
Emissaire des morts est le premier tome d’une trilogie écrite par Adam-Troy Castro. Il contient 4 nouvelles et un roman qui content les aventures d’Andrea Cort, représentante du Procureur du Corps Diplomatique, envoyée au 4 coins de la galaxie pour résoudre des affaires de meurtres inter-espèces. Publié chez Albin Michel Imaginaire en 2020, il a été traduit par Benoit Domis. Réveillez-vous de votre inter-som, prenez une douche à ultrasons, rangez votre sparring-partner virtuel et soyez prêt.e.s à intervenir. *insérer générique des Experts : Miami* (c’est pour l’ambiance)(wink wink à ma maman si elle passe ici)(elle en pince pour Horatio Caine)
Polar
En anglais, les trois premières nouvelles ont été publiées après la quatrième et le roman. Je ne m’en suis rendue compte qu’après lecture, mais je pense que le choix éditorial français se tient de les placer avant : on découvre Andrea Cort et ses enquêtes dans un format de plus en plus long. De plus, cela permet de soulever progressivement l’intrigue liée à son enfance sur Bocaï et le terrible massacre qui en résulta et qui trouvera sa résolution dans le roman. L’éditeur conseille d’éviter de lire les quatre premiers textes à la suite, du coup je n’en ai fait qu’à ma tête : j’ai lu les 3 premiers, puis ai fait une pause d’une semaine et ai enchainé la dernière nouvelle et le roman à la suite.
Emissaire des morts tient à la fois du polar et du space opera.
Le personnage principal est le parfait archétype d’un personnage de polar. Avocate austère, enquêtrice affutée, Andrea Cort est aussi aimable qu’une porte de prison. Dotée d’un grand sens de la justice, rien n’arrête sa recherche de la vérité. Ses méthodes sont peu conventionnelles On apprend à connaître sa nature torturée et respirant le bonheur (non) au fil des récits, à l’instar une saga policière.
« Les humains sont décidément une source inépuisable de comportements intéressants… »
On y trouvera aussi, élément classique du roman policier et qui fait tout son sel, l’excitation de la révélation, celle qu’on devine au travers des indices laissés par l’auteur, ou alors pas du tout car on se laisse porter par le récit. Quand elle vient, la simplicité et l’efficacité avec lesquelles tout s’emboite parfaitement, est comme une évidence. Ca marche super bien, en particulier sur les textes courts dont la narration est resserrée.
Space opera
Mais Emissaire des morts c’est aussi du space opera et là aussi cela fonctionne parfaitement bien.
Chaque texte se passe dans un éco-système différent. Si l’environnement y est décrit, ce que kiffe visiblement l’auteur c’est nous montrer des êtres sentients de différentes espèces qui, de préférence, ont du mal à se comprendre / se détestent / ont des conflits variés sur différents sujets / des schémas culturels incompatibles. C’est passionnant, j’adore ça et Castro est doté d’une imagination tout à fait débordante qui évite au lecteur de tourner en rond avec les trois mêmes vieilles idées éculées de récit en récit.
Si c’est capable de penser, c’est indigne de confiance, se dit Cort.
De plus, Andrea Cort n’est pas policière, détective ou inspecteur de police, ce qui constitue une originalité pour la part polar du récit. Adam-Troy Castro se sert des spécificités liées au space opera pour créer un consortium interplanétaire d’ambassades, avec ses différentes branches et… son procureur qui a ses petites mains qui vont enquêter à droite à gauche en son nom. C’est donc en tant que représentante du procureur du Corps diplomatique qu’elle va traiter toutes sortes d’affaires, ce qui fait qu’on sort souvent du schéma strictement whodunnit où il faut découvrir qui a tué. L’ensemble esquisse son lot d’imbroglios politiques et diplomatiques, un terrain de jeux infini.
On peut également trouver un aspect de critique sociale dans la description du système d‘exploitation des individus, dans un univers où la langue commune s’appelle le « Mercantile ». Ca donne le ton. Les employés du Corps Diplomatique vendent littéralement des années de leur vie à son service pour s’offrir une retraite sur la planète de leur choix. Ce système est critiqué dans le roman où l’un des personnages parle de médiocratie, attendu que les meilleurs éléments se barrent rapidement en écourtant leur temps de service avec des primes de temps, les médiocres, aux, trainent leurs savates plus longtemps et en viennent donc à faire tourner la baraque.
« Nous sommes tous des propriétés, Maître. La seule chose qui importe, c’est de bien choisir son maître. »
Présentation des textes
Faisons une petite présentation de chacun des textes, en guise de mise en bouche :
Avec du sang sur les mains. Andrea Cort est envoyée pour gérer le transfert du plus grand criminel humain sur la planète des Zinns, en échange d’une technologie. Une occasion unique pour les humains. On y découvre les mœurs des Zinns et l’étendue de la difficulté de comprendre les intentions d’une espèce qu’on ne connait pas.
