Impressions.
Exodes est un roman écrit par Jean-Marc Ligny et publié chez L’Atalante en 2012. L’auteur a mis tout son désespoir en l’avenir dans ce texte de plus de 500 pages. Six destinées entre croisées dans un monde désolé. Je vous en parle…
La Terre décrite dans Exodes est celle d’un futur pas si lointain, un futur qui pourrait bien nous pendre au nez, ou au nez de nos enfants, si le réchauffement climatique continue sa course infernale. Il fait chaud, terriblement chaud, la végétation, les animaux sont presque tous morts, la lutte pour survivre est quotidienne : trouver l’eau, de quoi manger, ne pas tomber malade surtout.
Des morts. Par centaines, par milliers. Crevant chez eux ou dans les rues moites, dans les ordures et leurs déjections. Toussant, haletant, couverts de pustules noirâtres, tremblant de fièvre, vomissant du sang, secoués de convulsions, trépassant dans un ultime spasme, une dernière diarrhée fétide, grouillante de vers. Mourant au fond des venelles, des patios, au coin des porches, envahis de mouches, dans l’horreur et le dégoût, une puanteur insupportable, suffocante, mélange des pires miasmes : matières fécales et décomposition.
Au milieu de tous ces morts, certains ont la chance de vivre dans les Enclaves, sortes de dômes qui protègent leurs occupants des méfaits du réchauffement climatique. Mais les enclavés savent que ce n’est que partie remise. Ils cherchent d’autres solutions, désespérées, pour fuir cette Terre moribonde.
Les six chemins que l’auteur nous narre nous emmène aux quatre coins d’une Europe qui dépérit …
- La famille Gorayan qui a la chance de vivre dans l’enclave de Davos, en Suisse. Ce monde-là est clos, sélectif jusqu’à donner envie de vomir, l’oligarchie de Darwin Alley fomente des projets archi-secrets pour les tirer de là. Ceux-ci ont l’air d’avoir la meilleure chance de survie … A moins que…
Ils [les jeunes des enclaves] n’ont pas d’avenir, ne veulent pas en avoir, ni même y songer. Ils considèrent comme vaine et oiseuse toute spéculation sur un futur quel qu’il soit. Ils vivent dans un éternel présent plutôt morne, dans une fête sans fin ni fun, sans surprises, sans découvertes, sans rien apprendre, sans même le prétexte d’une quelconque célébration, sans autre motif que d’oublier le temps qui passe et -surtout- le temps qu’il fait. Ils n’ont rien à se dire, rien à sourire, rien à souffrir, rien à s’offrir hormis leurs corps encore juvénile et leurs âmes mises à nu parfois, au profond d’une ivresse ou d’une défonce un peu rude. Bée alors l’angoissant abîme, le vide terrifiant d’un no future absolu, inéluctable. Car tous sont persuadés qu’ils sont la dernière génération, celle que la Terre, dans un ultime accès de colère, balaiera de sa surface.
- En Italie, Paula Rossi et ses deux fils en quête désespérée d’un médecin qui pourra guérir la maladie du plus jeune. …
- Mélanie, qui vit à l’écart d’un petit village français (je suppose en fait, pas le souvenir que cela soit dit clairement) qui tente de survivre. Les villageois ne l’aiment pas, elle est bizarre : elle recueille les animaux blessés et les soigne. Quelle naïveté peut pousser un être humain à être végétarien dans un monde pareil ?
- Fernando, qui fuit Séville et sa mère bigotte dans l’espoir de rejoindre le Nord, où le temps serait plus clément. Il rencontrera les Boutefeux sur son chemin, ces êtres sans foi ni espoir qui arpentent la Terre en quête de quelque chose à brûler, comme si le soleil ne s’en chargeait pas déjà lui même.
- Mercedes, la mère du précédent, qui a rejoint la secte « Los Niños del Paraíso » dirigée par un Padre à la main de fer. Son rêve à elle c’est l’arrivée des Anges de Dieu sur Terre qui viendront sauver les plus méritants, dont elle espère faire partie …
- La famille Erikson vivant sur les îles Lofoten en Norvège. Ils possèdent un bateau pour pêcher … pêcher des poissons contaminés par la pollution. Les îles sont plus épargnées que le sud du pays mais elles sont littéralement envahies par les réfugiés venus du sud. Ils sont trop nombreux pour l’espace dont ils disposent.
Le 1er mai dans l’Oklahoma, c’est l’époque des tornades géantes. À vrai dire, elles sillonnent les Grandes Plaines toute l’année, mais le printemps est le moment où elles sont le plus spectaculaires, atteignant plusieurs kilomètres de diamètre et créant des tourbillons au sein desquels le vent peut atteindre 1000 km/h, projetant des millions de tonnes de poussière et de débris jusqu’à dix kilomètres de hauteur. Dommage qu’il n’y ait personne pour voir ça.
