Quelques minutes après minuit | Minuit 7, l’heure du conte

quelques minutes après minuit

Impressions.

Quelques minutes après minuit est un film de 2017 réalisé par Juan Antonio Bayona et distribué par Metropolitan. Ce conte fantastique, qui alterne séquences en cinéma d’animation et prises de vue réelles, parle de deuil et nous emmène loin dans l’imaginaire d’un jeune garçon. Quelques minutes après minuit va vous chambouler. Laissez-moi vous convaincre de le voir…

Quelques minutes avant minuit

Quelques minutes après minuit est avant tout un livre écrit par Patrick Ness pour une publication française en 2012 chez Gallimard Jeunesse. L’idée originale de cette histoire vient de l’autrice américaine Siobhan Dowd. Celle-ci est décédée d’un cancer en 2007, sans avoir pu mener son projet à terme. Le texte a gagné le prix Imaginales jeunesse en 2013. Patrick Ness a participé à l’écriture du scénario du film.

La vie de Conor (Lewis MacDougall) est compliquée. Son père est parti refaire sa vie aux Etat-unis, il est victime de « bullies » au collège, ne s’entend pas avec sa grand-mère (Sigourney Weaver)  mais surtout, sa mère (Felicity Jones) est très malade. Il fait des cauchemars dans lesquels il essaie de sauver sa mère sans y parvenir. Un soir, à minuit 7, un monstre fait son apparition. Formé à partir de l’if géant qu’il voit par la fenêtre de sa chambre, celui-ci lui racontera trois histoires. A l’issue de la troisième, Conor devra lui en raconter une quatrième : celle de son cauchemar.

quelques minutes après minuit monstre arbre

Trois contes

Les trois histoires sont des contes allégoriques par lesquels le monstre essaie de faire comprendre à Conor que ses idées arrêtées sur le monde ne sont pas forcément la vérité, que tout n’est pas blanc ou noir, que les méchants ne sont pas toujours ceux qu’on croit…

« Bien des choses réelles ressemblent à des mensonges. Les princes ont les royaumes qu’ils méritent. Les filles de fermier meurent sans raison. Parfois les sorcières méritent d’être sauvées. »

Ces séquences sont magnifiquement animées, offrant des coupures dans le film mais faisant surtout le lien avec le talent de Conor pour le dessin, talent que sa mère lui a transmis et dont il se sert pour surmonter ses épreuves.

Au-delà de l’aspect moralisateur de telles histoires, elles vont surtout participer au travail de deuil, de gestion de la colère et dans leur finalité l’aider à digérer la culpabilité immense et indicible, celle qui l’empêche de laisser partir sa mère, de lâcher-prise sur un état de fait qu’il ne maîtrise aucunement.

Justesse n’est que justice

Le film a un côté pédagogique très calibré avec ses trois contes racontés par le monstre,  en lien plus ou moins masqué (plutôt moins pour des adultes à mon avis) avec ce que vit Conor. Tout cela donne presque un côté scolaire. Le fait est que ça marche à 1000%. J’invoquerai trois raisons qui donnent à Quelques minutes après minuit une justesse infinie :

