L’armée fantoche | Pas de quartier !

L’armée fantoche est un roman écrit par Claire Duvivier. Publié en octobre 2023 par l’éditeur Aux Forges de Vulcain, il est à la fois le dernier tome de la trilogie Capitale Nord et la conclusion à la double trilogie La Tour de Garde. Remplit-il la tâche difficile de laisser les lecteurices  orphelins d’une lecture en tout point exemplaire jusqu’ici mais satisfaits de la résolution de l’histoire ? C’est ce que nous allons voir ensemble.

Si vous êtes un peu perdu dans ces histoires de cycle et de double trilogie etc et n’avez aucune connaissance de ce projet éditorial étonnant, je vous invite à lire ma chronique du Sang de la cité de Guillaume Chamanadjian, dans laquelle j’explique tout. Et puis c’est le premier tome, mieux vaut commencer par là. Dans tous les cas, ne lisez pas cette chronique si vous n’avez pas lu le troisième tome de Capitale du Sud ET le second tome de Capitale du Nord.

A la Tour de Garde

Dans Mort aux geais, Amalia et Yonas se sont retrouvés mêlés à une émeute qui sème le chaos à Dehaven. Mais leur objectif principal était de sauver Delhia, la sœur de Hirion, qu’ils pensaient retenue par Ebelin, le demi-frère d’Amalia (les histoires de famille chez les riches tout de même…). Sauf qu’ils se rendent compte que l’être qui possédait Hirion a simplement migré de corps pour accaparer celui de Dehlia.

Bref, tout échoue : l’émeute et leur sauvetage de Dehlia. Ils s’enfuient avec l’aide des Syctes pour rejoindre la Tour de Garde. Le volume se conclut sur la rencontre entre entre les deux fils narratifs : celui du Sud et celui du Nord.

Au début de L’armée fantoche, nous retrouvons Amalia fermement décidée à se venger du Héraut qui lui a volé sa vie et fait d’elle une paria recherchée pour des meurtres qu’elle n’a pas commis. Elle entreprend la lecture intensive du livre annoté par Hirion le « Traicté du Trèz-Haut et du Trèz-Bas » afin de se plonger dans les arcanes de la magie, à laquelle elle n’entend rien, pour comprendre comment combattre le Héraut.

A côté de ça, Nox développe la Tour de Garde et commence à accueillir réfugiés et laissés pour compte. Une sorte d’Emmaüs pour les victimes de la guerre et autres ostracisations. Au fil du temps Amalia s’investit pas mal là-dedans et il devient plus difficile de s’en tenir à sa ligne de conduite initiale. Elle est indécise mais le destin va encore une fois la forcer à prendre une décision.

Je regardai fixement le centre de la fosse et je dus me convaincre que je n’avais pas peur. Que c’était la chose à faire. Comme Philémon dans le roman que Zélie avait glissé sur mes genoux en m’appelant « ma belle ». Quelle eau avais-je dans les veines si je ne pouvais sauver mon honneur ? N’entendais-je pas en mon for intérieur les cris de mes morts qui m’exhortaient à la vengeance ?
En vérité : non.
En moi, il n’y avait que le silence et une immense confusion.

Rappelons-nous également que la mère d’Amalia, envoyée à bord d’un bateau aux colonies dans le premier volume, Citadins de demain, n’a plus donné signe de vie depuis. Il s’agit du second enjeu majeur pour Amalia qui trouvera sa résolution dans L’armée fantoche.

Amalia de la Tour de Garde

Je ne vous cache pas que j’ai préféré la conclusion de Capitale Sud et son propos sur les contes, leur intrication avec le réel qui prend tout son sens dans cette trilogie qui s’emboite parfaitement avec la dualité réel-imaginaire que cette saga met en avant depuis Le sang de la Cité : les deux villes, les villes du dessous, le rôle de Daphné et de Nox dans les contes de ville, le monde de la magie et le monde terre-à-terre, tout ça « fitte » parfaitement et Les contes suspendus a su titiller à la fois ma fibre intellectuelle mais aussi émotionnelle.