Une défense infaillible. Récit croisé entre Andrea Cort et Tasha, une de ses collègues, dont la couverture a été découverte et est bien dans la mouise. Il va falloir remonter le fil pour comprendre ce qui s’est passé et sauver Tasha. Un texte qui parle de confiance en l’autre et d’image de soi.
Les lâches n’ont pas de secret. Sur une planète inhospitalière, Andrea Cort est chargée de vérifier qu’un humain condamné à mort par des extra-terrestres a bénéficié d’un juste procès. Le condamné lui fait remarquer que l’on a sciemment omis de mentionner un dispositif qui lui permettrait d’éviter de mourir (dans d’atroces souffrances, faut-il le préciser). Notre enquêtrice va bientôt se retrouver en bien mauvaise posture. Un texte qui parle entre autre de la perte du libre arbitre.
Démons invisibles. Sur la planète Catharkhus, Cort va se retrouver confrontée à une double problématique : 1- comment juger un meurtrier quand les êtres qu’il a assassinés ne ressentent nulle souffrance, n’ont a priori aucun système judiciaire et sont incapables de communiquer avec d’autres êtres que ceux de leur propre espèce ? 2- Qui est vraiment Sandburg, le meurtrier ? Assurément le texte que j’ai préféré. Il traite la question de la sentience et de l’impossible communication quand les êtres sont trop différents de nous. Je l’ai trouvé très fin, avec une conclusion mindblowing comme j’aime. On y découvre aussi les démons invisibles, un mystère qui trouvera sa résolution dans le roman dont cette nouvelle sert d’introduction.
« Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur l’Ambassadeur, j’ai consacré toute ma carrière à l’arbitrage de conflits juridiques avec des cultures extraterrestres. Et je soupçonne fortement que le malentendu en question ne tienne pas tant au fait que le conseiller Rhaig soit un Tchi, qu’au fait il soit un foutu trou du cul. »
Emissaire des morts. L’intrigue prend plus de temps à s’installer. Brusque modification de rythme qui peut déstabiliser après les quatre premiers textes. Il est écrit à la première personne, du point de vue de Cort. La voici déroutée sur le monde artificiel de Un Un Un, dirigé par les IA-source. Cort devra mettre toutes ses compétences pour comprendre qui a tué 2 personnes sur la station. Et pourquoi bien sûr. Les enjeux sont ici fortement liés au mode de fonctionnement du Corps Diplomatique et interroge fortement la notion de libre arbitre. Le worldbuilding de cette station construite par des IA est spectaculaire, acrophobes s’abstenir.
Le craquement de l’os rivalisa avec les exclamations écœurées de la foule pour le titre de bruit le plus affreux de l’année.
Emissaire des morts combote avec bonheur polar et space opera. Du texte court au long roman, Adam-Troy Castro est parfaitement à l’aise dans tous les formats, de la même façon qu’il l’est avec le monde qu’il a créé et ses habitants. C’est un réel plaisir de suivre les aventures d’André Cort aux confins de la galaxie et de la voir résoudre des affaires insolubles avec intelligence, pour le plus grand plaisir de nos neurones.
Le tome 2 vient de sortir et soyez sûrs que je le lirai.
Informations éditoriales
Emissaire des morts est un roman + 4 nouvelles, écrites par Adam-Troy Castro. Les textes ont été publiés initialement entre 2002 et 2016. 2021 pour la publication en français chez Albin Michel Imaginaire. Traduit de l’anglais par Benoit Domis. Titres originaux : With Unclean Hands – Tasha’s Fail-Safe – The Coward’s Option – Unseen Demons – Emissaries from the Dead. Illustration de couverture par Manchu. 709 pages.
Pour aller plus loin
Avec du sang sur les mains, la première nouvelle est disponible gratuitement au téléchargement sur le site d’AMI.
D’autres avis : Les lectures de Shaya, Les lectures de Xapur (Les nouvelles – Le roman), De l’autre côté des livres, Fourbis et têtologie, Le Bibliocosme, Sur mes brizées, Le chien critique, Les critiques de Yuyine, Quoi de neuf sur ma pile, Un papillon dans la lune, Lorhkan et les mauvais genres, Le culte d’Apophis (Les nouvelles – Le roman), Albédo, Les lectures du maki, Au pays des cave trolls (Les nouvelles – Le roman), L’ours inculte, La geekosophe, L’épaule d’Orion (Les nouvelles – Le roman), Ombre Bones, Les pipelettes en parlent, Chut maman lit, RSF Blog, 233°C, Nevertwhere, ou signalez-vous en commentaire.
*Yeeaaarrkk* Bon, ça c’était moi qui piaulait le début de Won’t Get Fooled Again (malin de me l’avoir mise en tête, merci bien), et bravo pour cette chronique très bien écrite qui donne envie.
