Des nouvelles de Bifrost #103 | Sylvie Denis, Sam J. Miller, Olivier Caruso, Peter Watts, Thomas Day

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Ce 103ème Bifrost publié en juillet 2021 propose un dossier sur l’autrice, essayiste, anthologiste et traductrice Sylvie Denis. Je m’intéresserai dans les présentes impressions aux 5 nouvelles qui ouvrent la revue, à savoir : Contaminations de Sylvie Denis, 57 raisons qui expliquent les suicides de la carrière d’ardoise de Sam J. Miller, Chacal d’Olivier Caruso, Test d’écho de Peter Watts et Le palais du désert de Thomas Day. C’est parti…

Contaminations, Sylvie Denis

On suit la vie d’Aurore dans trois temporalités différentes (2052-2063-2073). Notre monde se meurt  de ce que l’être humain en fait : réchauffement climatique, catastrophes écologiques, monopole des semences, envahissement indispensable de technologies coûteuses… Elle et sa famille sont allés vivre à la campagne tenter de construire une ferme loin des pesticides, semences copyrightées et autres abeilles-drones. Lutte qui s’avère de plus en plus difficile, avec la nécessité de la débrouille pas forcément super licite ni super ogm-free. Faut s’adapter pour survivre.

J’ai trouvé que ce texte résonnait fort avec la série télé Years and years, de Russell T Davies, dans sa description d’un futur ultraréaliste par rapport à notre situation actuelle, de son ancrage familial et dans l’usage de l’ellipse temporelle pour nous montrer par à-coups ce que dans la réalité on ne peut percevoir que dans la continuité. Daryl Gregory utilise le même procédé dans Les neuf derniers jours sur Terre, là sur l’espace de 100 ans divisés en 9 ellipses. C’est décidé, j’aime bien ce procédé.

Aurore avait commencer par refuser d’accompagner ses fils à la foire d’automne. Sortir, pour la première fois depuis la cérémonie. Pour quoi faire ? S’ennuyer ? Supporter les mines désolées de leurs amis ? Elle n’était pas désolée. Elle était en colère. Et triste comme les pierres. Et l’univers dans sa totalité lui paraissait aussi superflu qu’un manteau de fourrure à l’équateur.
(incipit)

57 raisons qui expliquent les suicides de la carrière d’ardoise, Sam J. Miller

Point par point. Raison par raison. 57 exactement (dont les deux dernières m’ont bouleversée et je jure c’est pas un piège à clic). Jared Chumsky, gay, harcelé par les autres membres de son équipe de natation, ami avec Anchal harcelée aussi parce qu’elle le protège, explique le « suicide » de ses coéquipiers. 

Une nouvelle percutante tant sur le fond que sur la forme et dont il est impossible de ne pas s’imaginer qu’elle a pu, d’une façon ou d’une autre s’inspirer de la série télé Netflix 13 reasons why. Plus directement car il est nommément cité dans le texte, elle se réfère à Carrie de Stephen King et à Hog-Frog d’Edgar Allan Poe. Sachant cela, je n’ai même plus besoin de vous parler des thématiques évoquées. Dans tous les cas, c’est le texte le plus frappant de ce numéro.

10. Parce que Carrie au bal du diable est passé ce soir-là à la télévision.

Publication initiale en 2013. Traduit de l’anglais [US] par Laurent Queyssi. Titre original : 57 Reasons for the Slate Quarry Suicide.

Chacal, Olivier Caruso

Dans le futur de Chacal, même les morts travaillent. Dans une sorte de mine d’où ils extraient de la poussière de diamant qui se forme quand leur ectoplasme (ok on n’est pas dans Ghostbusters, il parle de photons) disparait définitivement. La forme ultime de l’économie circulaire. Bon ça a l’air un peu chelou comme ça, j’ai d’ailleurs eu un peu de mal à entrer dans l’histoire. 

