
Impressions.
Joe et Jack Sawyer sont anglais et frères jumeaux. Ils participeront aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Ce voyage dans l’Allemagne nazie d’avant-guerre les change, les éloigne l’un de l’autre. Quel sera l’influence de cette séparation sur le cours de l’Histoire ?
Au fil des jours passés à la Boca do Inferno, j’en étais arrivé à me voir comme un parti neutre dans la guerre : un intermédiaire, un membre de la Croix-Rouge, qui composait ou traduisait des documents importants, susceptibles de modifier l’histoire – littéralement. Pourtant, quelques heures après avoir regagné l’Angleterre, je me sentis redevenir partisan : anglais, britannique, pas neutre du tout. L’expérience s’avéra instructive. Avant le voyage, j’avais pensé que le pacifisme m’excluait de la partialité, mais en temps de guerre, il est impossible de ne pas s’identifier à son peuple. Voilà qui me donna à réfléchir.
La séparation n’est pas une uchronie classique. Là où habituellement, nous sont comptées les conséquences du point de divergence sur l’Histoire, La séparation nous entraînera au cœur même du point de divergence. Et s’il n’avait pas eu lieu ? Où se situe la réalité ? Laquelle des histoires des deux frères, aussi résolument incompatibles que leurs opinions en matière de guerre depuis l’été 1936, est-elle vraie ? Cela veut-il donc dire que l’autre jumeau est fou ?
Les yeux au ciel, je ne tardai pas à repérer le premier bombardier sur la route du retour. D’autres suivirent, puis d’autres encore. Bientôt, ils me survolaient de nouveau par centaines, non plus en fleuve mais isolés ou par petits groupes, à ,des altitudes différentes. Leur passage dura plus d’une heure. Ils filaient vers l’ouest – vers leur base, leur foyer, l’Angleterre. Quelque part dans leur sillage, une ville allemande gisait dans la nuit, écrasée, rougeoyante et fumante.
Avec ce livre, on entre de plein pied dans le questionnement de la réalité, à une grande échelle puisque selon où elle se situe, le cours même de l’Histoire du monde en est changé.
Certains aspects de la vie londonnienne n’avaient cependant pas changé : les autobus rouges à impériale étaient toujours là, de même que les taxis. S’ils n’avaient pas constitué l’essentiel de la circulation, on aurait pu croire par moments Londres immuable, malgré la guerre. Simple illusion bien sûr : à peine s’était-on persuadé de contempler une zone épargnée qu’en tournant à un coin de rue, on tombait sur une ruine noircie, un alignement rompu, une façade en bois construite à la va-vite pour dissimuler un spectacle de désolation. L’ampleur des dégâts était saisissante : ils s’étendaient, kilomètre après kilomètre, affectant semblait-il le moindre quartier de la métropole.
Conteur de grande classe, Priest nous mène en bateau de la première à la dernière page. Il maîtrise chaque mot qu’il écrit. J’apprécie énormément son style : riche, dense, décrivant des situations et des personnages de façon très fine et précise, il n’est jamais ennuyeux. On se laisse emporter dans les enchaînements et rebondissements de l’histoire.
Informations éditoriales
Publié pour la première fois en 2002. 2005 pour la traduction aux Éditions Denoël. Traduit de l’anglais par Michelle Charrier. Titre original : The Separation. Prix British Science-Fiction et Prix Arthur C. Clarke en 2003, Grand Prix de l’imaginaire en 2006. 485 pages.
Pour aller plus loin
10 uchronies incontournables, par ActuSF. La séparation en fait partie.
D’autres avis : Efelle, Nébal, Mes Imaginaires.
Livre lu dans le cadre du challenge
Winter Time Travel
J'avais bien aimé, masi je bloguais pas encore à l'époque.
J’aimeJ’aime
J'ai adoré ! Je la chronique dès que possible…
A.C.
J’aimeJ’aime
Je suis en train de le lire. Je lirai ton avis donc plus tard.
J’aimeJ’aime
Un excellent souvenir, Priest est passé maître dans l'art de mettre la tête du lecteur à l'envers.
J’aimeJ’aime
Je viens de l'avoir celui-là, on verra si j'ai le temps de le lire avant la fin du challenge (j'en ai d'autres à lire avant). Mais tu m'as clairement donné envie ^_^. Surtout que j'aime bien cet auteur.
J’aimeJ’aime
Imho son chef d'oeuvre est Le monde inverti. Ca n'a rien à voir avec ce qui précède mais j'ai été pris d'une irrésistible envie de le dire 🙂
J’aimeJ’aime
« Conteur de grande classe… » 100 % d'accord avec toi.
Je n'ai jamais été déçu par un livre de Priest que ce soit « Le monde inverti » ou « Le prestige » (je recommande Le prestige d'ailleurs si tu n'as pas vu le film de Nolan il faut lire le livre !)
J’aimeJ’aime
Pas lu le livre mais le film est très bien foutu imho.
J’aimeJ’aime
J'ai déjà lu Le prestige, très très bien aussi. Faudrait que je le relise pour le chroniquer. J'ai vu le film aussi mais en anglais sans sous-titres, je me suis endormie :s
J’aimeJ’aime
A voir, j'avais bien aimé Le monde inverti, même si la fin ne m'avait pas autant séduit que le reste de l'ouvrage.
J’aimeJ’aime