La volonté de se battre | Guerre et paix en Terra Ignota

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J’ai à la fois craint et espéré la guerre. J’ai vu les Ruches tenter de s’y préparer sans trop savoir comment. J’ai rêvé des Jeux Olympiques, dernier havre de paix. Je suis entrée à Esperanza City par la porte de l’Histoire. J’ai lu le troisième tome de Terra Ignota et je vous en touche quelques mots.

***Disclaimer: Si vous n’avez pas lu les 2 premiers tomes, je vous enjoins à le faire et revenir ici ensuite. Besoin d’un coup de pouce pour savoir s’il vous plairait ? Rendez-vous au commencement : les 3 premiers jours et demi et les 3,5 suivants ***

War is coming

Rappelons-nous qu’à la fin de Sept redditions, le monde des Ruches, bâti sur une paix multiséculaire est en train de s’écrouler. Pas facile  de rester debout quand on se rend compte que cette paix a été maintenue grâce à l’assassinat calculé de plusieurs centaines de personnes au fil des années.

La guerre arrive avec ses gros sabots. Bridger, ayant compris qu’il était un outil trop puissant pour ce monde, l’a quitté en se transfo-créant Achille. Oui Achille, le demi-dieu de la mythologie grecque, car il a bien compris que la connaissance de la guerre s’est perdue et qu’il sera très utile pour aiguiller les humains du 25è siècle dans l’épreuve qui les attend.

[Moi, si j’avais des ressources excédentaires, en ce moment, je m’en servirais pour assurer la survie de l’espèce humaine.]

Ce troisième tome se voit confier la tâche de nous parler des évènements qui se sont déroulés entre le 8 avril 2454 et le 6 septembre de la même année. Nous sommes quelques mois après la fin du second tome, une partie du bash Saneer-Weekbooth est en prison dont Ockham, l’autre partie en fuite dont Sniper.

La narration est toujours confiée à Mycroft Canner, ce que je commence à trouver fort louche attendu le manque de stabilité émotionnelle et mentale de notre Servant préféré. (ok d’accord,  c’est déjà hyper chelou de la part de tous ces gens over-puissants de prendre un tueur en série comme conseiller/animal de compagnie , nous ne sommes plus à une bizarrerie près).

Ada Palmer, puppet master de la tour Jenga

On retrouve dans La volonté de se battre tous les ingrédients du tome précédent. Beaucoup de dialogues, traitant de politique et de religion (surtout vu la résurrection surprise de J.E.D.D. dans le tome 2, ça s’affole au conclave des sensayers) , des révélations dingues dans la lignée du roman.

J’ai vu, je ne sais plus trop où, une comparaison entre Dune et Terra Ignota. Oui il y a de ça. Je vois Ada Palmer en puppet master, à la façon de Frank Herbert, qui manipule son monde, ses personnages et ses lecteurices à sa bonne entendeur.

Connaissez-vous le jeu Jenga ? Il s’agit de bâtir une tour avec des blocs de bois selon un plan qui la rend très stable, puis de retirer 1 bloc à la fois pour le reposer sur le sommet. Au fil de l’avancement de la partie, la tour perd en stabilité, pour finir invariablement par s’écrouler… Je ne peux m’empêcher de faire l’analogie entre ce jeu et ce que fait Ada Palmer avec son univers.

Nous autres humains, sommes les lettres du message qu’a adressé notre Créateur à Son Pair divin pour établir le premier contact. A présent que ce billet est parvenu à destination, pourquoi ne pas le froisser et le jeter – ou le mettre de côté, souvenir rangé dans un tiroir fermé tel un cercueil ? Nous, l’alphabet, en sommes réduits à prier que Leur amitié toute neuve continue à reposer sur les mots. S’il en est ainsi, nous survivrons.

Certaines scènes sont éblouissantes, d’autres renversantes, d’autres encore tétanisantes. Des combos sont possibles. Petit bémol :  je dirais que j’ai parfois trouvé le temps long, ce qui m’était déjà arrivé dans le tome 2. Fair enough pour le coup du filibuster, l’intention est très réussie : je n’en pouvais plus que ça se termine et d’un autre côté j’étais dans l’incapacité totale de passer à la lecture en diagonale, de peur de manquer une information. Mais d’autres passages m’ont parfois semblé interminables sans le vouloir.

