Par delà l’horizon | Lendemains qui déchantent

par delà l'horizon actusf 2021

Par delà l’horizon est une anthologie dirigée par Sébastien Guillot. Elle a été publiée en octobre 2021 chez ActuSF. Ambitionnant de faire le point sur la science-fiction d’obédience francophone, ce petit pavé de 500 pages, propose 19 textes pour 18 auteurices. Voyons voir de quoi il retourne.

Intentions

Le concept derrière Par delà l’horizon n’est pas nouveau : faire le point sur la science-fiction francophone d’aujourd’hui. Il a déjà fait l’objet de deux parutions antérieures :

  • Escales sur l’horizon, dirigée par Serge Lehman, parue chez Fleuve Noir en 1998
  • Retour sur l’horizon, dirigée par Serge Lehman, parue chez Denoël Lunes d’Encre en 2009, reprise en poche chez Folio SF en 2012.

Je n’ai pas lu ces deux anthologies. Même pas la seconde, même si je faisais déjà partie du fandom en 2012 et que sa sortie avait fait grand bruit. Quand j’ai tenu la nouvelle mouture entre mes mains, m’a traversée l’envie de me procurer Escales et Retour et de les lire avant. Heureusement, le principe de réalité s’est rappelé à moi et je me suis plutôt attaquée à la lecture de Par delà.

Cela dit, je pense faire le chemin inverse en les lisant en attendant dix ans qu’un quatrième éditeur s’empare d’un quatrième opus Loin derrière l’horizon ou mieux Derrière l’horizon, les étoiles, faites-nous rêver bon sang ! Parce que bon, il faut le dire, ce qui se profile à l’horizon n’est pas joyeux-joyeux…

Les nouvelles

La parfaite équation du bonheur, Émilie Querbalec

… n’existe pas. Un texte bien de notre temps qui entre dans les arcanes d’une appli de rencontre légèrement invasive – avec le consentement des intéressés – qui propose également des services de coaching et de conseils à la prise de décision au couple qu’elle a aidé à former. 

Le texte est intéressant mais je suis perplexe face au message de la nouvelle. C’est un espoir qu’une appli puisse trouver la parfaite équation de la vie de couple ? 

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Deimocratos, Stéphane Beauverger

Le fils de Jadwiga disparait dans la forêt interdite où a également disparu sa fille 15 ans plus tôt. Accompagnée d’un militaire, elle part à sa recherche. L’ambiance horrifique fonctionne super bien. : le texte est angoissant au possible. Le background, quant à lui, est finement distillé tout au long du texte ce qui participe à son étrangeté angoissante. 

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på ön, luvan

J’aime bien la poésie qui se dégage de ce texte. Subtil et difficilement explicable. Hilma est « redescendue » d’Eg’nach et n’en est pas revenue indemne.

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Le Pack, LL Kloetzer

Comme souvent le couple Kloetzer ne s’embarrasse pas d’explications et nous lâche dans son univers sans filet. Entre jeu et réalité, le récit d’une catastrophe dans la serre de ce que j’imagine être un vaisseau générationnel (puisqu’il y a des enfants). Un très court récit avec une tension folle, très réussi.

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Espoir, Silène Edgar

A la fin du monde, une IA est envoyée sur une planète habitable quoi qu’hostile pour la terraformer et y élever des humains à partir de gamètes. Cela ne va pas très bien se passer. Disons que confier l’éducation d’enfants à une IA n’est pas forcément une bonne idée, malgré sa bonne volonté. Cependant, la vie trouve toujours son chemin… 

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Et le verbe se fit cher, Pierre Bordage

Et si les mots courants en venaient à être copyrightés ? Pierre Bordage imagine un futur où les auteurices devraient payer pour utiliser des mots aussi basique que « faire » ou « être ». Le copyright madness poussé à son paroxysme, le comité des Jeux Olympiques regrette de ne pas y avoir pensé.  Un texte franchement drôle dans le genre grinçant, je me suis bien marrée.

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Carne, Lauriane Dufant

Cette autrice dont je n’avais jamais entendu parler avant offre un texte expérimental. J’ai apprécié l’écriture et l’idée centrale du texte est originale. Mais je me suis ennuyée lors de ma lecture et n’ait jamais vraiment réussi à entrer dans le récit.