Les riches vivants s’évitent la mine en s’implantant un petit dispositif très couteux. Le récit est raconté à deux points de vue : un gars qui est mort juste avant d’avoir reçu son dispositif et qui donc finit à la mine et un autre qui vend les dits dispositifs (ça s’appelle un impulseur en vrai) mais qui n’est pas assez riche pour pouvoir s’en payer pour lui et sa famille. 

Du même auteur, j’avais beaucoup aimé la nouvelle publiée dans un Bifrost précédent, Par les visages, malheureusement, malgré un concept intriguant, l’histoire ne m’a pas particulièrement emballée

Un faux mouvement, son ami Markus a renversé le shot et les flammes ont couru sur le bar. Daniel meurt une nuit d’avril, dans une boîte à concert chic parce que clandestine. Il a vu le feu tomber en gouttes jaune-orange sur le sol, lécher les bouteilles de mauvais whisky stockées à terre. Il s’est tourné vers la sortie, mais il savait déjà qu’il allait mourir là. Aucun doute.
(incipit)

Test d’écho, Peter Watts

Lange et Sansa sont en mission pour trouver des signes de vie extraterrestre sur Encelade. Leur sonde ultrasophistiquée, Méduse, a un bras qui déconne et, dans ses tentatives à s’adapter à la situation, celui-ci se met à donner des signes de vie autonome.

Ce que je pensais être une nouvelle de premier contact finit par dévier de sa trajectoire, deux fois, pour devenir une histoire d’A.I. qui refuse de mourir. C’est assez hard SF et Peter Watts ne s’embarrasse pas d’explications et mon résumé est ma foi fort simpliste. La nouvelle est intéressante, peut-être un peu foutraque. Ca fait au moins 4 nouvelles isolées que je lis de l’auteur, il va sans doute être temps que je passe à un recueil ou un roman, histoire d’avoir une vision (pas aveugle) d’ensemble et remettre de l’ordre dans tout ça.

Six jours avant qu’il n’y ait plus d’argent, Méduse se prit un bon coup de pied au cul d’Encelade.
(incipit)

Publication initiale en 2020. Traduit de l’anglais [US] par Gilles Goulet. Titre original : Test 4 Echo.

Le Palais du désert, Thomas Day

Un père mourant emmène son fils voir le Palais du désert. Il lui raconte l’histoire étonnante de sa construction par une sorte de vaisseau extraterrestre, venu et reparti sans explication. 

Le texte est joli et l’histoire du vaisseau passionnante. Mais je n’ai pas pigé la fin. Ce qui fait que j’ai un gros sentiment de trop peu, en mode : ouske cela nous mène, y a quelque chose qui m’échappe. Dommage.

J’avais neuf ans et demi, presque dix, quand mon père m’a emmené voir le Palais du désert.
C’était l’année de sa mort, mais j’ignorais alors qu’il souffrait d’un cancer, que ce serait notre première et dernière grande aventure.
(incipit)

Informations éditoriales

Revue publiée en juillet 2021 par les éditions Le Bélial’. Illustration de couverture par Pascal Blanche. 192 pages.

Pour aller plus loin

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11 commentaires sur « Des nouvelles de Bifrost #103 | Sylvie Denis, Sam J. Miller, Olivier Caruso, Peter Watts, Thomas Day »

  1. Hormis le texte de Miller, je dois dire que je suis restée sur ma faim avec les nouvelles de ce Bifrost qui ne me parlaient pas plus que ça en tant que lectrice 😦 tu me diras, ça arrive ! Mais comme c’était la première fois, ça m’a frustrée ._.

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  2. « 57 raisons qui expliquent les suicides de la carrière d’ardoise » : ce titre claque tellement. Et en plus le texte a l’air de claquer lui aussi, c’est si satisfaisant.

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  3. Je plussoie Barrona sur le titre des « 57 raisons » qui claque, d’autant qu’on peut le lire comme si c’était la carrière qui s’est suicidée (et plusieurs fois en plus 🤣). Bon, je ne lirai jamais ce numéro, mais ça a l’air intéressant niveau textes.

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