L’espace d’un an | On est toujours l’alien de quelqu’un

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L’espace d’un an est un roman écrit par Becky Chambers. Publié en 2016 chez L’Atalante il bénéficie d’une réédition collector en hardcover en 2022. Il a été traduit par Marie Surges. C’est le premier tome d’une série mais il se tient très bien tout seul. J’ai parcouru l’espace à bord du Voyageur en compagnie d’une bande aussi hétéroclite que sympathique d’aliens vers une petite planète en colère,. Je vous fais part de mes impressions.

How I met your galaxy

Le Voyageur est un vaisseau spatial dit « tunnelier« , c’est-à-dire qu’il creuse des trous de ver dans l’espace pour relier différents points de la galaxie entre eux. A son bord, un équipage hétéroclite composés d’extra-terrestres et d’humains, chacun avec son rôle à jouer sur le vaisseau. 

Ashby, le capitaine de tunnelier va se voir confier comme mission de creuser un trou de ver vers le centre de la galaxie où résident les Torémis. Cette mission s’organise autour d’un contexte politique tendu : un des clans Torémis, espèce qui s’entre-tue allègrement en cas de désaccord et avait toujours repoussé toute tentative de communication avec l’UG, se montre subitement intéressé par la rejoindre. Qu’est ce qui peut mal se passer ?

Bon, en fait pas grand chose car l’intrigue est surtout une toile de fond pour parler des relations interpersonnelles entre les différents membres d’équipage, en apprendre plus sur le comportement et la physiologie des espèces extra-terrestres en présence et donner une « origin story » à chaque personnage. 

Difficile de se sentir anormal  quand tout le monde était anormal. C’était une sensation agréable. 

La façon dont est structurée ce roman m’a fortement fait penser à un sitcom des années 90 : des épisodes indépendants avec une résolution en fin d’épisode, un fil rouge léger qui fait progresser une intrigue plus annexe qui lie les personnages ensemble et des sous-intrigues concernant certains personnages qui peuvent se poursuivre sur plusieurs épisodes voire une saison. 

Certains chapitres sont centrés sur un personnage en particulier, par exemple Jenks et sa relation avec l’IA du vaisseau, qui va voir plusieurs chapitres lui être consacrés jusqu’à la résolution finale. D’autres sont centrés sur des petites péripéties concernant tout l’équipage comme par exemple celui sur l’acte de piraterie hamargienne. 

La description des extraterrestres, tant du point de physique que psychologie est vraiment super chouette. Ca m’a évoqué Star Trek Discovery et m’a donné une folle envie de rejouer à Mass Effect.

D’un point de vue historique, se disait Rosemary, leur présence dans la boutique faisait un tableau étrange : un Harmagien (rejeton vieillissant d’un empire disparu), une Aandriske (dont le peuple présidait les débats qui avaient accordé l’indépendance aux colonies harmagiennes avant de fonder l’UG) et deux Humaines (piètre espèce dont il n’aurait été fait qu’une bouchée si on l’avait découverte à l’époque harmagienne). Tous ensemble, discutant aimablement de savons à vendre. Le temps, ce curieux niveleur.

Domestic space opera

J’ai eu tout du long de ma lecture la furieuse impression de lire Pierre-de-vie de Jo Walton en version science-fiction. Becky Chambers nous conte une vie quotidienne pleine de bruit et de fureur  de tisanes et de produits de salle de bains. Et de nourriture aussi, très important la nourriture. C’est étonnamment agréable. 

Chacun se servait comme il l’entendait. On s’échangeait plateaux et saladiers sans ordre particulier. Quand les plats furent reposés, l’assiette de Rosemary était chargée de salade, d’une montagne de purée violette (de la tuskem, avait dit le docteur Miam), de deux petits pains et d’un côtes-rouges. Du beurre fondu aux herbes hachées dégoulinait des articulations grêles des insectes. 

Quelques conflits viennent alimenter le récit mais tout cela restera toujours extrêmement gentil. On ne trouvera de la vraie tragédie que pour la résolution de l’intrigue d’un personnage que je ne citerai pas pour ne pas spoiler. 

Personnellement j’ai bien aimé tout cela : c’est rafraichissant et original de voir un space opera prendre cette direction. Le moins qu’on puisse dire c’est que je n’ai rien lu de similaire. La seule chose qui m’a gênée c’est la minceur du fil rouge autour des Torémis et leurs relations avec l’UG, alors qu’il avait une certaine potentialité

Par contre, cette lecture doit absolument être évitée par celleux que la bienveillance et le cocooning hérissent 😅. Je vous propose un petit test. Lisez la citation ci-dessous. Selon ce qu’elle vous inspire, fuyez ou jetez-vous sur L’espace d’un an.

Le docteur Miam lui avait préparé un mug de tisane et des gâteaux de printemps. Souriante, elle enfila un pyjama tout doux et se fourra au lit avec son pique-nique. Elle écrivit une lettre à ses papas, rien que pour leur dire qu’elle les aimait. Elle mangea ses gâteaux. Elle but sa tisane. Elle regarda les étoiles passer derrière le hublot. Sans le faire exprès, elle s’endormit.

