Composition de couverture par Cmb graphic. 87 pages.

Pour aller plus loin

Conférence « We should all be feminist » donnée lors de la TedxEuston de décembre 2012. Des sous-titres français existent.
Conférence « The danger of a single story » qui est un manifeste pour la diversité narrative, en lutte contre les stéréotypes.
Connaissez-vous les conférences TED ? Ce sont des conférences qui se donnent partout dans le monde, invitant des spécialistes à parler de toutes sortes de sujets qui nous intéressent comme l’éducation, les sciences, la culture… Toutes ces conférences sont ensuite diffusées gratuitement sur le site de TED : c’est par là, vous n’en sortirez pas indemne.
D’autres avis : L’imaginarium électrique, RSF Blog, ou signalez-vous en commentaire.

26 commentaires sur « Nous sommes tous des féministes | Chimamanda Ngozi Adichie »

  1. Je vais certainement me le procurer… en occident, quand on arrête de donner des leçons à tout le monde, on a l’impression que tout va bien en effet alors que un simple regard autour de moi à mon taf me dit le contraire : égalité salariale, progression hiérarchique, insultes, harcèlement… etc
    Et puis j’ecoutais hier le docteur qui « répare  » les femmes en RDC et ce qu’il voit tous les jours avec comme cause racine notre cupidité humaine.
    Plus que des féministes, nous devrions tous être des altruistes.

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    1. Les deux ne sont pas incompatibles. Fondre le féminisme dans l’altruisme me parait relever de l’invisibilisation du problème exactement comme je l’explique dans mon billet 😉

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    1. Que veux-tu dire par là ? Tu parles des différentes formes de racisme et que certains présenteraient la lutte contre celui-ci de manière hiérarchisée en fonctions des races ?

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  2. J’admets avoir des lacunes en anglais mais « We should all be feminist » ça ne dit pas exactement la même chose que « Nous sommes tous des féministes », si ?
    (belle chronique 😉 )

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        1. Ha sorry, j’ai compris l’inverse XD
          Oui le choix est bizarre, je ne me l’explique pas. J’aurais pu comprendre pour rendre la trad moins lourde mais ce qui a été choisi l’est à peine moins que si ça avait été On devrait tous être féministe. Bref…

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  3. Il est bien ton billet. Tu formules ça bien.
    Je me sens en colère aussi. D’autant plus lorsque tu essaies d’aborder certains sujets et quand tu vois, que des femmes (de jeunes femmes) brandissent le « not all men » ou cherchent à amoindrir les faits avérés du patriarcat. Tu as raison quand tu dis que c’est pareil pour le racisme. J’ai été sidérée l’autre jour quand une amie a émis l’idée que les violences faites aux femmes étaient le résultat des migrants venus de pays musulmans. Je lui ai dit « mais bon sang, tu ne peux pas penser et dire ça bordel, penses-tu que les violences faites aux femmes ne remontent pas à la nuit des temps? Crois-tu que vraiment que la violence ne soit que le fruit d’une frange de population venue d’ailleurs? »
    Cela m’a tellement révoltée…
    Bref, ouais je suis en colère de ce que je vois et entends et je ne me tais pas.

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    1. Moi c’est plutôt des propos d’hommes sur les RS qui me saoulent régulièrement, j’ai l’impression que dès que certains se lancent dans des débats sur ce type de sujet, ils perdent 20 points de QI. Mais j’interviens rarement, j’ai tendance à estimer que mon temps vaut mieux que ça.
      Après si on te dit des conneries en direct c’est plus compliqué…

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  4. J’approuve ! Un excellent texte 🙂
    Je n’ai pas encore essayé ses textes de fictions malgré mon envie par contre j’ai aussi lu d’elle « Chère Ijeawele ou Un manifeste pour une éducation féministe ». Un texte que j’ai lu peu de temps avant la naissance de ma fille (dont j’ignorais encore le sexe) et bon c’était très intéressant, même si on n’a pas ou ne souhaite pas avoir d’enfants d’ailleurs 🙂

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  5. Excellent article. Je suis en train de lire Americanah et je découvre présentement cette auteure que j’adore en plus d’apprendre ce qu’est réellement le racisme. Parce que je dois l’admettre, je suis une fervente féministe, mais en tant que blanche vivant en Amérique du nord, bien que j’ai entendu dire qu’il ne fallait pas être raciste, je ne l’avais jamais vu décrit comme elle le fait, dans toute sa quotidienneté et la violence à peine voilée que ça implique. C’est en prenant conscience du racisme et du sexisme que nous perpétuons tous, activistes y compris, que les choses pourront vraiment changé.

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    1. Merci 🙂
      Je ne peux qu’approuver ce que tu dis ^^ J’aimerais beaucoup découvrir ses autres textes, ça a l’air passionnant et donner à réfléchir sur sa conception du monde.

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