Une Heure Lumière | Retour sur l’Année 9

Une Heure Lumière est une collection de novellas créée par les éditions du Bélial en 2016. Depuis elle a pris sa place dans le paysage de les littératures de l’imaginaire. Une place de choix tant par la diversité et la qualité des textes proposés. Etant aux abonnés absents cette année-là (et les suivantes) et n’aimant pas prendre le train en marche, je me suis résolue à rattraper mon retard en les lisant par ordre de parution. J’ai terminé récemment l’année 9 (2024) et je vous propose un petit classement, très subjectif, de ces 7 lectures. Par ordre croissant de préférence.

A ce stade, je n’ai plus que 2 titres de retard. Le rattrapage courant 2025 se précise 🎉

Cette année encore, un Hors Série était offert pour l’achat de 2 titres UHL. La nouvelle qu’il contient s’intitule Comment Quini le Calmar a égaré son Klobučar et a été écrite par Rich Larson. On trouve un Rich Larson très en forme qui sous couvert d’une histoire de vengeance, dresse un worldbuilding si solide pour si peu de pages que cela en devient louche.

Allez, je vous laisse avec mon classement de cette année 9, du moins aimé au plus aimé, comme d’habitude.

7/ Les armées de ceux que j’aime, Ken Liu [UHL #55]

Dans ce futur postapocalyptique, les villes sont à présent mobiles, dirigées par des Pilotes mystérieux que personne ne voit jamais. Dans un environnement pleins de privations avec cependant des reliquats technologiques, Franny Fenway vit en marge de la population. C »est alors qu’un étranger poursuivi entre dans sa vie. Ensemble ils vont chercher à atteindre les Pilotes.

Ce texte était initialement prévu pour une publication en audio exclusivement mais Le Bélial’ s’est engouffré dans une faille juridique révélée par l’auteur lui-même pour parvenir à le faire publier (youy ceci nous est expliqué dans une intro de l’éditeur). Il suffisait de le publier avec un autre texte. Il est ainsi suivi d’Alter, une sorte de poème en prose qui m’est passé complètement au-dessus de la tête.

Quant à Les armées de ceux que j’aime, j’ai aimé certains éléments de l’histoire comme la philosophie que Prudence a inculquée à Franny autour des livres. J’aime toujours bien voir comment les survivants d’une civilisation disparue se réapproprient les artefacts de l’ancien temps et voir ce qu’ils en font, comment ils les comprennent. Et puis un récit qui tourne autour de la force des histoires, c’est toujours bon à prendre. Mis à part ça, je l’ai trouvé sympathique mais pas extraordinaire, un peu difficile à rentrer dedans et j’ai suivi les péripéties de nos protagonistes avec un enthousiasme mesuré.

-On m’a raconté que les livres étaient faits de plaques d’écorce ancienne réunies. Quand les anciens pressaient les histoires entre les plaques, elles se fondaient dans l’écorce, telles des ombres noires.
-C’est triste. Les histoires devraient voler, comme les papillons.
-J’essaie justement de réciter les sorts d’histoire pour les libérer. C’est à tes histoires qu’on te connait.

Traduit de l’anglais (US) par Pierre-Paul Durastanti

➡️Les impressions de Weirdaholic

6/ L’automate de Nuremberg, Thomas Day [UHL #53]

Melchior Hauser, automate joueur d’échec du tsar de Russie est libéré de ses contraintes par la victoire de Napoléon sur l’empire russe. Il entreprend alors un voyage vers sa ville natale, Nuremberg, pour retrouver son père et répondre à cette question qui le taraude : a-t-il une âme ?

Ce texte est très plaisant à lire. On y retrouve le goût pour le voyage de son auteur : de la Russie à l’Angleterre en passant par Nuremberg, jusqu’au Sénégal. La dimension historique de ce récit uchronique est aussi passionnante : l’automate joueur d’échec, l’énigmatique histoire de Kaspar Hauser, l’uchronie autour de la victoire de Napoléon, le colonialisme ou encore la création du chemin de fer en Afrique. Dans ce contexte, Thomas Day explore les limites de l’âme humaine et l’impossibilité de répondre à cette question. Cependant, je m’interroge s’il n’y a pas trop d’éléments dans cette histoire surtout eu égard à son nombre de pages. J’en ressors un peu frustrée.

