Une Heure Lumière | Retour sur l’Année 7

Une Heure Lumière est une collection de novellas créée par les éditions du Bélial en 2016. Depuis elle a pris sa place dans le paysage de les littératures de l’imaginaire. Une place de choix tant par la diversité et la qualité des textes proposés. Etant aux abonnés absents cette année-là (et les suivantes) et n’aimant pas prendre le train en marche, je me suis résolue à rattraper mon retard en les lisant par ordre de parution. J’ai terminé récemment l’année 7 (2022) et je vous propose un petit classement, très subjectif, de ces 6 lectures. Par ordre croissant de préférence.

Malgré les efforts de l’éditeur pour déjouer mes plans, je me rapproche inexorablement du rattrapage. L’an dernier j’avais 9 titres de retard, cette année 7. On dira que je dois aux hasards du calendrier de publication UHL cette progression ridicule. Parce que sinon dans 3 ans j’y suis encore. Mais réjouissons-nous car cette année est la première où je lirai un titre sorti dans l’année : en décembre j’attaque Le maître, le troisième tome de la Maison des Jeux de Claire North, sorti en janvier.

J’ai lu ce mois le HS 2022 qui contient une nouvelle de Priya Sharma (Ormesadow), Des bêtes fabuleuses. Lola grandit avec sa mère et sa cousine Tallulah en prenant conscience qu’elle est dotée d’une capacité pour le moins hors du commun… Alors que son père abuseur revient à la maison, prendra-t-elle la pleine mesure de cette capacité ?

Le texte est malaisant et ne donne pas envie de l’apprécier. Mais il est écrit par Priya Sharma alors qui suis-je pour lutter contre cette plume de haute volée, ce sens de la narration et cette fin d’une violence réjouissante ? Je suis personne et je veux plus de Priya Sharma.

Une fois encore une excellente année UHL, ça en devient fatiguant à la fin, alors je vous laisse avec mon classement des titres de l’année, de celui que j’ai le moins aimé (mais tout est relatif) à celui que j’ai plus apprécié.

6/ L’héritage de Molly Southbourne, Tade Thompson [UHL #41]

Nous retrouvons les molly pour cet ultime volet de Molly Southbourne. Molly s’est installée avec ses clones et a ouvert un gymnase. Elle suit une thérapie mais en ne disant pas toute la vérité à sa psy (en même on la comprend…). Le chemin de la reconstruction semble sur la bonne voie. Mais son passé la rattrape car on va les traquer à nouveau, elle et ses « sœurs ».

Ce troisième volume est très rythmé, avec une bonne vibe thriller, et se lit sans déplaisir. La novella n’est pas avare en révélations. Le premier tome restera pour moi un des meilleurs titres de la collection. Les deux suites sont prenantes et j’ai pris plaisir à retrouver les mollys mais elles sont clairement plus dispensables (les suites, pas les mollys).

Je suis parvenue à le dire, mais je n’ai pas pu l’expliquer à quiconque de façon satisfaisante, dit Molina. Il y a en moi, tout au fond de moi, en dessous de l’humanité, en dessous de la civilisation, en dessous du cerveau reptilien, appelez ça comme vous voulez, sous tout cela il y a un réservoir de colère et de souffrance qui bouillonne et qui s’agit. Ce n’est pas de la colère normale. J’ai vu des gens se mettre en colère, et ça me semble… mignon. J’ai vu d’autres gens se battre. J’ai vu des matchs de boxe et j’ai vu des combats de rue. J’ai vu du sexe violent et des violences sexuelles. Des gens suffisamment furieux pour oublier les conventions sociales et libérer la bête qui est en eux. Je n’ai jamais rien vu qui approche de près ce que je ressens dans mon for intérieur. Et j’ai peur. J’ai peur de tuer tout le monde.

Traduit de l’anglais par Jean-Daniel Brèque.

➡️Les impressions d’Anne-Laure

5/ Un an dans la ville-rue, Paul Di Filippo [UHL #37]

La Ville-Rue est une immense cité à la géographie très particulière puisqu’elle ne comporte qu’une rue gigantesque bordée par un chemin de fer d’une part et un fleuve d’autre part. Diego est écrivain de cosmos-fiction et vit à Vilgravier, un des innombrables quartiers de l’interminable cité. Il a pour amante une pompière haute en couleur, vivote en publiant ses nouvelles dans des revues spécialisées et va régulièrement visiter son père qui est mourant.

J’ai beaucoup aimé l’ambiance de cette novella et son étrangeté mêlée d’éléments extrêmement quotidiens, ainsi que la réflexion sur la littérature, la littérature de genre et la perception qu’on peut en avoir. Je me suis cependant sentie un peu à côté de ce texte lors de ma lecture, c’est en y repensant dans l’après-coup qu’il bonifie dans mon souvenir.

➡️Les impressions de Vert.

