Le ministère du futur | Kim Stanley Robinson

Le ministère du futur est un roman de Kim Stanley Robinson. Il a été publié en 2023 chez Bragelonne et traduit par Claude Mamier.  Le ministère du futur prend le problème du réchauffement climatique à bras le corps et tente de convaincre l’humanité de se bouger les fesses. Je l’ai lu, je vous dis tout.

Contexte de lecture

Mon rapport à Kim Stanley Robinson est un peu particulier. Très enthousiaste à ma lecture des Chroniques des années noires, je me suis lancée dans la trilogie martienne, pleine d’enthousiasme également. Et je m’y suis cassée les dents. De ce fait, je n’avais pas retenté l’auteur. J’avais donc quelques appréhensions quant au Ministère du futur. Hormis un level d’éco-anxiété à 12/10, surtout en début de lecture, le livre est passé comme une lettre à la poste.

Contexte narratif

En 2025 est créée une nouvelle entité dépendant de l’ONU : le Ministère du Futur. Son but ? S’emparer des problématiques climatiques en vue de protéger les générations futures et la planète.  Le premier chapitre s’ouvre sur une canicule meurtrière sans précédent qui fait 20 millions (!) de morts en Inde en l’espace de quelques jours. Le désastre nous est raconté du point de vue de Frank, américain exerçant en Inde une activité humanitaire. Ayant frôlé la mort, il en ressort complètement traumatisé.

De l’autre côté, on a Mary qui dirige le Ministère du Futur et qui va, avec plus ou moins de succès, tenter de faire bouger les lignes par la voie de la légalité, avec une équipe de personnes fermement engagées.

Sur la forme

Les chapitres sont très courts, alternant le point de vue de Mary et le point de vue de Frank. Ils sont entrecoupés de chapitres plus didactiques, de points de vue d’autres personnes aux prises avec des problématiques liés au réchauffement climatique comme par exemple un esclave sur un bateau de pêche ou des scientifiques et des techniciens en mission  en Arctique pour tenter de sauver le Pôle Nord. Il y a aussi des chapitres plus énigmatiques où un concept parle à la première personne sous forme de devinette.

Le style de l’auteur est très neutre. Il a une petite tendance au jules-vernisme, par exemple dans sa description très carrée de Zurich ou encore quand il nous offre une demi-page de name-dropping d’animaux disparus. On reste sur sa faim pour l’aspect littéraire. Cependant, il est agréable à lire. Le récit est prenant et accessible. On sent que l’auteur a une intention didactique forte.

Sur le fond

Je souhaite évoquer le fond du roman sous 4 angles, que voici :

1- La question du réchauffement climatique est abordée, malgré la dureté du premier chapitre et l’inertie de certaines instances, sous un angle optimiste. Je valorise beaucoup cela car je tends à penser que nous montrer des mondes sans espoir, comme le faisait par exemple Jean-Marc Ligny avec Exodes en 2012, est plus à même de paralyser (à quoi bon?) que de motiver à agir. Il montre les tentatives, parfois infructueuses mais surtout il montre qu’à force d’essayer, on finit par y arriver, en tout cas à générer une situation qui cesse de s’aggraver et même, avec un peu de patience, qui commence à s’améliorer.

2- Le ministère du futur est très documenté sur les conséquences du réchauffement climatique et sur les tentatives de solution qui ont soit déjà le vent en poupe à l’heure actuelle, soit sont à l’étude ou on a minima été imaginées par des esprits connaisseurs.

Par contre, certains aspects du roman me paraissent plus irréalistes. Par exemple les moyens illimités de l’écoterrorisme comme s’ils avaient trouvé le cheat code de la richesse infinie ou le fait qu’ils ne se fassent jamais attraper. Ou encore la vitesse avec laquelle l’Inde rejette son multiséculaire système de castes.

3- L’écoterrorisme dans Le ministère du futur occupe une place importante et peut être d’une efficacité redoutable pour faire bouger les lignes. J’y vois un aveu d’échec des méthodes légales suffisantes et cela me fait peur. J’imagine que Kim Stanley Robinson a dû faire d’immenses recherches très documentées sur l’état du monde, les prospectives sur l’avenir et les solutions qui s’offrent à nous pour résoudre notre problème. Il a une vision globale et éclairée de la chose. Et, à ce stade de sa connaissance du sujet, le roman- programme écologique qu’il en tire, y inclut l’écoterrorisme comme un moyen possiblement efficace. Par exemple, c’est « grâce à » l’écoterrorime que le mode de déplacement par avion est complètement repensé à cause d’attaques massives de drones sur les avions au kérosène.

4- L’accessibilité de l’œuvre passe aussi par les personnages. Ce qui fait selon moi du Ministère du futur un roman et pas uniquement un programme politique. Il développe deux personnages en particulier, Mary et Frank, qu’il arrive à nous rendre consistants et impactants émotionnellement, mais aussi une panoplie de personnages « à usage unique » qui apparaissent au détour d’un chapitre pour incarner humainement le sujet qu’il souhaite développer dans le chapitre.

Le ministère du futur est un roman de prospective scientifique très documenté sur la question du réchauffement climatique et des solutions qui peuvent y être apportées. Le roman se veut accessible, par ses chapitres courts et didactiques, par ses personnages qui incarnent humainement les concepts et phénomènes que l’auteur souhaite développer. Différents enjeux sont abordés dans le roman qui brasse large son sujet, dont l’écoterrorisme.

Informations éditoriales

Roman écrit par Kim Stanley Robinson. Publié initialement en 2020. 2023 pour la publication française chez Bragelonne. Traduit de l’anglais (US) par Claude Mamier. Titre original : The Ministry of the Future. Illustration de couverture par Sybille Sterk / Arcangel images. 547 pages.

Pour aller plus loin

D’autres avis : Lorhkhan et les mauvais genres, Quoi de neuf sur ma pile, L’épaule d’Orion, Les lectures du Maki, ou signalez-vous en commentaire.

14 commentaires sur « Le ministère du futur | Kim Stanley Robinson »

  1. C’est un livre indispensable à mes yeux, qui comme tu le soulignes est parfois irréaliste mais l’ensemble nous laisse quand même l’espoir de solutions possible et pérennes pour les générations futures.

    S’il pouvait servir de prise de conscience et changer certaines choses ce sera déjà un grand pas mais à chaque fois que je vois les décisions politiques, économiques de part le monde j’ai des doutes.

    En espérant que l’écoterrorisme ne soit pas LA solution, même si elle serait probablement plus efficace que le lancer de soupes sur des oeuvres d’art !

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    1. Oui c’est absurde que cela ne devienne pas un sujet central. Il y a des choses qui sont faites mais c trop lent pas assez globalisé. J’ai un doute que le livre puisse aller au delà de prêcher des convaincus cela dit.

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  2. Merciii! Ta chronique m’en donne une image moins impressionnante que celle de Lorhkan. Je reste néanmoins d’avis que je ne le lirai jamais, car trop éco-anxieuse. 😄 Ce qui me tente bien chez lui, c’est Chronique des années noires. Je suis allée lire ton avis de l’époque et ça a confirmé mon attrait.

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  3. Pour le coup malgré son côté positif je vais passer mon tour, je n’ai pas envie de partir en crise d’angoisse en pensant au réchauffement climatique plus que je ne le fais déjà.

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