Par contre, du côté des personnages, j’ai préféré le parcours d’Amalia. Elle a vraiment une très belle évolution. La jeune fille riche et protégée, jetée dans les bas quartiers, forcée d’apprendre la langue des rues pour passer inaperçue devient progressivement cette jeune femme qui se détache de son héritage familial pour prendre fait et cause pour le rêve de Nox et embrasse la foultitude de gens hétéroclites débarqués à la Tour de Garde qui mettraient certainement à mal l’ouverture d’esprit de plus d’un. On en voit l’importance jusque dans l’épilogue. Au final, l’histoire d’Amalia est celle d’une jeune femme à la tête bien pleine qui apprend à se connaitre et à s’accepter aux travers des rencontres humaines qu’elle fait et des aléas de la vie auxquels elle est confrontée.

« Les parents enseignent ce qu’ils peuvent à leurs enfants, mais ils apprennent également d’eux, parfois par des voix inattendues. »

Une histoire d’emboîtement

Je voulais aussi évoquer avec vous la prouesse des deux auteurices pour parvenir à emboiter parfaitement leur récit. Avec les 2 x 2 premiers volumes, l’exercice semblait assez « simple » puisque les deux intrigues; quoi que prenant part dans le même univers sur la même période de temps, ne se croisait que dans la cohérence historique et certains personnages que l’on pouvait retrouver mentionnés dans les deux lignes narratives.

Avec Les contes suspendus on ne prend pas vraiment la mesure de l’intrication non plus, même si bien sûr elle est plus prégnante, simplement car on n’a pas l’autre versant de l’histoire. Avec L’armée fantoche, on voit vraiment les deux récits s’intriquer. On revoit des scènes que l’on a vécues du point de vue de Nox depuis le point de vue d’Amalia. On a un autre regard sur l’évolution de la tour et de l’arrivée des réfugiés. Je me demande vraiment comment les auteurices ont fait pour se dépatouiller avec ça : un tableau avec une immense frise chronologique avec un point pour chaque élément, qu’il soit physique ou numérique ? Je n’arrive pas à imaginer qu’ils auraient pu s’en sortir sans un outil de ce genre.

Tout cela est passionnant, j’ai juste été un peu frustrée que ma lecture des Contes suspendus date de 6 mois car mes souvenirs sont devenus bien flous. Mais qu’à cela ne tienne, j’espère avoir l’occasion de relire deux fois cette saga : une fois en lisant une trilogie après l’autre, pour voir si, pour de vrai, l’histoire tient debout sans sa seconde moitié et une seconde fois en enchainant les tomes en particulier les deux derniers, pour voir si toute cette cohérence, cette intrication tient la route également. On reconnaitra bien là ma propre anti-chambre de l’indécision : après avoir fait le choix d’une lecture, l’envie de découvrir les deux autres possibilités ne s’est pas effacée.

La Tour changeait parce que ses habitants allaient et venaient.
La Tour, pour autant, ne finirait pas. Elle ne finirait plus. Les citadins d’après-demain l’animeraient quand les autres partiraient – ou s’éteindraient.

Il incombait à Claire Duvivier une double tâche : donner une conclusion à son propre l’arc narratif et en particulier à Amalia et offrir un final digne de ce nom à cette saga unique en son genre en étant en cohérence totale avec Les contes suspendus. Force est de constater qu’elle y parvient haut la main. Je quitte dès lors la Tour de Garde, orpheline de ses personnages et de ses évènements mais pleinement satisfaite de mon voyage.

Informations éditoriales

Roman écrit par Claire Duvivier. Publié en 2023. Illustration de couverture par Elena Vieillard. 542 pages.

Pour aller plus loin

Mon avis sur : Le sang de la cité de Guillaume Chamanadjian,  Citadins de demain de Claire DuvivierTrois lucioles de Guillaume ChamanadjianMort aux geais ! de Claire Duvivier. Les contes suspendus de Guillaume Chamanadjian.
D’autres avis : 233°C, Le Bibliocosme, Le nocher des livres, Au pays des cave trolls, ou signalez-vous en commentaire.

13 commentaires sur « L’armée fantoche | Pas de quartier ! »

  1. Orphelin mais pleinement satisfait, c’est vraiment un excellent résumé de toute la qualité de cette saga.

    Je suis d’accord avec tout ce que tu en dis. À l’exception d’avoir préféré Amalia, même si j’approuve tout ce que tu dis d’elle. Et à l’autre exception que je ne crois pas que je relirai toute la série deux fois (😱), bien que ça serait certainement toujours aussi plaisant !

    J’aime

  2. J’ai lu uniquement l’intro et la conclusion des fois que je retienne des éléments d’un cycle que je n’ai jamais lu 😅. Ça a l’air superbe, j’espère trouver le temps d’y jeter un oeil un jour.

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.