

Le môme en conserve est un roman de littérature jeunesse écrit par Christine Nöstlinger. Publié en Allemagne en 1975, il a été édité pour la première fois en français en 1982. La traduction est d’Alain Royer. Ce roman hilarant a été une de mes lectures d’enfance marquantes. Je l’ai relu et vous fais part aujourd’hui de mon regard d’adulte sur ce texte.
Les cigognes c’est has been : vive les enfants en conserve !
Mme Bartolotti est une femme excentrique qui cultive son anticonformisme comme d’autres des plants de cannabis pour leur consommation personnelle. Elle se lève quand elle veut, offre des vacances à ses poissons rouges dans la baignoire et se tartine la figure en technicolor. Elle est célibataire (il y a bien eu un M. Bartolotti mais il a disparu de la circulation), sans enfant et a un amant* mais seulement les mardis et les samedis. Autoentrepreneuse avant-gardiste de la start-up nation, elle confectionne et vend ses tapis – aussi technicolors que son maquillage – sous l’emblème « Etablissements Bartolotti et Cie Tissages Artisanaux », parce que ça fait chic.
« Tu prends plaisir à choquer ! » affirmait M. Alexandre, le pharmacien.
Mais c’était faux. Mme Bartolotti ne cherchait nullement à choquer. Elle se contentait de prendre ses vêtements au hasard dans sa penderie. Ou alors l’envie de porter du rouge la titillait et comme sa culotte de montagne était d’un magnifique rouge profond, elle l’enfilait.
Mme Bartolotti, Berthe de son prénom, a un vice… Hum… Mme Bartolotti a de nombreux vices mais le plus vicieux d’entre eux c’est sa passion pour les achats par correspondance (heureusement qu’elle n’a pas vécu à l’ère des achats en ligne, son banquier aurai posé sa démission). Elle a ainsi fait l’acquisition de (liste non exhaustive) : « un dictionnaire des animaux en sept volumes, un assortiment de chaussettes pour homme un fil d’Ecosse, un service à thé en matière plastique pour vingt-quatre personnes, un abonnement à une revue de pêche et un autre à une publication naturiste. »
De ce fait, lorsque le livreur toque à sa porte en lui présentant un énorme colis, elle se demande ce qu’elle aurait bien pu commander qui ait besoin d’un emballage de cette taille. Je ne vous spoilerai rien en vous disant qu’il s’agit d’un enfant envoyé par une usine qui fabrique des enfants et lui promettant un produit des plus obéissants et des plus doués. L’enfant, Frédéric, se révèlera en effet à l’antithèse de Mme Bartolotti qui s’attache cependant très vite à lui et entreprend de l’élever, sous la houlette exaspérante de M. Alexandre, son sex friend* bihebdomadaire et l’aide amicale de Sophie la petite voisine délurée, du même âge que Frédéric. Le problème est que l’Usine d’où vient Frédéric, après avoir reconnu une erreur de livraison, se met en tête de le récupérer. Or, tout ce petit monde s’est attaché au garçon et il n’est pas question qu’il reparte !
*Je rassure mon aimable lectorat que Mme Nöstingler ne mentionne jamais de tels termes dans son roman, il s’agit d’une licence poétique de ma part.
Une lecture réjouissante
Je me dois de commencer par vous jurer que le portrait ci-dessus n’est en rien exagéré. Il omet même beaucoup d’aspects de la personnalité de cette chère Berthe (je ne vous ai pas parlé de ses goûts vestimentaires ni de son attrait pour les cigares). Les premières pages du livre sont ainsi très drôles et l’autrice ne lésine pas sur l’excès. Il faut aussi avouer que c’est une mère un peu larguée, sans doute comme beaucoup de parents, même quand leur gosse ne vient pas d’une boite de conserve reçue par inadvertance.
Ensuite, ce qui est très fun c’est la solution trouvée par Sophie pour se débarrasser des employés de l’Usine. Sophie, c’est la gamine délurée vivant à l’étage du dessous (dont les parents sont eux d’un conformisme affligeant, comme quoi les chiens sont capables de faire des chats) qui décide d’être amie avec Frédéric alors que tout le monde le déteste à l’école parce que c’est un fayot et le chouchou de la maitresse.
Mme Bartolotti se souvint aussi qu’elle avait dans son jeune temps toujours d traité son petit voisin, Paul, de « cul merdeux ».