Ai-je une âme ? L’avais-je quand j’ai été conçu ? Ou a-t-elle commencé à se développer dès lors que mes capacités mémorielles ont été décuplées ? Jamais, je ne pourrai répondre à ces questions.

➡️Les impressions de Gromovar

5/ Kid Wolf et Kraken Boy, Sam J. Miller [UHL #52]

Cette histoire se passe dans les années 1920 dans le milieu Juif de la boxe et de la mafia à New York. Les chapitres alternent entre le point de vue de Kid Wolf, boxeur, et de Kraken Boy, tatoueur. Ils vont se rencontrer grâce à Hinky, la Reine des Gangsters. Celle-ci a de sérieuses ambitions : se servir des tatouages magiques de Kraken Boy d’une part pour faire monter en puissance Kid Wolf, d’autre part pour offrir ses appuis aux grévistes en quête de justice sociale. En parallèle, les deux hommes vont développer des sentiments et une attraction l’un pour l’autre.

Quand j’entrais dans le Gymnase Cohen, je respirais à fond, je sentais le cuir et le café bouilli, la sueur fraîche et les sécrétions aigres, l’odeur de plusieurs dizaines d’hommes et de femmes en mouvement. Tous affamés, désespérés, joyeux. Et j’adorais ça, Dieu me vienne en aide. Ce monde déchu, brisé, monstrueux. Les gens formidables qui s’y frayaient un chemin. Cahin-caha.

J’ai beaucoup aimé cette novella rythmée aux chapitres très courts. Kid Wolf et Kraken Boy sont très attachants dans leur histoire, leurs failles et leur relation. Comme il le signale dans les remerciements, l’auteur s’est beaucoup documenté sur cette époque et ce milieu. Il ajoute une dimension fantastique à l’Histoire, qui pourrait bien faire basculer le futur.

Traduit de l’anglais (US) par Michel Pagel.

➡️Les impressions de Boudicca

4/ De l’espace et du temps, Alastair Reynolds [UHL #50]

John Renfrew est le seul être humain vivant que ce soit sur Terre ou sur Mars. Non content d’être désespéré, il s’ennuie colossalement Sous l’instigation d’un mystérieux pianiste chelou, il se met à étudier le cosmos pour s’occuper l’esprit. C’est alors qu’il capte un signal radio.

Cette novella est une sorte d’expérience de pensée sur le temps et l’espace, poussée à son paroxysme. Comme Alastair Reynolds sait le faire, on éprouvera de fortes sensations vertigineuses de sense of wonder. Qui plus est le texte est facile lire, fun et réjouissant intellectuellement. On n’en attend pas moins de l’auteur.

Manipuler les concepts de la cosmologie classique requérait de l’imagination, mais également une capacité à considérer l’espace et le temps comme les différentes facettes d’un même objet.

Traduit de l’anglais (US) par Laurent Queyssi. 

➡️Les impressions de la navigatrice de l’imaginaire

2&3/ La marche funèbre des marionnettes[UHL #51] & Les fils enchevêtrés des marionnettes [UHL #54], Adam Troy Castro

Il m’est difficile de dissocier ces 2 lectures dans mon esprits, alors j’ai choisi de les garder ensemble.

La marche funèbre des marionnettes : Sur Vlhan, chaque année, Alex Gordon assiste au Ballet des Vlhanis, une performance artistique à très grande échelle mettant en scène 100 000 Vlhanis dont aucun ne sortira vivant. En effet, les Vlhanis sont des espèces de sphères dotées de multiples flagelles très puissantes et ils finissent par s’entre-déchirer avec durant la danse ou à mourir de fatigue. Insoutenable et fascinant, ce rituel inexplicable est suivi par tout le monde sentient. 

