Planescape Torment | Qu’est-ce qui peut changer la nature d’un homme ?

Planescape Torment

Impressions.

Planescape Torment est un jeu vidéo RPG développé par feu Black Isle Studios et sorti initialement en 2000 sur PC. Il a bénéficié en 2017 d’une version enhanced remasterisée par Beamdog. C’est grâce à celle-ci que j’ai pu me replonger dans les Plans pour suivre la quête d’identité de Sans Nom et enfin la conclure ! Voyons de plus près…

De quoi ça parle ?

En 2000, lors de sa sortie, Planescape Torment est salué par la critique et par celleux qui y jouent (dont mon frère et moi-même). Le jeu n’est cependant pas un succès commercial retentissant. Comme il arrive parfois, ce sont les années qui lui ont offert le statut de jeu culte qu’il a aujourd’hui. Au final très cohérent pour un jeu qui parle d’immortalité puisqu’il plane tel un spectre sur les RPG modernes.

Planescape Torment prend place dans l’univers de Donjon & Dragons. Mais point de Royaumes Oubliés ici. Nous sommes dans le multivers de Planescape, constitué de Plans, communiquant plus ou moins facilement entre eux grâce à des portails.

Nous incarnons un type au physique de créature de Frankenstein, qui se réveille à la Morgue de Sigil, au centre du Multivers. Il ne se rappelle plus de rien, ni de son nom, ni de pourquoi il est mort, ni surtout de pourquoi il a ressuscité. A ses côtés, un crâne flottant qui n’a pas sa langue dans sa poche mais qui au final ne le renseigne pas beaucoup sur sa condition.

La quête de Sans Nom pour comprendre qui il est et surtout pourquoi il ne peut pas mourir commence… Il lui faudra, dans la plus pure tradition des jeux vidéos basés sur le jeu de rôles Dungeon & Dragons, trouver des compagnons, résoudre des quêtes, monter de niveau et explorer différents lieux.

planescape torment

Celui qui sait mourir ne sait plus être esclave*

Il faut avouer que les concepteurs ont eu une idée de génie en abordant ce type de thématique car elle permet d’expliquer de façon intradiégétique des gimmicks de jeu vidéo qui induisent habituellement une dissonance ludo-narrative sur laquelle les joueur.se.s doivent s’asseoir pour profiter de leur expérience, à savoir :

  • l’amnésie et l’absence de connaissance de début de partie : elle est ici tout l’objet de la quête de Sans Nom
  • la gestion de la mort et le retour au dernier point de sauvegarde : ici quand on meurt on est renvoyé à la morgue (en début de partie tout au moins, plus tard ça deviendrait très lourd).

Par la richesse des dialogues et la force de la narration,  Planescape Torment offre un propos sur la mortalité, le prix à payer pour l’immortalité et sur la notion de rédemption. On pourra y voir une portée philosophique. Si les lignes de dialogue sont souvent interminables, elles valent vraiment le coup d’être lues (oups pardon pour les fois où je n’ai pas respecté ce que je vous conseille). Cette histoire fait beaucoup réfléchir et ça a particulièrement bien marché sur moi qui suis à la fois fascinée et horrifiée par la mort, une atmosphère qu’on retrouve tout à fait dans le jeu.

Les compagnons de Sans Nom viennent renforcer cette narration. Déjà car on va devoir passer des quêtes pour obtenir le droit de les ajouter à notre groupe. Ensuite, car on peut discuter avec eux et leur histoire va parfois s’entremêler avec celle de notre incarnation. J’ai été assez touchée par l’histoire de Dak’kon et la relation qu’entretient Sans Nom avec Morte est pleine d’ambivalence.

*de mon pote Sénèque le coach en dev perso de l’Antiquité.

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Planescape vintage

Planescape Torment est un jeu qui a près de 20 ans et qui accuse parfois son grand âge. Ca n’enlève rien à la richesse et à la pertinence du jeu mais on se retrouve parfois dans des situations qui peuvent s’avérer crispantes. La pire pour moi fut la perte d’un item de quête qui a eu pour conséquence que j’ai loupé un des compagnons possibles. Dans les jeux modernes on ne peut généralement pas se débarrasser des items de quête. Pas de garde-fou ici.

Par contre, d’autres items prennent une place bête dans l’inventaire et ne servent finalement jamais, sauf qu’on n’en sait rien tant que le jeu est pas fini. Mon perso a ainsi passé TOUT le jeu avec son bras amputé et ses intestins (le sound design sur cet item <3) dans son sac à dos sans que je n’ose l’en délester. On va dire qu’il s’agissait d’un attachement nostalgique et un peu creepy de sa part.

Les lieux où aller pour résoudre les quêtes ne sont pas non plus indiquées sur la map. Ils sont donnés de façon plus ou moins explicites dans les dialogues, mais encore faut-il retenir l’information. On pourra renouer utilement avec la joie de prendre des notes, en particulier quand on ne joue que le week-end et qu’on a bien le temps d’oublier qu’il fallait retourner chez le croque-mort pour trouver tel obscur item à remettre pour la quête de Bidule. Il se peut aussi que le même Bidule vous demande trois fois d’aller chercher des objets au lieu de lieu de tout vous demander en une seule fois.  Ne nous y trompons pas, même les quêtes secondaires trouvent un intérêt dans l’immersion et la compréhension dans cet multivers si original.

