
Les Enfants de Dune est le troisième tome du cycle de Dune. Il a été écrit par Frank Herbert. Paru aux US en 1976, il a été publié en français en 1978 chez Ailleurs & Demain, dans une traduction de Michel Demuth. Ailleurs & Demain poursuit ses reparutions de la saga en format collector, ce troisième volume est sorti en janvier 2022. Ne cédez pas à l’Abomination et suivez-moi jusqu’à Jacurutu…
Les Enfants de Dune édition collector
Outre sa belle couverture cartonné avec marque-page intégré, cette édition propose :
- La traduction de Michel Demuth, révisée par L’épaule d’Orion et Fabien Le Roy
- La préface de Sylvie Denis
- En annexe, le lexique de l’Imperium et la carte de Dune
- La postface de Natacha Vas-Deyres
La préface de Sylvie Denis revient sur son expérience de lecture dunienne (et l’odeur de colle de ses exemplaires (no judging)), les procédés narratifs d’Herbert et livre quelques réflexions sur les apports et défauts de la saga. La postface de Natacha Vas-Deyres propose une analyse des Enfants de Dune.
Contexte narratif
Nous sommes neuf ans après la fin du Messie de Dune. Rappelons qu’il se concluait sur la naissance des jumeaux, Ghanima et Leto, leur mère mourant en les mettant au monde (George Lucas, je te vois, vil copiteur 👀). Quant à Paul, en proie au doute et noyé de chagrin, s’en va dans le désert, a priori pour y mourir (ha oui, il est aveugle aussi, à cause d’un attentat, c’est pas parce qu’on est un dieu vivant qu’on a de la chance dans la vie).
Les quelques 200 premières pages sont assez douloureuses à lire. L’auteur nous assaisonne régulièrement d’un discours ésotérico-mystico incompréhensible portés par ses personnages. La mise en place est extrêmement lente avec des chapitres pourtant d’une importance cruciale. Début de lecture en dents de scie. Cela s’éclaire par la suite.
« L’Eglise et l’Etat, Mon Prince, de même que la foi et la raison scientifique, et même plus encore : la tradition et le progrès – tout est réconcilié dans les enseignements de Muad’Dib. Ils nous disent qu’il n’existe pas d’opposés absolus sinon dans les croyances des hommes et, parfois, dans leurs rêves. On découvre le futur dans le passé et l’un et l’autre sont une partie d’un tout »
Le roman offre des scènes aussi incroyables qu’elles sont décrites avec une économie de mots qui rend leur visualisation par le lecteur très personnelle (cette scène de défenestration !, les scènes impliquant les super-pouvoirs de Leto !).
Les Enfants de Dune est centré sur deux types d’enjeux :
- politiques
- écologiques
et nous allons voir ensemble de quoi il retourne plus précisément.
Enjeux politiques
On ne va pas se cacher : ça se complique. On a toujours des complots et une politique complexe mais dans Les Enfant de Dune, ça passe au level supérieur. En effet, dans les deux premiers livres, les Atréides sont très soudés et font front face aux Harkonnen et l’Empereur. C’est leur grande force. Mais c’est fini tout ça : la maison Atréides sombre dans la dissension et il faut ajouter quelques complots internes aux menaces extérieures :
- Jessica, de retour sur Dune, semble être rentrée dans le rang du Bene Gesserit. Elle est soupçonnée de vouloir donner les jumeaux au Bene Gesserit pour les accoupler. Mais que signifie son rapprochement avec la maison Corrino ?
« Si vous écartez ceux dont les rapports sont exacts, remarqua Jessica d’une voix douce, il ne vous restera que ceux qui savent ce que vous voulez entendre. Pour moi, il n’est rien de plus toxique que de croupir dans la puanteur de ses propres reflets. »
- Alia cède à l’Abomination et laisse le Baron Harkonnen à l’intérieur d’elle prendre le dessus. Sauf que le Baron Harkonnen ne veut pas du tout du bien aux Atréides.
- La maison Corrino, dont est originaire l’Empereur destitué par Paul à la fin du premier volume, quoi que reléguée sur Salusa Secundus, fomente son petit complot des familles pour tuer les jumeaux et récupérer le pouvoir.
Irulan l’avait compris. Elle avait rejeté son fameux maintien Bene Gesserit pour hurler davant le Conseil : « Nous avons perdu le pouvoir de penser sainement de nous-mêmes ! «
- Qui est ce Prêcheur aveugle qui critique ouvertement la décadence de la religion de Muad’Dib ? Pourrait-il être Paul, revenu déstabiliser l’Empire qu’il a lui-même construit ?
