Cadavre Exquis | Reste sur l’estomac

cadavre exquis agustina bazterrica

Impressions.

Cadavre Exquis est un roman écrit par l’autrice argentine Agustina Bazterrica. Traduit par Margot Nguyen Béraud,  il a été publié chez Flammarion en août 2019. J’ai vécu le quotidien du patron d’un abattoir dans un monde où on élève des êtres humains pour les manger. C’était charmant. Poursuivez à vos risques et périls.

Comment est votre blanquette ?

Une zoonose des familles pousse l’humanité à se débarrasser des animaux. En tout cas, il n’est plus question de consommer leur viande. En parallèle, famine et surpopulation sèment des ravages. Alors pour palier le manque d’apport en protéines et résoudre le problème de surpopulation, les humains se mettent à élever d’autres humains pour les manger. Voilà le postulat de départ de Cadavre Exquis.

Demi-carcasse. Etourdisseur. Ligne abattage. Tunnel de désinfection. Ces mots surgissent et cognent dans sa tête. Le détruisent. Mais ce ne sont pas seulement des mots. C’est le sang, l’odeur tenace, l’automatisation, le fait de ne plus y penser. Ils s’introduisent durant la nuit, quand il ne s’y attend pas. Il se réveille le corps couvert de sueur car il sait que demain encore il devra abattre des humains.
Incipit.

A ce stade, on est d’accord qu’il faudra suspendre son incrédulité au crochet à carcasse pour admettre ce postulat. La zoonose affectant TOUS les animaux, saupoudrée d’une pincée de complotisme c’est déjà limite-limite. Mais il faut avouer que cette histoire de consommation industrielle de viande humaine savamment orchestrée par le pouvoir en place me laisse plus que dubitative. Qu’à cela ne tienne, prenons-le comme une expérience de pensée et ne jetons pas le livre au barbec pour autant.

Nous allons donc tout au long du roman suivre Marcos, patron d’un abattoir. Le type est assez dépressif, il a perdu son fils et sa femme est repartie chez sa mère.  Puis il commence à se poser des questions sur le bien fondé de ce qu’il fait. S’ensuit de longues descriptions crues et cruelles sur ces humains déshumanisés qu’on torture, dont on s’amuse lors de parties de chasse, sur lesquels on expérimente des trucs, genre avec de la vivisection. Miam miam. Et il faut avouer que parfois l’eau déborde de la marmite :

Les enterrements n’existent plus. Il est très difficile de s’assurer que le corps ne soit pas déterré puis mangé, raison pour laquelle les cimetières ont été vendus, d’autres abandonnés, et d’autres encore sont devenus les vestiges d’un temps où les morts pouvaient reposer en paix.

Finis ton assiette !

Evidemment, il est impossible de ne pas faire de lien entre cette situation et nos abattoirs actuels, l’enfermement de la société moderne dans des pratiques industrielles cruelles pour les animaux et pour les gens qui s’en occupent et les mettent à mort.

Personne d’un tant soit peur sensé ne pourrait se réjouir de faire ce travail.

Le souci avec ce roman, c’est que je l’ai trouvé vain. Aucun sujet n’est traité en profondeur, si ce n’est les descriptions d’abattage et de découpage. Autant regarder une vidéo choc sur le gavage des oies sur Internet, à mon avis l’objectif est similaire. Le sujet est au final traité superficiellement, à l’aide de personnages monolithiques et caricaturaux. Quant à la fin, nihiliste ou incohérente, je n’arrive pas à me décider, elle m’a fait refermer le livre en pensant « ok, ça valait bien la peine de se farcir ce roman ».

Il n’y a pas de quoi faire tout un plat de Cadavre exquis, même si l’on ne peut nier l’efficacité clinique des descriptions. Ce roman, à force de remuer le couteau dans la plaie de la subtilité et du manichéisme, manque d’un intérêt réflexif sur les questions de la consommation de viande et du traitement des bêtes d’élevage.  

Informations éditoriales

Roman écrit par Agustina Bazterrica. Publié en français par les éditions Flammarion en aout 2019. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Margot Nguyen Béraud. Titre original : Cadaver exquisito. Couverture par Flora Borsi. 295 pages.

Pour aller plus loin

A voir à la place : Okja, Bong Joon Ho.
D’autres avis : Un papillon dans la lune, Quoi de neuf sur ma pile, RSF Blog, Just a word.

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27 commentaires sur « Cadavre Exquis | Reste sur l’estomac »

  1. Rien que le résumé ne m’inspire pas du tout, et tes impressions finissent de me convaincre que je ne lirai pas ce roman. Le manque de subtilité du message moralisateur aurait de plus tendance à m’énerver un peu…
    En tous cas tu t’es bien amusée avec les expressions du registre alimentaire 😀

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  2. Comme vegan, ca devrait me toucher ? Bah non…comme tu le dis, c’est un moyen de réfléchir mais un mauvais moyen selon moi, surtout si la conclusion est vaine. Cela m’evitera la curiosité…

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    1. De toute façon tu n’es clairement pas la cible ^^
      Après proposer ce genre de littérature pour provoquer la réaction sur les gens en ballottage ça me semble malsain comme démarche.

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  3. Au final la seule critique positive que j’en ai lue vient… d’une végane. Coïncidence? 😀 Bon, il ne me botte pas trop à la base, mais qui sait, qui sait.

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    1. Détrompe-toi. En allant poster mon petit lien sur livraddict : le livre a un note tout à fait honorable et les commentaires associés sont plutôt positifs. Je pense qu’il s’agit plutôt de comment on perçoit le livre. Pour moi c’est de la manipulation de bas étage et je déteste ça. Un livre avec le même sujet, fouillé, profond, avec de vrais personnages, une vraie finalité, j’aurais pu trouver ça intéressant. Oh mais en fait, ça existe ! En film. C’est Okja.

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  4. Bon tu n’as pas réussi à me mettre en appétit avec ton avis.
    Il y a sans doute moyen de trouver des mets plus fins sur le sujet.

    Bref, les parfums de cuisson venant de chez mes voisins me rappellent qu’il faudrait que je mange, mon estomac réclame de la vraie nourriture

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