
Ce 106ème Bifrost publié en avril 2022 par les éditions du Bélial propose un dossier sur Kim Stanley Robinson. Je m’intéresserai dans les présentes impressions aux 4 nouvelles qui ouvrent la revue, à savoir : Venise engloutie de Kim Stanley Robinson, On est peut-être des sims de Rich Larson, Résonnance lointaine de Johan Heliot et Expiation de Tade Thompson. C’est parti…
Venise engloutie, Kim Stanley Robinson
Carlo Toffur guide des touristes pilleurs dans Venise sous les eaux. Quand les touristes japonais qu’il guide disent vouloir repartir avec le portrait en mosaïque d’une Madone, il les plante là et repart en bateau en pleine tempête.
Une belle nouvelle d’ambiance dans un futur qui voit Venise submergée par la montée des eaux. Une belle évocation de la ville engloutie, en symbole d’un monde qui s’effondre. La tristesse et la colère d’un homme tiraillé entre nourrir sa famille ou refuser de participer au pillage organisé de sa ville, entre acceptation et révolte. Comment concilier les deux ?
[La MadonnA] paraissait capable de tout voir du futur, jusqu’à cet instant et au-delà, tout de la vie brève de son enfant, et toutes les terreurs et calamités advenues depuis… Des larmes de mosaïque coulaient sur ses joues. A leur vue, Carlo put à peine retenir ses propres larmes de venir s’ajouter à l’eau qui baignait déjà son visage. Il se sentit soudain transporté dans une église au plus profond de l’océan ; la pression ses sentiments menaçait de le faire imploser ; il les contenait tout juste.
Publication initiale en 1981. Traduit de l’américain par Pierre-Paul Durastanti. Titre original : Venice Drowned
On est peut-être des sims, Rich Larson
Trois condamnés ont choisi de commuer leur peine en voyage spatial. La parano s’installe et l’un d’eux se persuade qu’ils sont dans une simulation et essaye d’en persuader les deux autres. La nouvelle ne répond pas à la question et ce n’est pas important. Ce qui est intéressant c’est d’explorer comment ces trois humains se comportent dans une telle situation… comme s’ils étaient observés depuis l’extérieur, un peu comme un lecteur qui lirait une nouvelle parlant de trois personnages coincés dans un vaisseau spatial 👀
Au premier anniversaire de la mission, Jasper, encore nu, encore fâché, décrète qu’ils sont piégés dans une simulation.
« Réfléchissez, débiles. » Du plat des mains, il pousse contre le plafond bas en métal, fléchissant ses bras d’os et de tendons. « Le lancement, c’était comme à l’écran, non ? L’énorme grondement, le compte à rebours interminable, l’inversion de gravité. Un véritable film. »
(incipit)
Publication initiale en 20145. Traduit de l’anglais [CA] par Pierre-Paul Durastanti. Titre original : We might be Sims
Résonance lointaine, Johan Heliot
Une maladie très étrange, connue sous le nom de Syndrome de Reconfiguration Neuronale ou Effet Enstein, rend les personnes affectées obsédées par l’absorption de connaissances. Jusqu’au jour où ils se mettent tous à marcher, sans but apparent. Mathis suit son ex-femme et rencontre Amber au milieu de l’absurdité de la situation.
Une très belle nouvelle au ton mélancolique, crépusculaire qui m’a fait beaucoup penser à la série The Leftovers. Cela dit, bien que cela ne soit pas explicite, on peut ici deviner une explication au phénomène. Et la vie de continuer, malgré tout.
« Si quelqu’un peut m’expliquer pour quelle raison j’ai perdu Dorian, c’est bien eux, tu ne penses pas ? »
J’ai acquiescé en silence ; je n’avais jamais considéré sous cet angle. Encouragée par mon mutisme, Amber a continué :
« Ils doivent avoir les réponses à toutes nos questions. Sinon, à quoi servirait ce qu’ils font ? Il faut bien que ça ait un sens. Je veux juste comprendre ce qui est arrivé à mon gamin. J’aurais pu chercher la consolation devant un autel, dans les paroles d’un prêtre, mais je n’ai pas envie d’entendre les conneries habituelles. J’ai besoin qu’eux me confirment que Dorian n’a pas été sacrifié en vain. Que sa mort et toutes les autres font partie d’un plan. »
Inédit.
Expiation, Tade Thompson
Des extra-terrestres ont détruit l’humanité sans faire exprès, oups. Tous les jours à midi, ils s’excusent dans un message mal traduit auprès des rares survivants. Ceux-ci sont chargés de recréer une réplique de Londres. Storm s’occupe des « simulants », de faux humains auxquels il essaie d’incluquer des comportements.
Cette nouvelle est désabusée, à l’image de son protagoniste qui ne manque pas de cynisme. C’est drôle et plombant à la fois.
La nuit, pendant qu’on dort, les étrangers nous scruter. Ils ne se manifestent pas physiquement, mais les drones d’observation sphériques et ovoïdes entrent chez nous et flottent dans l’air. Ils ne font pas un bruit, mais c’est paradoxalement plus sinistre. Je sens mes poils se hérisser chaque fois qu’ils se trouvent dans ma chambre. Ils ne manquent jamais de me réveiller et je ne fais pas semblant de dormir. Je les arrose d’invectives et tente de les frapper, sans succès car ces enfoirés sont agiles et faciles à manœuvrer.
Publication initiale en 2016. Traduit de l’américain par Jean-Daniel Brèque. Titre original : The Apologists
Informations éditoriales
Revue publiée en avril 2022 par les éditions Le Bélial’. Illustration de couverture par Manchu. 192 pages.
Pour aller plus loin
Des nouvelles de Bifrost sur le blog.
D’autres avis : Les lectures de Xapur, L’Epaule d’Orion pour Expiation, Ombre bones, ou signalez-vous en commentaire.
« Des extra-terrestres ont détruit l’humanité sans faire exprès, oups. » : xD
Un bon numéro donc, tu as l’air de les avoir toutes appréciées. Il y en a une que tu as préférée ? Celle d’Héliot ?
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Oui plutôt. Celle d’Heliot est clairement ma préférée oui ^^
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C’est marrant ma chronique sort demain justement ! Perso j’ai beaucoup aimé les nouvelles sauf celle de… Robinson 🤦 je fais tout de travers.
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Yes, cool je irai ça ^^ Bah non pas de travers. J’ai hâte de lire ce qui s’est passé avec cette nouvelle. Moi j’ai pas aimé son chef d’oeuvre, la trilogie martienne que j’ai lâchement abandonnée au milieu du deuxième tome ¯\_(ツ)_/¯
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Je voulais profiter du Bifrost pour tester et savoir par où commencer bah réponse : par nulle part ^^’ je ne sais pas trop moi-même, j’ai juste été totalement insensible à sa plume et je me suis ennuyée…
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Oupsi…
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C’est marrant cet angle d’étude (si je puis dire…) de Venise engloutie: l’exploration pour le pillage. (En ce moment, ça me fait penser à un angle d’étude d’un monde avec des dinosaures: la contrebande. ^^)
« ils s’excusent dans un message mal traduit » –> Lol. On devrait sauver les traducteurs, même quand on détruit une espèce par erreur. 🤣
Un bon cru, en tout cas, à ce que tu en dis.
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Sauves les traducteurs !
Oui c’était une bonne lecture ^^
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Un Bifrost sympa semble-t-il, c’est tentant 🙂
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C’est toujours intéressant Bifrost ^^
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