Impressions.
Visiter les îles Kiribati avant qu’elles ne disparaissent est le but avoué de Julien Blanc-Gras lorsqu’il décide de prendre l’avion pour le Pacifique Sud. Sur un ton léger, il nous raconte dans ce récit ses impressions de voyage, les habitants, leur mode de vie, les problèmes insolubles auxquels ils font face. Un livre qui donnera peut-être à réfléchir sur notre mode de vie mais qui sert surtout de témoin pour les I-Kiribati.
Paradis ou enfer ?
Julien Blanc-Gras est « journaliste et écrivain globe-trotter » me dit la quatrième de couverture. Il voyage donc beaucoup, dans le but de voir le plus de pays possible. Se rendre aux îles Kiribati, un pays constitué d’atolls et qui menace de disparaître sous l’effet du réchauffement climatique, est important pour lui.
Il y a des pays en voie de développement et des espèces en voie de disparition. La république des Kiribati est un pays en voie de disparition.
Les photos de cartes postales sont loin des premières impressions de voyage de l’auteur : la mer est très polluée, il vaut mieux éviter de s’y baigner, les plages sont remplies d’excréments car de nombreux I-Kiribati n’ont pas de toilettes. La pauvreté est extrême ; le pays compte beaucoup sur l’aide internationale pour assurer sa survie. L’eau douce est un problème également : elle est polluée, infiltrée par l’eau de mer, desservie par une tuyauterie vétuste et manque considérablement. Les I-Kiribati ont droit à 20 litres par jour. En France, on en consomme 150.
Un jour, Eria a eu l’occasion de faire un voyage à Genève, où il a vu le jet du Lac Léman : « C’est incroyable, ils peuvent se permettre de s’amuser avec de l’eau douce ». Il est sidéré par la Suisse, et choqué quand je lui apprends que la consommation domestique quotidienne aux Etats-Unis s’élève à 360 litres par personne. Le révérend me scrute pour s’assurer que je ne plaisante pas, avant de demander : « Mais ils en font quoi? »
Les îles Kiribati étaient une colonie britannique jusqu’en 1979, ce qui coïncident étrangement avec l’épuisement des gisements de phosphates qui étaient la principale source de revenu du pays. A noter que le Royaume-Uni offre beaucoup d’aides financières aux îles Kiribati de nos jours. Je n’y vois pas de la charité mais un juste retour des choses devant la spoliation que ce pays a subi.
En plus de tout cela, certaines îles du pays souffrent de surpopulation. Le chômage est important, la mortalité infantile aussi. Les tempêtes qui ravagent les côtes rythment la vie des habitants. Certains ont baissé les bras et sombrent dans l’oisiveté et l’alcoolisme, d’autres se battent ou essayent de s’en aller.
Les injustices de ce monde
Mais tout cela nous est raconté sans misérabilisme aucun. Le ton employé est résolument léger, permettant une mise à distance non dénuée d’empathie et qui évite surtout au texte de sombrer dans un pathos de mauvais goût. L’auteur n’est pas là pour juger, ni pour guérir, ni pour culpabiliser. Il est là pour nous montrer simplement, même si la visions globale n’est guère réjouissante.
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un récit de plus sur les injustices de ce monde: la spoliation des richesses d’un pays par la colonisation occidentale, un maillage chaotique entre modernité et tradition mais qui se fait de toute façon et les conséquences d’une gestion environnementale catastrophique de notre planète qui retombent sur un pays qui n’a pas les moyens de les gérer.
– Tu as un travail ?
– Non.
– Tu es heureuse ici ?
– Des jours oui. Des jours, non.
– Des rêves ?
– Pas vraiment.
– Tu voudrais vivre ailleurs?
– Oui.
– Et quelle vie voudrais-tu avoir ?
Elle répond « any life » qui peut se traduire par « n’importe quelle vie » ou même par « une vie ». Ça ne veut rien dire, c’est lourd de sens.