- Quant aux jumeaux, ils n’entendent pas du tout se laisser manipuler par ce beau monde et, forts des souvenirs de milliers de générations, ils vont tracer leur chemin, en direction du Sentier d’Or. Enfin surtout Leto II, parce que Ghanima est une fille et que, bon, faut pas pousser, elle est moins forte que son frère et puis les filles ça fait des enfants et puis c’est tout.
Leto se leva et ajouta : « Il est certaines actions qui ont une fin et pas de commencement, alors que d’autres commencent pour ne pas s’achever. Tout dépend de la position de celui qui observe. »
Enjeux écologiques
Je trouve que les enjeux écologiques prennent ici une place plus centrale que dans les précédents. Absents du second tome (ou alors ça ne m’a pas marqué ?), très présents dans le premier mais davantage pour nous faire découvrir le « système Dune » et la possibilité des déséquilibres qui peuvent s’y installer. Ici on voit les déséquilibres à l’oeuvre et les conséquences de l’instabilité.
Souvenons-nous que Liet Kynes, le planétologue impérial avait insufflé un grand programme visant à verdir Dune. Le problème c’est qu’on a besoin que Dune soit un désert pour maintenir le cycle du ver des sables. En gros si on résume : plus de vert = moins de vers. Et c’est une catastrophe à l’échelle galactique puisque l’Epice ne peut être produit que sur Dune (toute tentative d’exporter les truites ou les vers des sables ailleurs échoue lamentablement) et que l’Epice est indispensable aux voyages spatiaux. Dans Les Enfants de Dune, cette transformation est si avancée que lorsque des voix s’élèvent pour la dénoncer, il semble déjà trop tard pour revenir en arrière. Toute ressemblance avec une situation existante serait purement fortuite.
Tout en se déployant, lentement, le courant de sa conscience l’emporta au-delà d’un dernier écran de verdure, et là, par-delà les vagues basses des dunes, là, à moins d’un kilomètre de l’ultime trait de craie d’une falaise, il vit le bourgeonnement vert de l’avenir, gonflé, s’écoulant en une verdure infinie, qui enflait et s’épandait, vert et vif, vert et vertical, éternel.
Evidemment, on pourrait se dire qu’il s’agit surtout d’une catastrophe pour l’impérialisme planétaire en place. Disons que les voyages spatiaux ne sont en soi pas indispensables. Mais on peut imaginer que les planètes ayant tellement l’habitude d’importer et exporter divers produits se soient rendues très dépendantes les unes des autres. Un peu comme notre mondialisation à nous qui fait que la guerre en Ukraine entraine des hausses de coût sur des tas de denrées de première nécessité partout dans le monde.
On en apprend aussi davantage sur le cycle du ver des sables, qui nous est expliqué plus avant et qui est d’une importance capitale pour le récit. Evidemment pour les raisons écologiques dont je parle au paragraphe du dessus. Mais surtout pour ce que cela implique de l’évolution de Leto, qui est vraiment complètement dingue. Je m’en rappelais encore de ma précédente lecture (il y a près de 20 ans) mais le relire reste tout aussi incroyable. J’avais par contre complètement oublié les passages supermanesque de la fin de l’histoire qui pourront paraitre ridicules si on n’est pas trop dans le récit.
Après deux cents pages de lecture en dents de scie, Les Enfants de Dune prend son envol pour un récit qui nous emmènera encore plus loin dans les complots politiques et le fonctionnement de l’écologie dunienne. Si les deux premiers tomes se suffisent à eux-mêmes, quand on a glissé le doigt dans l’engrenage dunien, il est difficile de prendre la décision de s’arrêter en si bon chemin.
L’Empereur-Dieu de Dune dans sa version collector sort le 9 juin 2022.
Informations éditoriales
Roman publié initialement en 1976. 1978 pour la traduction française par Michel Demuth dans la collection Ailleurs & Demain de Robert Laffont. Titre original : Children of Dune. 2022 pour cette édition, avec une traduction révisée par L’épaule d’Orion et Fabien Le roy. Complétée d’appendices, de 2 préfaces et d’une postface. Design de la couverture par Alex Trochut. 547 pages.
Pour aller plus loin
Sur le blog : Dune, Frank Herbert (version collector). Le messie de Dune. Dune – première partie, Denis Villeneuve. 2 ouvrages sur Dune.
D’autres avis : Les chroniques de FeyGirl, Les blablas de Tachan (pour les 5 volumes), Docteur Fatale ausculte l’imaginaire, ou signalez-vous en commentaire.
