Vertèbres | En chair et en os

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Vertèbres est un roman écrit par Morgane Caussarieu. Il a été publié chez Au Diable Vauvert le 7 octobre 2021. Après avoir saigné le mythe du vampire, l’autrice française a rongé jusqu’à l’os la figure du loup-garou…

Narration et point de vue

Nous sommes en 1997, dans une petite ville des Landes en bord de mer. Jojo a été kidnappé alors qu’il jouait avec ses amis. Il est retrouvé une semaine plus tard. Il a perdu du poids, beaucoup de poids, lui qui était gros, et il a une vertèbre en trop qu’il n’avait pas avant. Son comportement a également profondément changé, ce qu’on ne pourrait guère lui reprocher après un kidnapping, mais ça dépasse l’entendement : il devient athlétique alors qu’il a toujours été maladif et maladroit et ne mange plus que de la viande.

Cette histoire nous est racontée de deux points de vue : 

  • Sasha, amie de Jojo, qui vit dans un environnement familial délétère et se sentant garçon dans un corps de fille. Elle trouve refuge dans son amour pour son chien, Mégazord.
  • Marylou, la mère de Jojo, une mère fusionnelle qui s’accapare son fils,  qui lui sert littéralement de bouée de sauvetage car son mari est décédé un mois avant sa naissance.

Sasha depuis son journal intime d’enfant ; Marylou à la deuxième personne, tentant désespérément de mettre de la distance avec elle-même.

Quand les gendarmes ont ramené Jonathan, sept jours après son enlèvement, tu ne l’as pas reconnu tout de suite. Tu as cru que les médocs et calmants que tu engouffrais sans que ça apaise ta douleur te faisaient halluciner. C’est le K-way rouge de Jonathan. Pas de doute. C’est son visage. Mais ce n’est pas vraiment le Jonathan que tu as perdu. Celui qu’on t’a rendu est différent : il a fondu.

Du mythe du vampire au mythe du loup-garou

Après avoir exploré le mythe du vampire avec le sombrissime Je suis ton ombre et l’excessif  Dans les veines, Morgane Caussarieu s’attaque à un autre mythe classique de l’imaginaire horrifique : le loup-garou. Qui dit loup-garou dit métamorphose qui est clairement le sujet principal du texte, qu’on peut voir ici comme une métaphore horrifique du passage de l’enfance à l’adolescence, vu dans le regard d’une mère qui trouve cela insupportable. 

Quand Vertèbres parle d’enfance, il s’agit d’une enfance en souffrance, celle des laissés pour compte maltraités par les adultes sensés les protéger. Une thématique récurrente chez l’autrice. Même le groupe de 3 amis façon Club des ratés dans le Ca de Stephen King a quelque chose de distordu, d’amitié un peu malsaine, un faux refuge.

Vertèbres n’est jamais manichéen. Il n’y a ni bon ni méchant, juste des êtres tous un peu monstrueux à leur façon, qui tentent de survivre face à leurs démons. Il se lit d’une traite, avec un besoin viscéral de tourner les pages, l’autrice excellant toujours autant à dévoiler une part sombre et un peu voyeuriste de nous-même. Le texte offre quelques passages savoureusement dégueulasse de body horror, sans non plus sombrer dans la surenchère.

L’ambiance fleure bon la nostalgie des années 90 et si le phénomène « Chair de poule » n’est bizarrement jamais tombé sous mon radar (pré-)adolescentaire, il y a suffisamment d’autres références pour conférer au roman un sentiment de grande familiarité cocoonesque qui contraste totalement avec le reste du propos.

Le dîner s’est aussi déroulé dans le silence. Seulement troublé par ses bruits de mastication énergiques. Tu as renoncé à lui donner des couvertes, il ne semble plus comprendre leur utilité. Comme si toute l’éducation que tu lui as donnée ne lui avait servi à rien, qu’il avait régressé. Il est devenu si lent à comprendre les choses.

Dans une ambiance années 90 qui évoquera des souvenirs à celleux assez vieux (arg) pour s’en rappeler, Vertèbres décortique la métamorphose en loup-garou d’un petit garçon au travers du point de vue de sa mère et de son amie. Morgane Caussarieu dévoile le monstre en chacun de ses personnages avec nuance et acuité. Vertèbres se dévore d’une traite. Pour lecteur.ice averti.e.

Informations éditoriales

Roman écrit par Morgane Caussarieu. Publié chez Au Diable Vauvert en octobre 2021. Couverture par Olivier Fontvieille/offgraphisme.paris. Photographies de couverture Istockphoto.com, Gettyimages.com. 293 pages. 

Pour aller plus loin

Morgane Caussarieu sur le blog : Je suis ton ombre. Dans les veines.
Du body horror sur le blog : Les meurtres de Molly Southborne.
D’autres avis : Quoi de neuf sur ma pile ?, Les critiques de Yuyine, Au pays des cave trolls, L’imaginaerum de Symphonie, Rêve général, OmbreBonesLe bibliocosme, ou signalez-vous en commentaire.

25 commentaires sur « Vertèbres | En chair et en os »

  1. Il ne me semble pas avoir lu sur de thème … ou alors avec second degré , alors que dans les années 90, en vidéo oui. par curiosité peut-être parce que ça va plus loin que la simple horreur.

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  2. Ce n’est pas encore avec ce livre que je vais découvrir l’autrice. ^^’
    Je crois me souvenir que tu m’avais dit avoir du mal avec la narration à la deuxième personne. Ça ne t’a pas dérangé là ?

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  3. J’ai aimé tout comme toi, pour le côté nostalgique (gosh, la vieillesse qui frappe) que pour l’aspect body horror et la réflexion sur la notion de monstruosité. Un excellent roman qui se dévore!

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  4. houla chronique qui donne hyper envie.
    Et puis ce n’est pas comme si je n’avais pas un roman de l’autrice dans ma bibli pour déjà me faire une idée de son style.
    Mais celui que tu présentes, je suis hypée de chez hypée.

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    1. C’est lequel que tu as en pàl ?
      Je suis ton ombre est un petit bijou, s’il ne doit y en rester qu’un c’est celui-là. Vertèbres est chouette mais pas aussi glaçant, si aussi original, ni aussi parfaitement écrit.

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