L’important c’est pas Les Chutes

Les chutes joyce carol oates couverture

Impressions.

Secrets de famille, description de la vie américaine des années 50-70, personnages consistants (en particulier Ariah), catastrophe écologique et humaine bien réelle (l’affaire de Love Canal) au milieu de la fiction, mythes autour des Chutes du Niagara; tous ces éléments offrent un imbroglio savamment orchestré qui passionnent le lecteur. L’écriture est plaisante et soutenue, le genre de livre qu’on lit lentement sans s’ennuyer une seconde. Une lecture qui donne envie de découvrir les quelques 70 textes de l’autrice.

Se jeter dans Les Chutes

Jusqu’à ce qu’on m’en parle récemment, je n’avais jamais entendu parler de Joyce Carol Oates. Pourtant, l’autrice, née en 1938, a écrit plus de 70 livres dont la plupart ont été traduits en français et a été deux fois finaliste du Prix Nobel de Littérature. Ma découverte commence donc par Les Chutes, qui reçut le Prix Fémina étranger en 2005.

Les Chutes débute en 1950 par le suicide du pasteur Gilbert Erskine qui s’est jeté dans les Chutes du Niagara au matin de sa nuit de noces. La jeune veuve, Ariah Littrel, errera pendant 7 jours et 7 nuits le long des Chutes pendant qu’on cherche le corps de son mari. Mais un mois plus tard, voilà qu’elle épouse Dirk Burnaby, brillant avocat de la ville de Niagara Falls (US). La vie leur sourit, du moins pour un temps …

Mais de quoi ça parle ?

Longtemps, je me suis interrogée : de quoi peut donc bien parler Les Chutes ? La construction des chapitres peut s’avérer décousue, parfois non chronologique. La plupart du temps le texte est écrit à la troisième personne, mais pas toujours : les premières personnes du singulier et du pluriel s’insinuent l’air de rien dans les paragraphes. L’histoire n’est pas toujours racontée du même point de vue : Ariah, Dirk et leurs trois enfants pour les principaux.

Mais Joyce Carol Oates sait où elle nous emmène. Au milieu de ce chaos semblable à la descente d’un corps humain dans les rapides en aval des Chutes du Niagara, j’ai distingué trois thèmes centraux: la famille, les chutes (du Niagara) et les secrets.

Ainsi, Ariah a une conception particulière de la famille, qu’elle érige en mythe familial: il n’y a pas de place en dehors de la famille et celui qui la quitte la trahit. Les Chutes du Niagara sont omniprésentes dans le récit, des mythes et vérités qui l’accompagnent au lien qui les unissent avec différents personnages. Les secrets de famille abondent dans le récit mais on y trouve aussi des secrets à plus grande échelle comme l’affaire Love Canal : une sombre histoire vraie de déchets toxiques enterrés sous une école et un lotissement que Joyce Carol Oates s’est approprié en y insérant de la fiction (mais le camouflage de cette histoire est quant à lui malheureusement bien réel et les conséquences sur la santé des riverains aussi). Je développe davantage sur les thèmes dans un billet Focus, à venir prochainement, afin d’éviter de vous spoiler ici.

Une lecture à savourer

Du fait de la complexité du récit que ce soit dans l’enchevêtrement des intrigues, le nombre de personnages ou le temps qui s’écoule sur une vingtaine d’années, Les Chutes ne se lit pas vite. Il se savoure à petites gorgées et c’est très bien comme ça.

J’ai adoré cette lecture tout en délicatesse, et d’une étrangeté qui fait se demander où l’auteur va chercher des idées pareilles.  J’espère sincèrement que mon billet vous donnera envie de le lire car ce livre est un véritable bijou.

Et vous ? Vous avez déjà lu Joyce Carol Oates ? Et Les Chutes ? Est-ce que vous avez envie de le lire ?

Informations éditoriales

Publié pour la première fois en 2004. 2005 pour la traduction française aux éditions Philippe Rey. 2006 chez Points. Traduite de l’anglais (US) par Claude Seban. 552 pages.

Pour aller plus loin

Le site des lecteurs de Joyce Carol Oates

D’autres avis: NevertwhereMy innershelf, Books and Fruits,

Dédicace

A mon frère, grand pourvoyeur de découvertes littéraires depuis 1996 (quelque part par là) (ou même avant ?) (je ne sais plus) (bref).

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17 commentaires sur « L’important c’est pas Les Chutes »

  1. Je me suis renseignée du coup elle est en effet citée parmi les auteurs ayant boycotté l’événement. M'y connaissant mal sur la question et pas bien l'auteure non plus, j'éviterai de juger. Ce n'est de toute façon par le genre de comportement qui m'empêche de lire les romans d'un auteur. Sa plume me suffit.

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  2. Aah je le zieute depuis un milliard d'années celui-là!
    Ca fait un bail que je n'ai plus lu oates en plus (enfin je n'en ai que deux ou trois à mon actif hein :-))
    Faudrait que je le fasse remonter à la surface de ma wishlist…
    Merci pour ta chouette chronique et tes spoils alert 🙂

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  3. Ah ah tu joues sur ma corde sensible de la compassion! 🙂
    Bon faut que je vide un peu ma PAL avant.
    Par contre, je suis partie dans du roman pas SF pour le moment!
    EN cours « nous » de David Nichols, ensuite « Plan de Table » de Maggie Shipstead.
    Bon après, je pensais faire plaisir à l'homme et commencer la trilogie Underworld USA de James Ellroy.
    Tu veux qu'on se fasse une LC « non-SFFF »? 🙂
    T'as une PAL visible qque part? (Je vais explorer :-))

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  4. Je ne connais pas les deux autres mais James Ellroy c'est très bien.
    Je n'ai absolument plus rien de non SF dans ma PàL XD
    Mais à l'occasion on pourra faire une LC Joyce Carol Oates par exemple. Mais après juin car d'ici là je ne vais quasi lire que des trucs pour le Prix PSF.

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  5. Ah vi, les impératifs des prix! (t'es dans le jury? me semble non?).
    Ma biblio reste assez variée en fait. Mais c'est vrai que depuis quelques mois, je n'ai lu que du SFFF.
    Là faut que je varie je trouve 🙂 Puis j'ai trop longtemps délaissé mes policier.

    Yep! Je pense que j'en ai un (de Oates) dans ma PAL. Faudrait que je revois lequel c'est. Je n'ai pas le titre en tête. On me l'avait offert il y a longtemps. Un swap je crois.

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  6. Cette romancière est extraordinaire. J'ai lu son « Petite soeur mon amour » qui se base sur le vrai meurtre d'une petite fille prodige de patinage artistique. J'avais été très étonnée de la construction du roman, très inhabituelle, parfois déroutante (comme tu le dis pour Les Chutes). Mais aussi très impressionnée par l'intensité du récit. Elle fait cet effet là, Oates 🙂 Je te conseille Blonde, pas encore lu, mais bcp entendu parler (sur Marilyn Monroe). Les Chutes est sur ma liste depuis un moment. Ton article me convainc définitivement de l'acheter 🙂

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  7. Merci pour ton commentaire. Je me demandais si justement elle avait toujours toujours cette construction de l'intrigue un peu spéciale. Et je retiens Blonde dont en effet il me semble l'avoir vu cité dans les quelques articles que j'ai lu.

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