Pour avoir écouté Jean-Marc Ligny en conférence, je me doutais que ce n’était pas un homme optimiste. A la lecture de ce livre, le doute n’est plus permis. Le portrait qu’il nous dresse de ce futur est sans concession, sans espoir. A l’image des Boutefeux qui purifient les villes par le feu, l’auteur exorcise les démons du réchauffement climatique en les poussant jusqu’au bout. Campagnes désolées, mers polluées envahies par les méduses, épidémies, rivières asséchées, tempêtes de sables et orages dévastateurs, rien ne nous est épargné, au point, il me semble, d’en faire un poil trop. Avertissement ? Ou bien est-il déjà trop tard ?
Cette lecture se veut être un coup de poing, dans le ventre, là où ça coupe la respiration. Cela a presque été mon cas. En fait, comme dit plus haut, j’ai trouvé ça un brin outrancier. Tout ça va trop vite pour être naturel, tout ça est trop pollué, désertifié, battu et rebattu par les tempêtes et les épidémies pour que tant d’êtres humains puissent encore être en vie à ce stade. J’ai trouvé aussi que les personnages étaient vachement stéréotypés, sans doute dans le but de nous montrer une panoplie de comportements possibles. Les deux mis ensemble donnent l’impression d’un discours pédagogique à l’usage de ceux qui ne savent pas : voilà je vous montre l’étendue des catastrophes possibles et différentes options de réaction de gens, différentes options géographiques aussi. Cela m’a semblé artificiel.
Le lecteur est, lui aussi, en quête d’un vain espoir jusqu’à la dernière page- ; la destinée de chacun des protagonistes prend aux tripes et les descriptions apocalyptiques font froid dans le dos.
Maintenant, c’est la vie entière qui est une catastrophe, et toute l’humanité qui en est victime.
Jean-Marc Ligny nous offre un roman postapocalyptique sombre, sans espoir devant la catastrophe du réchauffement climatique. Un brin outrancier avec une vocation pédagogique qui le rend artificiel, la lecture d’Exodes plombera cependant le morale du lecteur et ce longtemps après que la dernière page a été tournée. Voilà. Vous êtes prévenus.
Informations éditoriales
Publié en juin 2012 aux éditions L’Atalante. Couverture par LERAF. 544 pages
Pour aller plus loin
Une interview de l’auteur sur Quoi de neuf sur ma pile
D’autres avis : Clair Obscur, Un papillon dans la Lune, EmOtionS, Quoi de neuf sur ma pile, Le bloc-notes de l’homme machine, ou signalez-vous en commentaire.
Un grand post-apo à mon avis 😉
J’aimeJ’aime
Désespérant, n'est-ce pas ?
La fin m'avait aussi laissé ce goût-là, à moi qui ne suis pourtant pas d'un naturel espérant.
Mais, c'est une œuvre brillante, qui nous fait nous poser beaucoup de questions.
J’aimeJ’aime
C'est parce que c'est désespéré que c'est bon.
J’aimeJ’aime
Bon, peut-être un peu trop négatif pour moi mais j'ai quand même le goût de le lire. J'aime bien l'idée que dans un même monde on nous présente plusieurs personnages venant de plusieurs endroits différents afin d'avoir une vu d'ensemble.
J’aimeJ’aime
Ok, donc un excellent post-apo, mais on est prévenu : c'est pas la joie !
J’aimeJ’aime
Presque, pour ma part :p
J’aimeJ’aime
Oui c'est le mot. Abandonnez ici tout espoir.
J’aimeJ’aime
Oui, mais qand même dans le postapo j'aime bien a reconstruction. Là c'est plutôt rapé :'(
J’aimeJ’aime
Oui l'option différentes lieux et en même temps en restant en Europe, est une bonne idée.
J’aimeJ’aime
Valà, t'as tout pigé :p
J’aimeJ’aime
Je partage à 100% tes impressions (faudrait peut-être que j'écrive mon billet d'ailleurs).
J’aimeJ’aime
Bon alors ce billet ? 😀
J’aimeJ’aime
Ah mais rien que la couv' me fait envie… Pis j'aime bien le post apo… hmmm! Bon, à voir pour les prochains achats! ^^
J’aimeJ’aime
Ha c'est marrant le couv je l'aime pas du tout. Ça se lit rapidement et c'est très facile à lire. Par contre c'est un peu désespérant.
J’aimeJ’aime
Un livre hélas très réaliste…
20 ou 30 ans de sécheresse donc sans beaucoup de nourriture pour l'humanité et d'eau pour la nature et on serait sans doute en plein dans ce livre…
Espérons qu'il ne soit pas trop tard et que les choses évoluent fortement !
J’aimeJ’aime