Le dernier des Aînés | Adrian Tchaikovsky

Le dernier des Aînés est une novella écrite par Adrian Tchaikovky et publiée au Bélial’ dans la collection Une heure Lumière en 2023. Je poursuis mon rattrapage de lecture de la collection avec cette 46è publication, la cinquième  de l’année 8. Sur Sophos 4, un terrible démon met à mal la population locale. Nyrgoth le sorcier pourra-t-il les aider ?

La princesse et le sorcier

Alors qu’un territoire du Royaume de Praimesite est mis en péril par un démon, Lynesse, puinée de la reine, prend le parti de requérir l’aide du sorcier Nyrgoth avec lequel un pacte fût jadis signé. Sauf que, le fameux Nyrgoth, ou plutôt Nyr Illim Tevitch, est un anthropologue envoyé par la Terre et chargé d’observer le peuple de cette planète, jadis une colonie humaine, retournée à un état pré- technologique. Il n’est pas sensé intervenir dans la vie de ces gens mais il a déjà contrevenu aux règles par le passé (d’où le pacte). Il est réveillé de stase par l’appel de Lynesse et la suit dans sa quête malgré les tréfonds d’angoisse dans  lesquels le plonge  le non-respect de ses engagements.

« Veuillez patienter ici. Mon maître se réveille.
-Et il dort jusqu’à midi ! fit remarquer Esha. C’est vraiment le grand luxe. » Mais personne n’ignorait que les sorciers pouvaient dormir pendant de nombreuses années, rechargeant leurs pouvoirs, envoyant leur esprit explorer des domaines magiques dépassant la compréhension des simples mortels. Et Nyrgoth l’Aîné était l’ultime représentant de l’ancienne race ayant traversé les cieux pour apport la vie et des gens sur ce monde. S’il existait un être capable de les aider, c’était bien lui.

Adrian Tchaikovsky, jamais en panne d’idée,  a dû se dire « tiens, qu’est-ce que ça donnerait si j’écrivais une histoire en partant du postulat de Clarke sur la technologie trop avancée pour être discernable de la magie ? How fun and smart would it be ? » -> très fun, très smart, merci. 

L’anthropologue et l’autochtone

L’auteur adopte alternativement le point de vue de Lynesse et celui de Nyr. Les deux personnages perçoivent le même environnement, vivent les mêmes évènements. Ce qui diffèrent entre eux, c’est l’interprétation qu’ils en font.  Le résultat est à la fois drôle et intelligent. L’auteur va jusqu’à proposer un chapitre commun confrontant en vis-à-vis la version des deux protagonistes.

Ce qui s’est passé pour le peuple de Lynesse c’est qu’originellement ils sont arrivés sur cette planète dans le but de s’y implanter avec toutes sortes d’outils ultrasophistiqués et de technologies très avancées. Des siècles ont passé, le contact avec la Terre a été perdu, la connaissance de la technologie et des outils aussi. Par contre les machines sont restées. Inexplicables, encore en fonctionnement mais souvent défectueuses, elles sont devenues des démons et la technologie qui les fait fonctionner de la magie.

Nyr, quant à lui, a la connaissance de l’ancienne technologie et possède même la sienne avec son lot d’implants, la capacité de communiquer avec un satellite en orbite et toutes sortes de trucs badass. Cela fait de lui, bien naturellement, un scientifique un magicien.

Je dis « scientifique », « lettré » mais quand je leur parle dans leur langue, cela se traduit par « magicien ». Je m’imagine en train de discuter avec Lyn et de lui expliquer : « Je ne suis pas un magicien, je suis un magicien. Ou au mieux un magicien. » Ce n’est pas drôle. J’ai vécu une très longue existence qui n’a servi à rien et maintenant je me retrouve embarqué dans une foutue quête avec deux femmes qui ne savent rien des germes, de la fusion nucléaire, ni des meilleures théories anthropologiques.

Par contre le gars, à force de solitude et d’être sans nouvelles de la Terre, il tient une solide dépression. A rajouter à cette situation pas évidente, le non-respect de l’engagement de son métier qui veut qu’il n’intervienne nullement dans les affaires des autochtones et la frustration de la communication compliquée avec ce peuple trop différent de lui.  Ses chapitres sont écrits à la première personne et c’est un régal de réflexions désabusées, de cynisme logique ou de débordements émotionnels selon que son implant destiné à réguler son humeur est activé ou non. Au bout du compte, alors qu’on l’a accompagné dans ses réflexions et ses contradictions, la résolution de l’intrigue est tout bonnement réjouissante.

Le Dernier des Aînés nous dévoile un Adrian Tchaikovsky taquin dans un court roman aussi divertissant que fûté. Se jouant de la fantasy et de la science-fiction, il livre un récit d’une grande finesse sociologique et psychologique. Est-ce que j’ose dire que Le dernier aîné est allé rejoindre mon top 10 UHL de tous les temps ? Allez, j’ose !

Informations éditoriales

Roman écrit par Adrian Tchaikovsky. Publié initialement en 2021. 2023 pour la publication française aux éditions du Bélial.  Traduit de l’anglais par Henry-Luc Planchat. Titre original: Elder Race. Illustration de couverture par Aurélien Police. 177 pages.

Pour aller plus loin

D’autres avis : Au pays des cave trolls, L’épaule d’Orion, Quoi de neuf sur ma pile, La bibliothèque d’Anudar, Les lectures du maki,  ou signalez-vous en commentaire.

9 commentaires sur « Le dernier des Aînés | Adrian Tchaikovsky »

  1. J’ai donc bien fait de l’avoir pris lors de la dernière opération UHL. J’ai moins bien fait de ne pas l’avoir encore lu.

    « mon top 10 UHL de tous les temps » : ça me fait penser… tu vas faire un classement intégral quand tu seras à jour ? 😇

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