Certaines réflexions de l’auteur sont communes à celles que j’avais pu avoir lors de mon voyage en Mongolie. D’ailleurs, je constate avec un certaine ironie que ces deux pays, tout en étant l’exacte inverse l’un de l’autre, souffrent de problèmes similaires.
La Mongolie est entourée de terres autant que les Kiribati sont entourés de mer et les I-Kiribati contemplent quotidiennement l’immensité de l’océan quand les Mongols contemplent l’immensité de la steppe. Ils sont tous les deux pauvres dépendant d’aides internationales importantes, avec des exodes de population vers la capitale ce qui cause des problèmes de salubrité et de surpopulation, un mode de vie traditionnel menacé et une insertion chaotique de la modernité dans le quotidien.
Je me demande si Julien Blanc-gras est déjà allé en Mongolie ?
Ce livre a été lu dans le cadre de mon rendez-vous « blog-en-bib » lors duquel je demande aux lecteurs/trices du blog de choisir mon prochain emprunt à la bibliothèque. Merci à L’épicière pour m’avoir suggéré ce livre.
Et toi, cher lecteur, chère lectrice ? Connaissais-tu l’existence des îles Kiribati ? Aimes-tu lire des récits de voyage ?
Informations éditoriales
Ecrit par Julien Blanc-Gras. Publié Au Diable Vauvert en 2013. 252 pages, soit 1.9 cm d’épaisseur. Pas trouvé de crédits pour l’illustration de couverture. Le livre existe aussi au Livre de Poche.
Pour aller plus loin
La photo d’introduction a été prise par moi-même et est sous licence Creative Commons BY-NC-ND 3.0
Par curiosité, j’ai effectué quelques recherches lors de la rédaction de ce billet et lors de ma lecture, je vous les livre ici :
Les îles Kiribati, enfer et paradis. Un article du Monde, dans la rubrique « Les grands formats du Monde » qui fait le point sur la situation des îles Kiribati. Si vous ne prenez pas le temps de lire l’article, regardez au moins les photos. Datant du 19/05/2015.
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Je ne connais absolument pas ces îles, et ce qui s'y passe m'a l'air bien triste
Tu recommences ton « blog-en-bib » bientôt ? ^^
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Au mois de janvier je pense.
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C'est assez étonnant de ressortir d'une lecture en se demandant si l'auteur et toi avaient visité le même pays.
Ravie de savoir que tu recommences l'expérience bientôt.
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Je ne crois pas avoir jamais lu de récit de voyage, et je ne connaissais pas du tout ces îles. On a l'impression qu'il s'agit d'un autre monde, mais c'est bien la même planète… c'est clair que ça fait relativiser.
N.B.: il y a une date dans l'adresse du dossier du monde, qui daterait donc du 19 sept. 2015.
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Merci j'ajoute ça. Pas pensé à regarder dans l'url.
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Je ne connaissais pas ces îles, c'est assez effarant comme situation 😦
Je ne crois pas avoir déjà lu de récit de voyage avant, je ne suis apriori pas tellement attiré par ce genre de non fiction, mais c'est très intéressant d'en lire ta chronique du coup.
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Jamais entendu parler de ces îles, lol.
Bon c'est à pleurer tout ça. La vieille histoire du monde… 😦
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Je suis revenue ici car j'ai une traduction sur la région du Pacifique. Je me demandais de quelle île parlait ce bouquin (et Kiribati est bien dans mon texte, bien qu'il ne soit mentionné qu'en passant). Bon c'est vraiment pas réjouissant tout ça. Comme si la hausse du niveau de la mer ne suffisait pas, la région est exposée à plein de catastrophes naturelles et il y a de grosses tensions ethniques dans la moitié des pays. J'apprends aussi que l'Australie « externalise » ses camps de demandeurs d'asile et de réfugiés sur une île paumée aux conditions de vie désastreuses… Charmant! 😀
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Oui c'est un triste constat. Heureusement qu'il existe des gens pour se battre contre ça. En espérant une prise de conscience à plus grande échelle au fil du temps…
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