Terra Ignota

Depuis Trop semblable à l’éclair, je m’interroge sur le titre de la quadrilogie. Dans les deux premiers tomes, le terme « terra ignota » n’est pas utilisé une seule fois, en tout cas pas à mon souvenir. J’avais fait quelques recherches parce que je trouvais le choix du terme étrange : le terme consacré n’est-il pas  « terra iNCOgnita« ? Google trad m’a murmuré à l’oreille que terra ignota, c’est terre inconnue en italien. Je suis partie du principe qu’on était sur la même signification.

Je m’étais dit que ce titre montrait les intentions de l’autrice : créer un monde qui soit aussi étrange et étranger aux humains d’aujourd’hui que ne le serait le monde d’aujourd’hui aux humains du 18ème siècle et donc terra incognita. Mais de voir surgir le terme dans un contexte tout à fait concret à l’intérieur du livre m’a fait réfléchir : le monde si familier de ces humains du futur est tout doucement en train de se transformer en terre inconnue, pour eux aussi

– Si Ockham Saneer me disait que ma mort allait sauver dix mille vies, je me laisserais tuer, interrompit Quarriman avec calme. Et vous ?
– Ca y est, murmura Achille.
– Hein ? Quoi ?
– Un camp.

Dans le troisième volume de sa quadrilogie foisonnante, Ada Palmer entreprend patiemment de retirer, un par un, les blocs de la tour Jenga qu’elle a mis 2 tomes à construire. Et les lecteurices de se demander, le souffle coupé, à quel moment de l’opération l’édifice va s’écrouler. 

La quatrième et dernier tome « Peut-être les étoiles » est trop gros pour sortir en français en 1 seul volume, il en comportera donc 2, à paraitre  en 2022 (le premier au printemps, le second à l’automne si mes souvenirs sont bons).

Informations éditoriales

Roman écrit par Ada Palmer et publié initialement en 2017. 2021 pour la traduction française aux éditions du Bélial’. Traduit par Michelle Charrier. Titre original : The Will to Battle, Terre Ignota, book III. Illustration de couverture par Victor Mosquera. 526 pages.

Pour aller plus loin

Mes chroniques des 2 tomes précédents : Trop semblable à l’éclair, Sept redditions.
D’autres avis : OmbreBones, Le syndrome Quickson, Quoi de neuf sur ma Pile, L’épaule d’Orion, Just a word, Les chroniques du chroniqueur, Le vaisseau livres, Nevertwhere, ou signalez-vous en commentaire.

27 commentaires sur « La volonté de se battre | Guerre et paix en Terra Ignota »

    1. Ha j’ai même pas pensé à en parler dans ma chronique. Pas du tout en fait, contrairement au second. J’ai relu 2/3 chapitres dans le 2 avant mais je pense là ça va j’ai intégré plus ou moins comment ce monde fonctionne 😅

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  1. C’est extraordinaire, j’ai lu ce billet et en fat je ne me suis rien divulgâchée, dans l’hypothèse où je le lirais un jour… Tout simplement car je n’ai rien pigé. 😂😂 Tu fais partie de l’univers, là! 😃

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  2. Même en étant bilingue, je n’avais jamais entendu usité le mot « ignota » en italien. Au moins j’ai appris un terme en lisant ton billet. D’ailleurs bravo, on ne se sent pas spoilé quant au contenu de ce tome.

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  3. Ouiiiiiiiii je peux enfin lire ton billet, il n’est jamais trop tard 🤣
    Et oui des fois je me demande pourquoi c’est toujours Mycroft qui écrit, y’a des passages où j’ai rien pigé tellement il part en live. On verra ça à la relecture 😅
    Bon je lirais ton billet sur le tome 4 quand j’aurais lu le 4, donc après la sortie du 5. J’ai pas fini d’avoir un billet de retard !

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