Vers les étoiles | Lady Astronaute à ground control

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Vers les étoiles est un roman écrit par Mary Robinette Kowal et traduit de l’anglais par Patrick Imbert. Il est édité chez Denoël Lunes d’Encre depuis le 7 octobre 2020. On y trouvera une météorite, un programme spatiale et des femmes qui veulent devenir astronautes. Enfilez vos combinaisons spatiales, on va décoller !

Deep impact

Nous sommes en 1952 et une météorite vient de s’écraser sur la Terre, enfin dans l’océan, ce qui est pire. Elma et Nathaniel York, se trouvant dans la région impactée au moment des faits, en réchappent grâce à leur sang-froid. Elle, est une mathématicienne de grand talent et pilote d’avion pendant la Seconde Guerre Mondiale. Lui, est ingénieur spatial. Va s’en suivre une course contre la montre pour fuir un réchauffement climatique inévitable et très rapide, conséquence de la chute du météorite dans l’océan. La seule option envisageable est la fuite vers les étoiles.

Où étiez-vous quand le météorite est tombé ? Vous vous souvenez ? Je n’ai jamais vraiment compris ces questions. Bien sûr, vous vous en souvenez. Moi, j’étais à la montagne, avec Nathaniel. Son père lui avait léguer son chalet, on s’y rendait pour observer les étoiles. Pour faire l’amour, en clair. Oh, ne jouez pas les offusqués. Nathaniel et moi étions jeunes mariés, en parfaite santé, et les seules étoiles que je contemplais me tapissaient l’intérieur des paupières.
Incipit.

Vous l’aurez compris nous sommes ici dans une uchronie qui envisage un scénario catastrophe ayant pour conséquence d’accélérer considérablement la conquête spatiale. De compétition entre deux nations ennemies, elle devient un enjeu de survie. Il s’agit carrément de coloniser l’espace avant que l’atmosphère sur Terre ne devienne suffocante.

Le récit contient de nombreuses précisions scientifiques et technologiques pour coller au contexte de l’époque tout en prenant en compte une accélération du programme spatial. Le contexte politique est moins détaillé mais on nous y parle d’élection présidentielle et de la chute anticipée de l’URSS. L’autrice évoque en fin d’ouvrage la grande rigueur qui a guidé sa démarche en s’entourant de spécialistes sur différents sujets. Je ne peux rien vérifier, ni connaissant rien, mais ce que j’en ai lu par ailleurs semble plutôt positif. Moi ce que je peux vous dire qu’en tant que lectrice, je me suis sentie complètement immergée. On rêve un peu avec le control center, les salles pleines de calculatrices, les décollages de fusées, les meetings aériens toussa toussa. Dès le premier chapitre, je me suis dit que ce bouquin devrait être adapté en film/série, il a un bon potentiel visuel mais aussi dramaturgique.

Amusant de voir à quel point tout change, quand un rêve devient réalité. Quand nous avons commencé à recevoir des images en haute résolution, la beauté glaciale de la Lune est devenue plus réelle, en quelque sorte. Oui, c’était un environnement impitoyable, mais il y avait aussi une certaine forme de majesté, dans ce paysage austère.

Marvelous Mrs Dr York

Mary Robinette Kowal nous offre le point de vue d’Elma dans un récit à la première personne. Elma, brillante mathématicienne qui va devenir calculatrice pour le programme spatiale, car à l’époque c’est tout ce à quoi les femmes peuvent prétendre. Même si elles ont un doctorat. Quand son mari est Docteur York, elle n’est que Madame York.

Tout au long du roman l’autrice nous montre les effets du sexisme et des injonctions patriarcales qui sont faites aux femmes. C’est assez dur, surtout en tant que femme, de se trouver dans la tête d’Elma York. Son aversion, que dis-je, sa phobie d’être une personne publique , son obsession du regard des autres (« mais qu’est-ce que les gens vont dire ? » hérité de sa mère), sa culpabilisation permanente pour, soit des broutilles (oublier de payer une facture), soit des évènements qui sont pas du tout de sa faute (le patron qui engueule son mari). Quel enfer je vous jure de souffrir de manque d’estime de soi quand en plus la société ne manque pas de vous rappeler sans cesse de bien rester à votre place, ma petite.

Après les tonneaux, j’ai passé en revue nos possibilités. La population perdait de vue le compte à rebours de l’effet de serre. C’était une catastrophe trop lente. Il fallait établir des colonies sur la Lune et sur les autres planètes, tant que nous en avions les ressources. S’ils nous sortaient l’excuse qu’établir une colonie était trop dangereux pour les femmes, à nous de prouver que nous étions aussi capables que les hommes.

Mais c’est pour mieux nous montrer la force qui guide Elma York vers les étoiles, sa détermination malgré son éducation, malgré le conditionnement systématique que son statut lui vaut, malgré la misogynie ambiante et les bâtons dans les roues qu’on jette en travers de son chemin. Elle devient Lady Astronaute, à la tête d’un mouvement qui va ouvrir la voie de l’espace aux femmes et créer des vocations.

Elle est entourée d’une panoplie de femmes aussi déterminées qu’elle. Il sera aussi question de racisme car des femmes et hommes noir.e.s aspirant.e.s à devenir astronautes, il y en a mais alors là les bâtons dans les roues c’est x10 000.

En fait, Vers les étoiles c’est un peu Mad Men dans l’espace.

What’s next ?

Vers les étoiles est un premier tome. Il peut se lire de façon indépendante, enfin vous faites ce que vous voulez mais moi je vais avoir besoin de lire la suite. En attendant, on peut toujours se mettre sous la dent le recueil de nouvelles Lady Astronaute, paru chez Folio SF. Je ne l’ai pas lu mais j’espère bien le caser quelque part.

En anglais ce sont 3 titres qui sont parus jusqu’ici et un 4ème qui est d’ors et déjà prévu pour 2022. J’espère grandement que tout cela sortira en français

En rejouant l’histoire de l’exploration spatiale dans les années 50, Mary Robinette Kowal change la donne, offre à ces femmes une place prépondérante là où elles ont en réalité été invisibilisées, voire écartées en raison de leur sexe. S’il n’est pas facile de se trouver dans la tête d’une femme vivant dans les années 50, Vers les étoiles met finement la lumière sur un mécanisme sociétale délétère et insupportable. On ne peut pas changer le passé mais la littérature a cette faculté exceptionnelle d’être capable d’en faire quelque chose d’autre, de plus satisfaisant. Merci pour ça.

Informations éditoriales

Roman écrit par Mary Robinette Kowal. Publié chez Denoël Lunes d’Encre en 2020. Traduit de l’anglais (US) par Patrick Imbert. Titre original : Calculating stars. Illustration de couverture par Matthias Haddad. 547 pages.

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