Il faudra aussi composer avec une ergonomie parfois aléatoire et vieillissante. Les graphismes sont magnifiquement vintage. C’est très correct vu l’âge du jeu mais on est loin des rendus actuels malgré la remasterisation. L’avantage est qu’ils collent parfaitement avec l’ambiance du jeu, pour une immersion plus impressionnante encore. L’ambiance y est sale, déliquescente, faite de boulons et de pièces de métal, au final assez éloignée du bois et de la pierre, plus médiévaux, d’un Baldur’s Gate, même si le lien de parenté entre les deux est évident.

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Planescape Torment est un RPG sur PC à la narration et l’ambiance fortes qui raconte la quête de mortalité de son personnage principal. Le système de jeu s’appuie énormément sur ses dialogues, parfois interminables. Ceux-ci créent l’attachement aux personnages et suscitent la réflexion chez le joueur. C’est un jeu qui ne laisse clairement pas indifférent, culte par sa place dans l’histoire du jeu vidéo mais aussi et surtout par la profondeur de son propos.

Informations éditoriales

Développé par Black Isle Studio et sorti en 2000. 2017 pour la remasterisation chez Beamdog. Disponible sur PC, Mac, iOS et Android. Jeu fini en 51 heures, en mode pas pressé mais pas complété à 100% non plus.

Pour aller plus loin

Le meilleur site pour les soluces (à user avec parcimonie, au risque de se faire spoiler des trucs qu’on aurait préférer découvrir soi-même).
Pour l’anecdote : Pierre-Paul Durastanti me signalait sur Twitter avoir participé à la traduction française du titre. Ca se pose là.
D’autres avis : Nevertwhere, ou signalez-vous en commentaire.

 

Challenge-madeleine-de-proust 2Pour avoir enfin pu terminer ce jeu commencé il y a près de 20 ans
et qui m’avait laissé des souvenirs confus mais marquants

14 commentaires sur « Planescape Torment | Qu’est-ce qui peut changer la nature d’un homme ? »

  1. Je ne joue à rien, tu le sais, mais tout ça est fort intéressant. Je retiens le crâne qui n’a pas sa langue dans sa poche et les intestins dans le sac à dos, LOL, c’est original.

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    1. Je comprends. Il y a plein de jeux récents qui sont héritiers de ces jeux et qui font d’ailleurs bien mieux . Je pense qu’on peut tout à fait s’en satisfaire. Pour ma part j’y rejoue par nostalgie et pour pouvoir les finir, ce que j’ai rarement pu faire à l’époque.

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  2. M’enfin, comment ça de la philosophie dans un jeu vidéo ? Et pourquoi pas de la politique dans un roman de sf tant qu’on y est ? Ah, les enfants…
    C’est très intéressant ce que tu en dis. Il a l’air de faire son âge notamment dans la manière dont il diffère des codes actuels, mais ça le rend d’autant plus unique. Question à deux balles : choix artistiques pour les éléments qui désormais nous étonnent (gestion des quêtes, de l’inventaire, …) ou limitations techniques ?

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    1. Incroyable n’est-ce pas :p Faut faire gaffe on pourrait finir par croire que les jeux vidéo peuvent faire réfléchir…
      C’est surtout des questions d’évolution du game design et de l’approche de l’interface. Pour te donner une comparaison, le game design des années 90 et le GD d’aujourd’hui, c’est comme la médecine des années 50 et celle d’aujourd’hui : ça a beaucoup évolué et en même temps ce n’est pas complètement étranger. Il y a bien évidemment aussi des raisons techniques mais ça ce n’est pas trop mon domaine d’expertise. Je m’étais posé la question pour les quêtes en plusieurs étapes, mais cela peut tout aussi bien être une méthode un peu sauvage pour prolonger l’expérience de jeu.

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  3. Très bel article pour un très beau jeu.
    Pour l’avoir terminé plusieurs fois (c’est un peu mon jeu doudou par certains aspects, oui c’est bizarre dit comme ça xD), je peux te dire que je garde toujours mes intestins et mon bras (et quelques autres objets liés aux précédentes incarnations). J’ai toujours trouvé que ça avait du sens.
    Ceci dit maintenant que j’y pense les intestins peuvent servir en fait, tu n’as peut-être pas trouvé à quel moment xD.

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    1. @vert: J’ai cherché du coup et cela m’étonne, il me semblait avoir épuisé tous les dialogues de Raven, je me demande combien de trucs j’ai manqués comme ça, c’est un peu comme les items perdus malencontreusement.

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      1. C’est lié à Ignus, mais comme c’est pas le personnage le plus agréable de l’univers tu as pu passer à côté (je fais l’effort uniquement parce que ça débloque quelques souvenirs de plus ^^)

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