« Pourquoi me conduisais-je ainsi ? songea-t-elle. Je n’étais pourtant pas une enfant méchante, une sale petite morveuse. Probablement étais-je très fière de n’avoir jamais été sale, moi ! «
Mme Bartolotti poussa un profond soupir en se disant que les moqueries d’enfants étaient un problème bien difficile à élucider et que ça n’allait pas être simple de trouver une explication satisfaisante pour Frédéric.
Elle a plus d’un tour dans son sac et entreprend de déconditionner Frédéric de son apprentissage normatif en… lui apprenant des gros mots et à faire des bêtises. Bon… On a du « con » du « salaud », un « fils de truie » et du « merdeux » et si certains parents pourront hausser un sourcil voire deux de surprendre leur progéniture à lire pareil ouvrage, moi* ce qui m’a chagrinée c’est que… ce ne sont pas des insultes bien originales. Par contre du côté des bêtises, on est au poil, Sophie ne manquant pas d’imagination. Et surtout, l’ensemble se fait plus ou moins sous les yeux ébahis du très conforme M. Alexandre qui n’a pas d’autre choix que de laisser faire car lui non plus n’a pas envie que Frédéric retourne à l’Usine.
Ajoutons que les illustrations intérieures sont rigolotes et biens fichues (mon moi du passé n’en a colorié aucune).
*je tiens à souligner que je n’ai pas d’enfant.
Le môme en conserve est une lecture jeunesse à la fois hilarante mais aussi très instructive. A défaut d’apprendre à vos enfants des gros mots très originaux, elle cultivera leur goût de la fantaisie tout en interrogeant les modèles éducatifs, les achats compulsifs, l’importance de l’amitié et de la famille, la méchanceté des enfants, le regard des autres, l’adéquation à la norme… Sur un modèle peu conventionnel.
Informations éditoriales
Roman écrit par Christine Nöstlinger. Publié initialement en 1975. 1982 pour la première publication en français chez Hachette. Traduit de l’allemand par Alain Royer. Titre original : Konrad oder Das Kind aus der Konservenbüchse. Couverture et illustrations intérieur par La Mouche. 217 pages.
Pour aller plus loin
D’autres avis : signalez-vous en commentaire.
Etonnant que ce livre n’ait jamais croisé ma route étant gosse. Et dommage, car je pense qu’il m’aurait énormément plu.
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les voies des livres sur lesquels ont tombe (ou pas) sont impénétrables.
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Je ne connaissais pas mais il a l’air truculent à souhait ce roman 🙂
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Il est rigolo ^^
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Ça a l’air tellement génial ! 😂 Merci pour la découverte (et bravo à ton toi du passé pour sa retenue en termes de coloriage 😆).
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Hihi c’était plus subversif de colorier le Roald Dahl 🤣
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Belle chronique ! Je me souviens de Sacrées sorcières, mais pas du tout de celui-ci.
Est-ce qu’il plairait à Félix ?
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Merci 🙂
Sans doute, je ne sais pas ^^
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Oh la la il a l’air chouette, il faudra que je le rattrape (ne serait-ce que pour savoir si Mini-Vert peut le lire 👀)
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Faut voir à quel point son sens moral est développé, tu risques de perdre le contrôle de son éducation 🤣
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Aucun risque, je n’ai aucun contrôle sur son éducation 😂
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Un mère lucide, les meilleures 👌
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« comme d’autres des plants de cannabis pour leur consommation personnelle » : j’avais copié cette phrase en me disant que c’était une image forte et étonnante, mais finalement, vu la suite, c’est assez sobre et dans le ton. 😄
Est-ce que ton toi du passé a innocemment réutilisé les gros mots appris ici ?
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je m’adapte au livre 😁
Je dis plutôt connard que salaud alors je vais dire que non 🤷♀️
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Merci pour la découverte ! Ca pourrait bien plaire à un de mes neveux qui ne lit pas beaucoup mais qui est à fond dans l’humour
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C’est très drôle en effet ^^
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Trop fort. Je ne connaissais pas. Merci pour la découverte!
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Je t’en prie 😊
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Fun cette histoire. La couverture fait bien années 70’80’ je trouve 🙂
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Les illus intérieures sont à l’avenant ^^
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