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Le juge, le bot et l’écureuil, Christian Léourier

Un robot se rend à la justice en s’accusant du meurtre d’un homme. La nouvelle évoque bien évidemment les trois lois de la robotique, ce qui ne la rend pas d’une originalité sans faille, mais fonctionne parfaitement bien. Elle pose la question des droits des robots à la justice dans une société où ils sont monnaie courante, employés à toutes sortes de tâches sophistiquées pour lesquelles ils remplacent les êtres humains.

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Projet Cerebrus 199, Floriane Soulas

B-104 fait partie du projet Cérébrus qui a pour objectif de l’envoyer dans l’espace et d’éviter au Consortium d’y envoyer ses membres, qui sont en déclin. Anabelle lui fait faire toutes sortes de tests mais le Consortium veut arrêter le projet, jugé trop couteux et n’ayant donné aucun résultat jusqu’ici. Un renversement de perspective qui fonctionne admirablement bien.

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Variation sur un poème de Borges, Romain Lucazeau

Se joue une partie d’échec métaphysique. J’ai trouvé ce texte complètement hermétique.

🤷‍♀️

La solitude des fantômes, Audrey Pleynet

Evelyne se réveille d’un coma de deux ans pour se rendre compte que les gens autour d’elle sont accros au RéZeau et vivent déconnectés de la réalité la plupart du temps. Pendant ce temps, ils effectuent leurs activités de façon automatique, contrôlés par le Système Watts. Un texte questionnant à l’heure où Facebook prépare son Métaverse.

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L’heure où s’écrasent les zabèy, Michael Roch

Un texte étonnant, postapocalyptique et afrofuturiste, auquel je n’ai pas tout saisi. Si quelqu’un a compris la dernière phrase, je veux bien qu’il me la susurre à l’oreille.

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In der Höhle, luvan

Nouvelle qui répond à på ön. On suit le discours chaotique d’une habitant d’Eg’nach, sortie de l’isolement de sa caverne. Les deux textes parlent de déracinement au final. Mystérieux, ils ont titillé ma curiosité.

Je ne comprends pas par contre pourquoi avoir mis les deux textes si loin l’un de l’autre, enfin si en l’écrivant peut-être pour signifier l’éloignement entre la Terre et E’gnach. Mais de ce fait, entre les deux, j’ai à peu près tout oublié du premier, ce qui est dommage car il y a des liens évidemment.

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J’ai senti venir l’avalanche dès les premiers flocons, Léo Henry

Un texte d’une grande poésie qui parle de solitude et de froid dans un monde postapo. C’est pas vraiment verbalisable mais j’ai adoré.

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Quantique pour la liberté, Ketty Steward

Ketty Steward explore ici le monde du travail et ses optimisations les plus extrêmes dans un récit à double point de vue qui raconte le quotidien de deux femmes dans cet enfer de productivité. La fin est aussi intrigante que le corps du récit n’est effrayant. Un petit goût de trop peu.

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Ne vous inquiétez pas on va s’y mettre, Jean-Laurent Del Socorro

Un texte de rencontre du troisième type par le spécialiste de la fantasy historique, voilà qui m’a agréablement surprise. Ce, d’autant qu’il s’agit pour le moins du seul texte réellement optimiste du recueil. Autour de la relation entre un père récemment divorcé et de sa fille qui a de la suite dans les idées.

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Chéloïdes, Jeanne-A Debats

Un jeune psychiatre essaye d’aider la Romancière, une autrice jadis victime d’un crime affreux et qui vit désormais recluse dans un hôpital psychiatrique luxueux et high-tech. A chaque fois qu’elle essaie d’écrire, ses cicatrices se mettent à enfler la rendant toujours plus monstrueuse. J’ai beaucoup aimé la majeure partie de ce texte mais j’ai trouvé la fin confuse avec un enchainement d’actions que ma logique ne comprend pas.

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Golden Age Blues, Frédéric Jaccaud

La vie médiocre d’un type qui a un jour rêvé des étoiles. Assez étrange comme texte, tourné vers le passé, comme si l’auteur avait voulu prendre l’horizon à contre-pied. Je ne sais trop qu’en penser.

