La place aux autres | Aussi improbable qu’un petit pois rouge

Impressions.

La place aux autres est un roman écrit par Philippe Mouche, à l’image de sa couverture, avec ce petit pois rouge perdu au milieu des petits pois verts : improbable. Qui plus est, édité dans une collection de littérature blanche, les éditions Gaïa, ce qui n’aide pas l’amateur de littérature de genre à trouver cette dystopie atypique sur les étals des librairies (et pas au rayon surgelé de votre supermarché). Je vous en dis quelques mots.

Aujourd’hui, je sais pourquoi on ne peut jamais commencer par le commencement : il y en a plusieurs.

Tristan vit dans une ville, française mais jamais nommée. Il est impliqué dans la politique de sa ville puisqu’il fait partie des Terriens-Démocrates. Mais il claque la porte du parti. C’est alors qu’une personne le contacte par téléphone pour lui confier des documents capables de mettre le feu aux poudres : GlobalWatch, une société de télésurveillance qui a envahit la ville de caméras a signé un contrat avec celle-ci pour « assurer la sécurité des citoyens ».

La vague médiatique alors sur les murs tristes de l’hôtel de ville, où on a préparé une défense en deux temps. Un, la ville s’en tient aux termes du contrat et n’est pas responsable des études internes à une entreprise privée. Deux, toute atteinte aux droidlom sera immédiatement dénoncée. Trois, toute évolution du partenariat avec GlobalWatch fera l’objet d’une concertation aussi large que possible

L’histoire se passe dans un futur proche où les réseaux sociaux, la reconnaissance vocale, les caméras, le dérèglement climatique et ses immigrés, sont choses courantes. Futur, ai-je dit ?

En remuant les lèvres, je prononce silencieusement une boîte de petits pois, pour ne pas alerter la reconnaissance vocale. Sans un regard pour l’écran, je repère le rayon des conserves, longe la partie consacrée aux légumes et recherche la boîte. Elle m’attendait, modeste et factuelle, un peu en retrait, légèrement moins éclairée que les autres. Parfaite. Une boîte de 400 grammes, pour célibataire. Je la saisis, vérifie que nulle promotion ne l’entache et la dépose dans le chariot, exactement au milieu. Celui-ci enregistre l’opération d’un bloup encourageant, puis me propose tout ce qu’il est humainement possible de manger avec des petits pois. Il ne me reste plus qu’à rejoindre les caisses.

Ce bouquin est à la fois drôle et grave, traitant d’un sujet totalement actuel sur un ton que j’ai bien du mal à qualifier. Il y a de l’ironie dedans mais ce n’est pas désabusé pour autant. On y trouve même une bonne dose d’optimisme et de légèreté. C’est confus dans un sens, mais Philippe Mouche nous emmène exactement là où il faut : sur la Place aux Autres. L’auteur ne fait pas dans le spectaculaire mais il nous étonne au plus haut point dans la description de personnages hauts en couleur et par ses idées saugrenues.

Je m’attendais à ce que la publication de Doc Trois entraîne ce que les activistes appellent des initiatives citoyennes et la police des troubles à l’ordre public.

Les dialogues sont à la fois absurdes et justes. Truculents, ils gagneraient à être lus à haute voix. Souvent, je me dis, quand je lis un livre, qu’il donnerait bien au cinéma. Pour la première fois, je me vois dans l’obligation de souligner que ce livre rendrait magnifiquement bien … au théâtre. Cela dit, il semble qu’une adaptation cinématographique soit au programme … Affaire à suivre de ce côté-là, les seules infos disponibles viennent d’une conférence donnée aux Imaginales en juin dernier. [edit 2020 : 8 ans plus tard : pas de nouvelles]

L’idée que toute production est vouée à augmenter est implantée dans leur code génétique. Et aussi dans des religions qu’ils n’ont jamais reniées. Croissez et multipliez.- D’ailleurs, si je puis me permettre, croissance commence par croix.- Et se termine par sens. Un sens unique, toujours le même, vers en haut, à droite de la courbe. Toujours plus, toujours après. Le vrai consensus, c’est pas liberté, égalité, fraternité, c’est encore encore encore.

La place aux autres est un roman hautement improbablement et incroyablement attachant. Ayant pour thématique des sujets bien de notre temps, comme le réchauffement climatique ou la société de surveillance, il est résolument optimiste. Et si vous voulez savoir ce que les petits pois viennent faire là-dedans, il vous faudra lire le livre.

Ce billet est dédicacé à Lhisbei, qui, quand elle fait du prosélytisme pour un livre, le vend si bien qu’elle l’achète pour l’offrir. Simplement, merci.

Roman écrit par Philippe Mouche. Publié en 2011 chez Gaïa Editions. Illustration de couverture par plainpicture/ Johner. 265 pages.Prix Une Autre Terre 2012.

Conférence « Comment adapter un roman au cinéma » aux Imaginales parle de l’adaptation cinématographique de La place aux autres.
Une interview de l’auteur.
D’autres avis : RSF Blog, ou signalez-vous en commentaire.

2 commentaires sur « La place aux autres | Aussi improbable qu’un petit pois rouge »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.