
Il est difficile de voir la cité des êtres divins autrement que comme un désastre en devenir. Mais les Thaïs sont entêtés et se sont battus pour protéger de la noyade leur cité sainte de Krung Thep. A l’aide de pompes alimentées au charbon, du barrage et d’une fois profonde dans la conduite visionnaire de la dysnatie Chakri, ils sont jusqu’à présent parvenus à retenir ce qui a englouti New York et Rangoon, Mumbai et la Nouvelle-Orléans.
Dans ce background poussé et, malheureusement pour les générations à venir (et peut-être pour nous aussi déjà) fort réaliste, on suit l’histoire de différents personnages : Anderson, occidental aux dents longues qui travaille pour le compte d’une grosse multinationale et qui voit dans la banque de semences des Thaïs une mine d’or dont il faut s’emparer ; Hock Seng, contre-maître yellow-card (réfugié malais au statut particulièrement précaire) dans l’usine de piles gérée par Anderson ; Jaidee, capitaine des « chemises blanches », force du Ministère de l’Environnement qui terrorise la ville et accumule les pots-de-vin, ainsi que Kanya, son lieutenant. Et bien sûr Emiko, la fille automate, créée pour satisfaire les désirs des hommes. Abandonnée en Thaïlande par son maître japonais, elle se retrouve dans un bordel sordide où elle perd chaque jour sa dignité. Jusqu’à ce qu’on lui parle des automates qui vivent libres dans les montagnes.
Mizumi-sensei les a tous présenté à Misuko Jizo Bodhisattva, dont la compassion s’étend même au Nouveau Peuple, et qui les cachera dans ses manches après leur mort et les fera sortir de l’enfer des jouets génétiquement conçus pour les mener dans le véritable cycle de la vie. Le devoir de servir, l’honneur de servir avec pour toute récompense une vie prochaine, devenir totalement humains. Servir apporterait la plus grande des récompenses.
La bagarre s’étend dans la rue. Emiko ramasse les ordures pour s’en recouvrir. Derrière elle, du verre se brise. Quelqu’un hurle. Elle
se recroqueville contre une caisse démantelée de ToutTemps, assemblant des détritus autour d’elle, des pelures de durian, le chanvre arraché d’un panier, des feuilles de bananier, n’importe quoi pour la cacher. Elle s’immobilise et se baisse quand les émeutiers pénètrent dans l’allée en hurlant. Partout où elle regarde, elle ne voit que des visages déformés par la haine.
2012 pour la traduction française aux éditions Au Diable Vauvert.
Traduit de l’anglais (USA) par Sara Doke
Titre original : The Windup Girl
595 pages.
Ce roman a reçu le Prix Hugo du meilleur roman, le Prix Locus du meilleur premier roman et le Prix John Wood Campbell Memorial en 2010.