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Ce qui se tapit dans la tour, Chris Vuklisevic

Dans un futur où les humains vivent sereinement car les gênes de l’agressivité, de la jalousie et de la possessivité ont été désactivés, Hannah est envoyée dans un centre de soins car visiblement la désactivation n’a pas fonctionné chez elle. Pose la question de la responsabilité de l’homme devant ses méfaits. Un texte intéressant qui questionne la possibilité de rendre l’humain inoffensif tout en lui retirant son libre arbitre.

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Par delà l’horizon dresse un beau panorama de la SF française d’aujourd’hui, dans toute sa diversité : des hommes & des femmes, des noms inconnus & des vieux de la vieille, du récit plus classique au plus expérimental, de l’humour & du drame, de la métaphysique & du terre-à-terre. Le seul point sur lequel une majorité semble s’accorder ce sont les lendemains qui déchantent, tant de nombreux textes vont chercher dans une veine dystopique ou post apocalyptique. Comme d’habitude avec ce genre d’exercice, certains textes frapperont aux portes de notre esprit et d’autres non. Une anthologie globalement très réussie, selon moi.

Informations éditoriales

Anthologie dirigée par Sébastien Guillot. Publiée chez Actu SF en octobre 2021. Les auteurs et les textes sont tous cités dans la chronique. Introduction par Sébastien Guillot. Postface par Ariel Kyrou. Couverture par Zariel. 509 pages.

Pour aller plus loin

D’autres avis : Les pipelettes en parlent, Les critiques Yuyine, Au pays des cave trolls, Les lectures de Xapur, ou signalez-vous en commentaire.

20 commentaires sur « Par delà l’horizon | Lendemains qui déchantent »

  1. C’est vrai que l’heure est plutôt au défaitisme mais justement ça aurait été original de proposer de la SF positive pour tromper tous les trucs foireux qui nous arrivent dessus 😅 genre feindre qu’on a foi en l’humain quoi…
    Intriguant ce recueil ma foi !

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  2. J’ai une autre proposition pour le titre de la prochaine anthologie : « Le dernier horizon ». 🤐
    Il y a l’air d’y avoir des textes vraiment bons et tentants, ce qui fait sens vu les noms au sommaire qui sont aussi tentants – et je ne parle même pas du titre de la nouvelle de Léo Henry ! Problème : j’ai un blocage, je n’arrive jamais à me motiver à lire des anthologies. >.<
    Vu ce que tu en dis, question : tu n'as jamais lu "La Mère des mondes" de Jean-Laurent Del Socorro, une nouvelle de SF parue gratuitement au Bélial' ?

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    1. Pour qu’ils arrêtent d’en faire après ? Mais le 5ème volume publié chez Le Bélial pourrait s’appeler le post-horizon 😀
      Tu peux lire les nouvelles de façon indépendante, à distance l’une de l’autre, pour tromper ton cerveau 😀
      Si je l’ai lue, je ne m’en rappelle plus du tout. Je l’ai lue cette fin d’année où je me suis enquillé 100 nouvelles en l’espace de quelques semaines XD Ca n’empêche qu’on attend moins JLDS sur ce terrain ^^

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  3. Globalement on a plus ou même le même ressenti sur’les textes sauf ceux de Luvan qui pour moi ont été aussi hermétique que ceux de Lucazeau 😅
    Avec le recul je pense que mes préférées ont été celles de Beauverger, Bordage, Leourier et Steward.

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  4. J’ai pensé à Horizon en zonzon pour la suite, des nouvelles sur l’enfermement, une idée non? :p

    Bon sans rire, ça m’a l’air pas mal du tout ce recueil, y a un peu de tout pour trouver de quoi être satisfaite.

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    1. Arg, mais non, je veux de la SF positive, pas une antho sur le confinement XD
      C’est très intéressant. Même si toutes les nouvelles ne plaisent pas, j’aime toujours ce genre d’exercie, il y a un peu quelque chose de l’antho des Utopiales là-dedans, dans un registre différent.

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  5. Ça a l’air chouette, j’adore ce genre de photographie d’un genre à un instant T (c’est déjà un peu ce que font les anthos des festivals parfois).

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