Ça me donne super envie de les relire ! Surtout que je me suis procurée ces versions collectors…
Et tu me fais me rendre compte que pour moi aussi ça fait 20 ans (un peu plus) que je les ai lu 😅
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On est vieilles 🧓 XD
Je ne peux que t’y encourager, jusqu’ici l’expérience a été très satisfaisante pour moi.
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Je viens de lire le tome suivant, que j’ai trouvé encore meilleur !
Notamment, il n’y a pas ces réflexions un peu absconses.
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C’est une très bonne nouvelle ! Je me posais justement la question sur les aspects mystico-abscons.
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J’ai fini de rédiger la chronique, et je pense la publier demain : tu verras que je l’ai beaucoup apprécié.
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Ok ! Mais je la lirai quand j’aurais lu le livre (j’attends la sortie de l’édiction collector, j’espère lui trouver un slot de lecture durant l’été)
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« Le ver dure » : ce jeu de mots ne paye pas de mine mais il est assez exceptionnel (et j’ai réussi à le comprendre avant de lire ton billet 🙋♂️).
« les scènes impliquant les super-pouvoirs de Leto » : donc si Disney rachète le studio faisant « Dune », on peut voir Leto dans le prochain Avengers ? 👀
La partie écologique, et ses échos pleinement actuels, paraît vraiment impressionnante, surtout vu la date de parution.
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Mon seul regret c’est que le terme verdure soit un féminin, fichue langue qui genre les objets et les concepts.
Mais tellement, ce serait limite trop bien un film Superman vs Leto. J’ai hâte de voir s’il va continuer sur sa lancée dans la suite. Par contre je ne sais pas quelle mouche a piqué Herbert parce que c’est quand même un peu WTF. Un amateur de comics peut être.
Oui, c’est impressionnant. Mais comme quoi il est vraisemblable de penser que des système fort différemment puissent en fait fonctionner de la même façon. Car je ne pense pas qu’on parlait beaucoup de réchauffement climatique à l’époque (ou juste dans des milieux scientifiques poussés).
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Merci pour le partage 🙂
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Avec plaisir 🙂
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« Le ver dure » et « plus de vert = moins de vers » 👀
Bon ça a l’air très riche, tout ça. Pas que ça ne me donne envie de retenter, mais le fond ne manque clairement pas.
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😬
Oui c’est très riche ^^
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Un jour je relirais tout ça.
Je crois que celui qui m’a le plus marqué c’est le suivant 🤔
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Aucun souvenir du suivant pour ma part¯\_(ツ)_/¯ C’était plutôt les premiers qui m’avaient marqué.
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J’étais étonnée du chemin que prenait Le Messie de Dune (même si vu le titre du troisième tome, je pouvais m’en douter), je pensais qu’on suivrait Paul bien plus longtemps. Contente de savoir que Jessica revient, elle m’a manqué dans le tome 2, et contente de rencontrer d’autres maisons et que le Bene Gesserit soit davantage présent.
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Le Bene Gesserit n’est présent que par l’entremise de Jessica, dont les intentions sont peu claires : on ne sait pas si elle suit les desseins du Bene Gesserit ou les siens propres.
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D’accord, c’est bon à savoir 🙂
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bon, je m’étais dit que je lirais à minima le tome 1 avant la sortie du film… et puis badaboum, peu de temps de lecture, peu d’envie et maintenant plus envie. Je ne dis pas que ça ne peut pas changer, mais pour l’instant, je vais me contenter des films et du Dune de C’est plus que la SF ^^
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Peut être à l’approche de la sortie du 2eme film ?
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Le messie m’a pas mal calmé dans mes ardeurs duniennes mais voilà que je lis cet article et qu’une soudaine envie d’Epice me monte au nez ! « quand on a glissé le doigt dans l’engrenage dunien, il est difficile de prendre la décision de s’arrêter en si bon chemin. » il semblerait…
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Parce que tu l’as trouvé moins bien ou parce qu’il t’a suffit ?
Celui-ci est clairement plus dispensable mais procure cependant sa dose d’Epice. faut juste s’accrocher au début. Normalement je lis le suivant en aout 🤞
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J’ai eu plus de mal car il glisse de plus en plus vers un ésotérisme qui me sort un peu de l’histoire. Il y a aussi moins d’action. Plus court, mais plus difficile à lire je trouve.
Quand je vois que « les enfants » met 200 pages à démarrer, ça me fait un peu peur quand même. Mais l’édition serait tellement belle sur mon étagère…
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Aïe en effet c’est mal barré pour Les enfants de Dune alors… Les machins mystico-ésotériques pleuvent.
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