On était en février, et son père, qui ne parlait plus que de sa mort prochaine, jurait à tort et travers qu’il voyait des volées de Bouledogues se masser pour lui régler son compte, petites taches aux ailes loqueteuses flottant tel des flocons de cendre dans les fumées fulgurantes des confins septentrionaux du monde.
(incipit)

4/ Le serpent – La maison des jeux 1, Claire North [UHL #36]

Venise, 1610. Thene est la fille d’un marchand et d’une Juive. Très aimée par son père, elle est néanmoins mariée à un artistocrate qui a besoin de sa dot pour renflouer ses caisses. Parce que Jacomo di Ocelo est un joueur invétéré. Un mauvais joueur. Ils se rendent à la Maison des Jeux. Dans la Basse Loge, des jeux classiques s’y déroulent, contre des mises en argent. Pendant que son mari se saoule et dilapide une fortune qu’il n’a plus, Thene se fait une réputation d’excellente joueuse qui lui donne accès à la Haute Loge. S’y déroulent des jeux aux conséquences bien réelles sur la politique de la ville. Thene y voit une porte vers la liberté, mais, pour cela, il faut gagner…

-[…]Tout bon joueur soit servir une cause plus grande que lui-même, non ?
-Nullement. Servir une cause corrompt votre perception du plateu, provoque des décisions émotionnelles qui devraient être réfléchies. Il n’y a qu’une raison, une seule, pour s’embarquer dans ce jeu. Aimeriez-vous la connaître ?
-Oui, je l’aimerais.
La Reine de Coupe se penche plus près et, ses lèvres effleurant l’oreille de Thene, chuchote: « Jouez pour gagner, souffle-t-elle. C’est tout. »

Le serpent est une novella à la dimension ludique indéniable, ce que ne renie certainement pas votre dévouée vu le métier qu’elle exerce dans la « vraie » vie. Il est finement ciselé dans son scénario qui déploie les rouages politiques passionnants de cette Venise du 17ème siècle ; dans sa narration qui inclut le lecteur par des adresses du narrateur ; et dans la construction de ses personnages, simples pions ou pièces maitresses de cet échiquier grandeur nature.

Traduit de l’anglais par Michel Pagel.

➡️ Les impressions d’Ombrebones.

3/ La millième nuit, Alastair Reynolds [UHL #39]

Très loin dans le futur, l’humanité a évolué sous différentes formes. La lignée Gentiane est issue d’Abigaël, qui s’est clonée en 1000 individus. Ils parcourent l’univers sur des périodes de temps incommensurables et se retrouvent régulièrement pour partager pendant 1000 nuits leurs découvertes. Seule ombre au tableau : l’impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière pour leurs déplacements, ce qui limite leurs capacités d’exploration. Mais lors du dernier rassemblement, Purslane et Campion mettent le doigt sur une anomalie dans le fil d’un autre membre. Et l’enquête de commencer.

Des vagues se brisaient un kilomètre plus bas, s’écrasant contre les falaises d’une blancheur osseuse, et les embruns traversaient un des jolis ponts suspendus qui reliaient l’île principale aux plus petites autour. Au-delà des archipels, la silhouette bossue d’une créature aquatique perçait la houle. Je discernai de minuscules points sur le pont, des gens qui se baladaient et dansaient dans les gouttelettes. Il m’était revenue, cette fois, de concevoir les lieux pour accueillir ces festivités ; je ne m’en étais pas trop mal sorti.
(presqu’incipit)

Cette novella envoie de bonnes grosses vibes de sense of wonder vertigineuses, mettant en scène des échelles de temps et d’espace inimaginables pour nous. Elle offre, qui plus est, une enquête prenante dans le huis clos de l’île où se passent les festivités.

Traduit de l’anglais par Laurent Queyssi

➡️ Les impressions de Célinedanaé.

2/ Le voleur – La maison des jeux 2, Claire North [UHL #40]

On change d’ambiance avec ce deuxième tome de la Maison des Jeux, puisque de la Venise du 17ème on part à Bangkok juste avant la Seconde Guerre Mondiale. Le narrateur, toujours aussi loquace, nous présente Remy Burke qui a commis l’erreur de lancer une partie de jeux de la Haute Loge alors qu’il était saoul. Il se retrouve à jouer une partie de cache-cache qui, s’il la perd, pourrait lui coûter tous ses souvenirs. Mais Remy Burke s’avère plus résistant que prévu par son poursuivant, Abhik Lee.