L’espace d’un an est un roman de space opera centré sur les personnages qui composent l’équipage du Voyageur. Bien que l’intrigue principal eut pu être plus étoffée, il n’en reste pas moins que le roman est très agréable à lire.  Un immense sentiment de cosyness et de bienveillance s’en dégage, ce qui devrait avoir pour effet direct de faire fuir certains lecteurices (ne lisez pas ce livre) et d’attirer certains autres comme les abeilles sont attirées par la bourrache en fleurs de mon balcon (lisez ce livre).

Informations éditoriales

Roman écrit par Becky Chambers, premier tome de la série Les voyageurs. Publié pour la première fois en 2015. 2016 pour la publication française chez L’Atalante, 2022 pour l’édition hardcover. Traduit de l’anglais par Marie Surges. Titre original : The long way to a small, angry planet. Illustration de couverture par Nicolas Sarter. 443 pages.

Pour aller plus loin

Mon avis sur Pierre-de-vie de Jo Walton.
D’autres avis :  Nevertwhere, Cat(s) books and rock’n roll, Le Bibliocosme, 233°C, Ombre Bones, Les critiques de Yuyine, Le culte d’Apophis, Les lectures de Shaya, Au pays des cave trolls, L’ours inculte, Lorhkan et les mauvais genres, Navigatrice de l’imaginaire, Eva D Serves, ou signalez-vous en commentaire.

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36 commentaires sur « L’espace d’un an | On est toujours l’alien de quelqu’un »

  1. Je suis trop content qu’il t’ai plu !!!
    C’est complètement ça, de la sf cosy, réconfortante : )
    Le reste de la série (il y a un 4e livre en VO) est tout aussi chouette (et les livres sont tous indépendants)

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    1. Ha, j’ai un peu posé la trilogie sans faire attention à rien, je vais préciser, déjà il est très vrai que le roman tient tout seul (après je ne sais pas de quoi la suite est faite) et je ne savais pas pour le quatrième tome (et si ça se trouve l’autrice ne compte pas s’arrêter en si bon chemin ?) merci pour le complément d’info.

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  2. Je garde un bon souvenir de cette lecture ! C’était la première fois que je lisais un roman SF de ce genre, c’était particulier mais j’ai beaucoup aimé l’expérience. Depuis je lis tout ce qui sort d’elle en français.
    Merci pour le lien, faudra que je MAJ ma chronique pour les ajouter :3 Elle date d’avant que je les fasse systématiquement…

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  3. « la furieuse impression de lire Pierre-de-vie de Jo Walton en version science-fiction » : ça me paraît si évident et juste que je suis allé vérifier si je ne l’avais pas écrit aussi (et ce n’est pas le cas, quelle grossière erreur).
    Cette citation est hardcore niveau mielleux quand même… mais c’est vrai que ça fait un test ultra efficace. 😄

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  4. Yeah! Yeah! Yeah! Tu as aimé!! C’est tellement génial!! 💖💖
    J’en garde un souvenir charmé. Et admiratif, car c’est le premier roman de Becky Chambers. C’est génial, de créer des espèces si variée et d’avoir une vision si différente du catastrophisme habituel dans un premier roman. Je la tiens en très haute estime.

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      1. Oui, je ne voulais pas dire que le catastrophisme est typique des premiers romans, mais que c’est habituel en général, et donc plus marquant de s’en détacher dans un premier roman, quand l’auteur peut encore se chercher un peu ou s’insérer dans la lignée des ouvrages qu’il ou elle aime. Parfois j’ai l’impression qu’ils jouent à qui aura imaginera le pire désastre capitalistique et environnemental pour l’avenir, tu vois, alors que elle pas du tout. Cela dit, si ça se trouve elle a écrit des tas de romans avant et celui-ci est seulement le premier *publié*, alors peut-être que je m’extasie pour rien. 😂

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  5. J’aurais vraiment aimé ce roman plus que ça, je dois faire partie des réfractaires hélas 😅
    (mais je me referais bien une partie de Mass Effect quand même 🤣)

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  6. Je l’ai beaucoup aimé et comme toi, je n’arrêtais pas de penser à Mass effect en le lisant, je crois que ça vient de l’effet vaisseau avec différentes espèces aliens et humaines à bord. D’ailleurs, j’étais persuadée qu’il y avait au moins un humain dans le roman, le capitaine si je me souviens bien.
    C’est vrai que c’est cosy et bienveillant, même s’il y a quelques conflits, soucis à bord.
    Et tu as raison, il aurait pu être plus développé sur certains points, mais pour moi qui aime vraiment aussi un roman pour ses personnages et ce qu’ils suscitent, j’ai été comblée.
    (je suis bcp plus mitigée sur Apprendre si par bonheur : attentes versus réalité as you said)

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    1. Oui c’est clairement la richesse des ET qui m’ont fait penser à Mass Effect. Il y a plusieurs humains sur le vaisseau, 4 si je me rappelle bien.
      C’était un sympathique roman, très plaisant. Apprendre si par bonheur m’attire beaucoup.

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