  • La justesse du propos : comme je l’expliquais ci-dessus, ce film traite du deuil ; et en particulier du deuil d’une personne qui n’est pas encore morte. C’est assez étrange à dire mais quand un personne est atteinte d’une « très longue et pénible maladie » dont elle ne réchappera vraisemblablement pas, le deuil commence avant le décès, on appelle cela le deuil d’anticipation. Parce que qu’il faut conscientiser que cette personne va mourir alors qu’elle est toujours bel et bien en vie. Conor est dans le déni total et le monstre-arbre va lui montrer le chemin. Sujet casse-gueule s’il en est, Bayona s’en sort admirablement.
  • La justesse émotionnelle :  avec un sujet pareil, il est aisé de sombrer dans le pathos ou les émotions artificielles ; de plus, le réalisateur est déjà tombé dans ce type de travers avec le médiocre The impossible, larmoyant et convenu au possible. Ici rien de tout cela. On prend le temps de construire les personnages et leurs relations entre eux. La relation conflictuelle que Conor entretient avec sa grand-mère est ainsi au cœur du film. Ce sont deux personnes de deux générations différentes, avec au centre une fille que sa mère ne devrait pas voir mourir et une mère que son enfant ne devrait pas voir mourir avant qu’il ait lui-même atteint un âge avancé. Cela les relie, indéniablement, que Conor le veuille ou non. On ressent une immense empathie et je dois vous avouer que j’ai passé les 20 dernières minutes à pleurer comme une madeleine.
  • La justesse du support : des séquences animées façon album illustré pour enfants, au monstre magistralement rendu et animé en passant par l’ambiance angoissante et légèrement horrifique, tout concoure à assurer à Quelques minutes après minuit une réalisation proche de la perfection.

quelques minutes après minuit séquence animée

A qui ce film est-il destiné ? Aux ados assurément s’ils sont sensibles à la thématique et au message. Le héros est un ado qui a des réactions d’ado, même s’il est placé dans une situation que la majorité d’entre eux -et heureusement- ne vivront jamais. Le film me parait trop intense et trop allégorique pour de jeunes enfants. Les adultes y trouveront assurément leur compte aussi tant le film fait preuve de maturité.

Quelques minutes après minuit traite avec une rare justesse de la thématique du deuil vu par les yeux d’un jeune garçon. L’ambiance légèrement horrifique et les effets du film, dont le monstre-arbre, participent à l’immersion. Les relations entre les personnages sont très réussies en particulier entre la grand-mère et Conor et ne pourront que vous bouleverser. Préparez votre boîte de mouchoirs.

Informations éditoriales

Réalisé par Juan Antonio Bayona. Scénarisé par Patrick Ness, Bernard Vilaplana et Jaume Marti. Sorti dans les salles françaises en janvier 2017. Titre original : A monster calls. Durée : 1h48.

Pour aller plus loin

Un making-of des séquences animées.
D’autres avis : L’écran miroir, ou signalez-vous en commentaire.
Des avis sur le livre : Les lectures de Mariejuliet, Deedr, ou signalez-vous en commentaire.

 

 

 

14 commentaires sur « Quelques minutes après minuit | Minuit 7, l’heure du conte »

  1. J’ai vu ce film il y a déjà quelques temps, mais j’en garde un souvenir très fort.
    Ton avis est fidèle à ce que j’ai moi même ressenti. De la justesse dans le propos, une « certaine » finesse et visuellement aussi très réussi.
    J’avais trouvé le gamin très bon dans son interprétation aussi.
    Bref, bel avis.

    (ah et j’ai pas mal chouiné aussi et pas seulement pour le rappel au vécu)

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  2. Convaincu je n’irai pas jusque là, mais légèrement titillé, ce qui est déjà une belle progression. Je dois avouer qu’outre la thématique qui n’est pas particulièrement tentante (et puis j’ai vu « Coco » maintenant, alors c’est bon, j’ai mon film référence sur le sujet ^^), le petit « l’ambiance angoissante et légèrement horrifique » m’a un peu refroidi…

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    1. Mmmh c’est pas du tout la même ambiance et de ce fait justement je pense que c’est bien de voir les deux. C’est un film pour ado, ce n’est pas un film d’horreur, du tout, c’est juste l’ambiance qui est comme ça et c’est parfaitement retranscrire ce qui se passe dans la tête de ce garçon, qui clairement ne va pas bien.
      Après si la thématique te tente pas, y a rien à forcer. Mais de mon côté je suis pas loin de le considérer comme un chef d’oeuvre.

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  3. J’avais repéré le film lors de sa sortie mais je n’ai jamais eu l’occasion de le voir. J’ai gardé le livre en wishlist, je compte bien le lire un jour…

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