Le grand jeu est pour bientôt.
Pas encore, pas encore, le plateau n’est pas tout à fait prêt, les pièces ne sont pas en place, mais il est pour bientôt. Pourquoi ne nous a-t-elle pas détruits? Elle si belle, en tout point si gracieuse, pourquoi ne nous a-t-elle écrasés quand nous étions faciles à écraser ?
Peut-être parce qu’en tout point, le jeu le plus grand est celui qui apporte le plus de plaisir.
(incipit)

J’ai dévoré ce tome alors même que j’avais de grosses difficultés à me concentrer sur quoi que ce soit. Comme vous le révèle sa présence plus bas dans mon listing par ordre croissant de préférence, j’ai préféré ce tome au premier. Ici, on connait les règles, il reste à suivre Remy dans cette partie de cache-cache qui a pour terrain de jeu la Thaïlande entière dans un récit hyper rythmé et hyper prenant. Comme le personnage principal est clairement en position de faiblesse au début de l’histoire, on se prend de passion pour son sort et on suit son ingéniosité à survivre et à déjouer le complot dont il est la victime avec un immense plaisir.

Traduit de l’anglais par Michel Pagel.

➡️ Les impressions de Boudicca.

1/ Opexx, Laurent Genefort [UHL #38]

Opexx est écrit à la première personne du point de vue d’un soldat, membre de l’Opexx, une force spéciale, mandatée par le Blend, consortiums d’espèces extraterrestres sentientes qui se servent du tempérament belliqueux de l’humanité pour les envoyer faire la guerre et autres missions où des armes s’avèrent utiles aux quatre coins de l’univers. En échange, le Blend offre des technologies diverses et variées aux humains.

Laurent Genefort parvient avec Opexx à un mélange parfaitement dosé entre space opera militaire au worldbuilding ciselé et récit d’introspection d’un narrateur neuroatypique.  Je reste avec une question : quand est-ce qu’on y retourne ?

➡️Mes impressions

Quelle drôle de chose qu’un rêve.
La surprise n’en a été que plus grande. Je survolais des plaines infinies, encombrées de plantes et d’aliens provenant de différents sites ultramondains. Parfois, espèces aliens et terriennes s’appariaient. Des lieux de mon enfance se mêlaient aux théâtres d’opérations pour former des chimères topologiques. Des aliens flottaient dans ma direction. Ils avaient la forme  d’un kithid sur le point de se fendre. Certains me passaient à travers. L’un d’eux parlait avec des mots pareils à des craquements de branches dans le vent. Je comprenais ses pensées, qu’elles qu’elles soient, car j’étais l’un d’eux. Ce rêve s’est répété avec diverses variantes.

Et vous ? Quels sont vos UHL préférés de l’année 7 ? Ceux qui vous font le plus envie ?

20 commentaires sur « Une Heure Lumière | Retour sur l’Année 7 »

  1. J’en ai lu trois sur six que j’ai adoré (les deux premiers tomes de la maison des jeux et le dernier Molly). J’en ai deux autres dans ma PAL, j’avais commencé Un an dans la ville-rue mais j’ai eu un peu de mal à rentrer dedans. Il va falloir que j’y revienne 😉

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  2. La trilogie de Claire North a été une sacrée révélation pour moi, et pourtant il y avait une sacrée compétition avec les précédents UHL qui étaient déjà super !

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  3. Voilà, exactement, rappelons que Le Bélial’ doit nous offrir un recueil de Priya Sharma, c’est primordial.
    J’en ai lu trois de cette salve (les deux Claire North et le Di Filippo) et je les ai toutes adorées. Ton classement me donne d’autant plus envie de lire « La Millième nuit » et « Opexx » !

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    1. Tout à fait. Je suggère qu’on fomente un plan pour se mettre Feyrautha dans notre poche car il semble avoir un pouvoir de lobbyiste certain sur les Béliaux.
      Quelle vile discrimination envers le space opera, j’espère que tu vas corriger le tir rapidement 😒

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  4. Je ne les ai pas tous lu, seulement 4 titres. ALors que j’ai 2 candidats qui se détachent en tête sans vraiment se départagé, les deux autres sont si différents que j’ai du mal à les prioriser.
    Donc :
    1&2 – les 2 Claire North, je les ai tous simplement dégustés avec gloutonnerie (si un tel concept est possible)
    3- La Millième Nuit
    4 – OPEXX

    Excellente idée que cette vue de tes préférences.

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  5. Mince, tu rattrapes les publications, tu ne vas bientôt plus me rappeler les sorties d’il y a x années que j’ai totalement oubliées avec le temps!! 😱😱
    Plus sérieusement, ça a l’air d’une super année, comme toujours. Laurent Genefort, ça semble presque logique pour toi (car tu l’apprécies de manière générale, si je me souviens bien).
    Bonne route pour l’année 2023!

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  6. Bon ben il s’avère que je n’en ai lu aucun de 2022, je ne pensais pas avoir autant de retard mais en même temps j’ai les Claire North à rattraper ainsi que la suite des Molly, donc bon !

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  7. J’aurais bien du mal à établir un classement tant les textes sont différents mais je suis ravie de retrouver Le voleur sur le podium, c’est mon favori de cette trilogie de novellas

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