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Avec plaisir de rien 😬 Sinon je me débats depuis hier avec La tribu de Dana, si tu veux on échange 😀
Merci 🙂
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Heeeu… Non merci j’te la laisse… Suffisait déjà que je lise le titre pour avoir un lalilala entre les oreilles…
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Je me disais aussi, tu « won’t get fooled again » ^^
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Je pense que tu vas adorer le second ! Et on veut le troisième !
(merci pour les liens)
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Ha j’espère ^^ Pas lu de chroniques du tout, je préfère partir l’esprit neutre. Je sais pas quand par contre.
(de rien ;))
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« Je ne m’en suis rendue compte qu’après lecture » : Quoi ? Tu as lu des textes dans le désordre de publication ? 😱 👀
Sa taille m’a fait le repousser pour le moment, mais ça a quand même tout pour être une excellente lecture, je devrais sauter le pas un de ces jours. ^^
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Je ne sais pas si je vais m’en remettre 😀
L’avantage c’est qu’il contient plusieurs textes indépendants, du coup la lecture s’étale bien ^^ Je pense ça peut te plaire, c’est fun et intelligent.
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Cool que tu aies aimé, je pense que le deuxième va te plaire aussi !
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Parfait alors ^^
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Merci pour cette recommandation originale !!
Le space opera mêlé au polar ça me donne vraiment envie.
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Super ! Bonne lecture ^^
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Chouette, il faut vraiment que je le lise celui-là !
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Une lecture très sympa, à peu près sûre que ça te plaira.
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Je ne pense pas que j’aurais autant aimé sans les nouvelles du début perso, c’est bizarre de se dire qu’en vo elles sont venues après.
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C’est vrai ^^ l’auteur a fait un beau boulot rétroactif.
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C’est trop bien hein! Lisez tous ces bouquins! On veut le 3!!! XD
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On veut le 3 !! (oups faudrait déjà que je lise le 2 moi)
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Séduite aussi (je m’aperçois que je n’avais pas commenté ton billet, alors que j’avais bien enregistré ton pavé !) et, comme toi, je lirai la suite !
Et bravo 👏 pour ce challenge réussi 😎 !
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Merci (et a priori ce n’est pas fini !)
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Oh! je ne savais pas du tout… de ‘un que c’était du polar/space opera (je pensais uniquement space opera) du coup du pique ma curiosité évidemment 😉
Et de deux qu’il s’agissait en fait de nouvelles + romans.
Ca a l’air plutôt sympa!
Belle chronique!
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Oh ! C’est vrai ! Tu es fan de polar. Faut trop que tu le lises, je serais très curieuse de savoir ce que tu en diras ^^ Merci 🙂
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Merci du conseil!!!
Je vais l’ajouter à ma wish 😉
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Tu m’en vois ravie ^^
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Attends, je suis pas sûre d’avoir pigé : Emissaire des morts regroupe les 4 novellas et le roman ou juste le roman et les novellas se trouvent dans un autre recueil?
Beaucoup en disent le plus grand bien en tout cas, et moi, l’aspect Polar SF, je dis oui et oui. Voilà :p
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Tout est dans le livre, qui porte le nom du roman ^^
Pareil qu’avec Bruna Husky alors : une lecture intelligente facile à aborder avec des pages qui se tournent tout seul, un cran au-dessus tout de même.
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Andrea Cort sans E! Je suis en plein dedans en audiolecture. Je l’ai choisi pour mon retour de vacs (plusieurs heures de voiture). Aucun regret, j’aime beaucoup. Evidemment l’audiolecture m’oblige à plus de concentration (et quelques aller retour) pour ne pas perdre le fil de l’intrigue mais que c’est plaisant!
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Je rampe par terre en bavant et en me disant qu’il faut vraiment que je lise ce bouquin.
(On s’en fout, mais j’te le dis quand même: la liste de liens vers les chroniques tierces est folle! 😄)
(Et oui, ce commentaire pourrait avoir pour effet de te mettre une autre chanson dans la tête, ahah. Patriiiick!!)
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« (Et oui, ce commentaire pourrait avoir pour effet de te mettre une autre chanson dans la tête, ahah. Patriiiick!!) » -> ce doit m’échapper, y a rien qui me vient, tant mieux sans doute ^^
Oui la liste des chroniques c’était une peu pénible à faire à dire vrai. C’est ce qui se passe quand on arrive après tout le monde 😅
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Ahah mince, j’ai échoué 😄 C’était une référence à une chanson de Bruel qui s’appelle « J’te l’dis quand même ». Je ne connais que deux chansons de lui mais celle-ci est facile à placer!
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J’avoue je suis pas très Bruel XD Alors j’ai écouté pour voir, et j’ai déjà entendu cette chanson mais elle ne fait pas assez partie de mon background culturel pour être capable de l’avoir en tête. Ce n’est pas un échec tu m’as appris quelque chose voyons.
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