Des nouvelles de Bifrost #117 | Alastair Reynolds, Thomas Day, Harlan Ellison, Suzanne Palmer

Ce 117e Bifrost, publié en janvier 2025 par les éditions du Bélial propose un dossier sur Harlan Ellison. Je m’intéresserai dans les présentes impressions aux 4 nouvelles qui ouvrent la revue, à savoir : Capsule d’urgence d’Alastair Reynolds, L’âge des tempêtes de Thomas Day, Jeffty a cinq ans d’Harlan Ellison et Joe 33% de Suzanne Palmer. C’est parti…

Capsule d’urgence d’Alastair Reynolds

Le Sergent Kane est un soldat d’expérience mais cette fois il a été blessé et ne peut être évacué immédiatement. Un mécha médical l’a placé dans une capsule. Il reste en contact avec une chirurgienne qui procède à des opérations à distance. Mais l’évacuation tarde…

Je me réveille dans un espace clos de la taille d’une cabine de douche renversée sur le flanc, le dos soutenu par une surface douce matelassée. Des murs incurvés m’entourent, à portée de main, d’un blanc aseptisé. Ils forment un plafond lisse parsemée de trappes, de renfoncements et d’ouvertures d’où sortent des câbles et des tubes. J’entends le calme ronronnement de pompes, le chuintement et le souffle de l’air qui circule. Depuis la cloison juste au-dessus de mon visage, deux objectifs de caméra stéréoscopique m’observent.
(incipit)

Je me demande si Alastair Reynolds n’est pas en train de devenir pour moi une valeur sûre, voire, mais il est encore trop tôt pour le dire, ce que j’appelle un auteur doudou, le genre d’auteur qu’on lit comme on enfilerait des pantoufles. Texte éminemment sympathique qui prend une dimension carrément transhumaniste au fur et à mesure de la lecture.

Parution initiale en 2012. Traduit de l’anglais par Laurent Queyssi. Titre original : Trauma Pod.

L’âge des tempêtes de Thomas Day

Dans notre futur en proie aux conséquences du réchauffement climatique, Medhi est sexothérapeute pour personnes handicapées. Sa nouvelle richissime cliente souhaite qu’il s’occupe de sa fille autiste.

C’est là, à proximité du mont Valérien, que TotalEnergies a installé son unité d’Habitations Sécurisée parisienne. L’immeuble sombre de six étages, protégé par un haut mur lisse comme du verre légèrement en devers, est massif, conçu pour résister aux phénomènes naturels extrêmes, quels qu’ils soient. Il est presque noir car tout son revêtement extérieur est photovoltaïque. Seules les terrasses sont végétalisées. Les voisins n’ont pas de mots assez durs pour désigner l’ensemble architectural : la Forteresse, le Bunker, la Citadelle Noire.

L’âge des tempêtes parle du pouvoir attractif de l’argent sur ceux qui n’en ont pas et à quel point cela permet aux super riches d’exercer leur domination. Le personnage principal se retrouve confronté à un dilemme : doit-il renoncer à ses principes et empocher la thune qui lui permettra d’améliorer sa condition ?

Par contre, il ne s’agit pas de sexothérapie, mais plutôt d’une forme particulière de travail du sexe. Un sexothérapeute n’est pas là pour donner du plaisir sexuel à ses patients. Pourquoi utilisent-ils ce terme, la riche mère de famille comme le gars ? Est-ce que l’usage du mot a été détourné ? Est-ce que la profession a subi a un glissement de terrain ? Est-ce l’auteur qui ne s’est pas renseigné ? Je ne sais pas. En tout cas , ça rajoute de la gène à ce délicat sujet.

Jeffty a cinq ans d’Harlan Ellison

Quand le narrateur de cette histoire avait cinq ans, il avait un ami du même âge, Jeffty. Sauf que maintenant, il en a 20 et Jeffty a toujours cinq ans. Il est toujours ami avec lui : ils vont au cinéma et il s’intéresse à cet éternel petit garçon , par ailleurs très éveillé intellectuellement. Il faut parfois qu’il se coltine les parents, ultracringes qui ont du mal à aimer cet enfant qui ne grandit pas.

C’était un petit homme grassouillet aux traits mous, avec des yeux pâles qui semblaient incapables de fixer les miens plus de quelques secondes. Durant nos conversations, il ne cessait de changer de position dans son fauteuil et paraissait voir des choses dans les recoins du plafond, des choses que personne ne pouvait voir… ou n’avait envie de voir. Je crois que le mot qui le dépeignait le mieux était hanté. Ce que sa vie était devenue… bref, hanté était l’adjectif qui lui convenait le mieux.

Jeffty a cinq ans est une très belle nouvelle. Elle est vraiment bien écrite, les personnages sont touchants, bien décrits, d’une façon imagée qu’on arrive à se représenter tout de suite, cf la citation. Si toute la production de l’auteur est de cet acabit, je ne comprends pas trop pourquoi il a sombré dans l’oubli.

Parution initiale en 1977. Traduit de l’anglais par Jacques Chambon. Traduction révisée par Olivier Girard. Titre original : Jeffty is Five.

Joe 33% de Suzanne Palmer

Nous suivons Joe, soldat de son état. Suite à des blessures en service, des parties de Joe ont été remplacées par des implants dotés d’une IA perfectionnée. Ces composants discutent entre eux, occasionnellement se disputent ou s’insultent. On assiste à tout cela avec un certain amusement, surtout quand les unités se mettent à prendre des décisions pour assurer la survie de ce soldat pas très doué.

[UNITE::RATE] Moi, si. Je devrais diriger, en raison de cette antériorité ou du moins disposer d’un vote double par rapport aux autres idiots qu’on a ici.
[COEUR] Tu ne saurais rien gérer, Rate, pauvre conne.
[GREFFE::APPAREIL DIGESTIF::INFERIEUR] Hé, vas-y mollo.
[CC] Nouveau Coude, le système externe de diagnostic m’informe que tu viens d’obtenir la note maximale. Je déverrouille donc ton mécanisme physique et je te redonne la parole ; désormais, on te désignera sous le nom de Coude Gauche, pour te distinguer des éléments cubitaux intégrés à l’Unité de Rechange Complète du Bras Droit.
Bienvenue en Joe.

Très fun cette nouvelle, les dialogues entre les implants sont savoureux. On suit avec intérêt les mésaventures de ce soldat, en espérant bien que les implants trouveront le moyen de le faire rester en vie, quitte à ce que ce soit contre son gré.

Parution initiale en 2018. Traduction de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti. Titre original : Thirty-Three Percent Joe.

Informations éditoriales

Revue publiée en janvier 2025 par les éditions Le Bélial’. Illustration de couverture par Jean-Jacques Tachdjian. 200 pages.

Pour aller plus loin

D’autres avis : Au pays des cave trolls, Les lectures du maki, RSF Blog, Quoi de neuf sur ma pile, Les chroniques de Feygirl, ou signalez-vous en commentaire.

8 commentaires sur « Des nouvelles de Bifrost #117 | Alastair Reynolds, Thomas Day, Harlan Ellison, Suzanne Palmer »

  1. Quatre textes très différents, et, pour une rare fois, les quatre happent ma curiosité! C’est fou. Un bon cru, me semble-t-il.

    Je n’avais jamais entendu parlé de Herlan Ellison. 😅

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