Dans ce troisième opus des fameuses Annales du Disque-Monde, nous ferons la connaissance de nouveaux personnages. Tout d’abord, Eskarina, gamine effrontée, futée et contre-naturellement douée pour la magie. Ensuite, Mémé Ciredutemps, sorcière de son état, un brin revêche mais n’ayant pas un mauvais fond. Et bien sûr une flopée de personnages secondaires, comme Pratchett les aime.
C’était étrange parce qu’il n’y avait rien sur le sentier. Mais les chèvres le regardèrent quand même passer jusqu’à ce que ce soit hors de vue.
Sur le Disque-Monde, il est largement admis que la magie c’est l’affaire des hommes et la sorcellerie celle des femmes. Si la première se réalise à grands renforts d’effets spéciaux, nécessite la possession d’un bourdon ( sorte de baguette magique) et est la plupart du temps en dehors de tout contrôle, la seconde est plus proche de la nature, nécessite la possession d’un chaudron et consiste essentiellement à connaitre les herbes. Nous serons bien d’accord pour déclarer que la vraie et unique différence entre les deux, c’est que les hommes sont incapables de contrôler ce qu’ils sont sensés contrôler, contrairement aux femmes qui ont bien plus de poigne.
Mais la magie a pour habitude de garder un profil bas, comme un râteau dans l’herbe.
On l’aura compris, La huitième fille aborde une thématique sujet à forte polémique dans l’espèce humaine : l'(in)égalité des sexes. Suite à une erreur de sexe, la petite Eskarina, huitième fille d’un huitième fils qui aurait dû en fait être un huitième fils de huitième fils a hérité du bourdon d’un mage mourant. Un fait sans précédent.
La pièce à l’intérieur était rose et pleine de fanfreluches. Il y en avait même là où aucune esprit sensé n’aurait songé à en mettre. C’était comme se trouver à l’intérieur d’une barbe à papa.
Après de vaines tentatives pour se débarrasser de l’encombrant objet, visiblement peu au courant de la répartition des rôles homme-femme, et d’apprentissage de la sorcellerie à la petite, Mémé décide de l’envoyer étudier la magie à l’Université de l’Invisible, lieu où les mages deviennent des mages. C’est bien sûr sans compter sur l’inflexibilité du comité directionnel. Ce qui n’a pas l’air d’arrêter Mémé et Esk pour autant.
« Si vous voulez pas de moi, alors je viens », dit-elle. Ce genre de réponse passe pour de la logique entre frères et sœurs.
Plus construit que les deux premiers volumes, La huitième fille se lit avec autant de plaisir, toujours le sourire au lèvres, parfois se prolongeant par un petit rire guilleret (attention à la lecture dans les lieux publics). Pratchett cultive l’art de mettre ses personnages dans les situations les plus impossibles et de nous faire accepter toutes ses élucubrations avec une facilité déconcertante.
Un accident de ce genre avait transformé le bibliothécaire en singe, après quoi il s’était opposé à toute tentative de lui redonner son aspect initial, expliquant par signes que la vie de l’orang-outan était de loin supérieur à celle de l’humain car toutes les grandes questions philosophiques revenaient à se demander de quel côté viendrait la prochaine banane. Et puis, de longs bras et des pieds préhensiles, c’était l’idéal pour atteindre les rayonnages du haut.
Informations éditoriales
Le Disque-Monde 3. Publié pour la première fois en 1987. 1994 pour la présente traduction, chez l’Atalante. Traduit de l’anglais par Patrick Couton. Titre original : Equal Rites. 222 pages