Les fils enchevêtrés des marionnettes : Après les évènements du premier opus, les humains se bousculent pour participer au macabre Ballet. Dans ce contexte, Paul Royko est shooteur de neuropics. Il est chargé de retransmettre le Ballet  à celleux qui ne sont pas sur place. Il s’intéresse plus particulièrement à une participante Shalakan qu’il aimerait interviewer. Il va faire la connaissance de Dalmo, le mari de Shalakan, très investi dans le Ballet mais dont les augmentations ont raté ce qui le rend complètement inapte à participer. 

C’était dans la troisième année de mon contrat d’engagement que je sauvai Isadora du Ballet suicide des marionnettes.
(incipit, La marche funèbre des marionnettes)

Les deux titres forment un diptyque captivant qui parle des profondes incompréhensions qui peuvent animer des espèces totalement différentes. C’est violemment questionnant.

Traduit de l’anglais (US) par Benoit Domis.

➡️ Mes impressions

1/ Sweet Harmony, Claire North [UHL #49]

Harmony Meads vit sa parfaite vie, avec son petit ami, son travail et surtout son corps sans défaut, grâce à la technologie de Fulllife son prestataire santé qui lui fournit moult extensions pour ses nanos. Mais les dits nanos ont un coût. Harmony s’est endettée, beaucoup. Et la descente aux enfers commencent avec un bouton d’acné sur son visage : les nanos se désactivent les uns après les autres.

Ses yeux sont gris-vert. Elle a un grain de beauté sur l’épaule gauche, qui sera dissous par ses nanos lorsqu’elle aura vingt-six ans, pour lui laisser une peau soyeuse parfaite, et commencera à repousser avec une touffe de poils noirs au milieu lorsqu’elle en aura vingt-neuf.

Quel texte incroyable. D’un côté, il est drôle car écrit avec une ironie mordante. Les petits inserts, dont le ton m’a quelque peu fait penser aux épigraphes d’Ubik, présentant les différentes extensions auxquelles cette pauvre Harmony a souscrit sont hilarants. D’un autre côté, l’artificialité de la vie d’Harmony est pathétique et la situation inextricable dont elle est la victime est d’une tristesse.

Claire North file une satyre méthodique jusquauboutiste de la société de consommation et de l’injonction au corps parfait. On aimerait pouvoir en rire, on ne peut qu’y réfléchir pour y trouver les travers de notre société actuelle. Regarder en parallèle le film de The Substance.

Traduit de l’anglais par Michel Pagel.

➡️Les impressions de Zoé

Et vous ? Quels sont vos UHL préférés de l’année 9 ? Ceux qui vous font le plus envie ?

14 commentaires sur « Une Heure Lumière | Retour sur l’Année 9 »

  1. Coucou ! En lisant ton avis sur La marche funèbre des marionnettes, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai instantanément pensé au film que j’ai vu il y a tellement longtemps 0n achève bien les chevaux d’après l’œuvre d’Horace Mc Coy, dans un contexte évidement tout à fait différent. C’est bizarre ces associations que l’on fait. Bonne journée !

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  2. Je n’en ai lu aucun – sauf le HS, tu le placerais où d’ailleurs ? – mais j’ai au moins les 5, voire 6, premiers de ta liste dans le viseur, le Sam J. Miller en tête. Je ne crois pas en avoir déjà eu autant, c’est vraiment une belle cuvée niveau tentation. ^^

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  3. Une belle année où seul le Ken Liu m’a déçu.
    Adam-Troy Castro et Claire North me sont « favorables » donc aps de surprise de ce côté là. Par contre Sam Miller m’a surpris et fait aimé un texte qui ne devait pas être pour moi.

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  4. Maintenant que je suis à jour, je peux te dire que mon podium serait sûrement identique, et je pense que le Ken Liu ne serait pas loin derrière (j’ai du mal à mettre le doigt dessus mais il m’a charmé d’une certaine façon).

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