Des nouvelles de Bifrost #108 | Peter Watts, Nicolas Martin, Rich Larson, Octavia E. Butler

Bifrost 108 Octavia E. Butler

Ce 108ème Bifrost publié en octobre 2022 par les éditions du Bélial propose un dossier sur Octavia E. Butler. Je m’intéresserai dans les présentes impressions aux 4 nouvelles qui ouvrent la revue, à savoir : Collatéral de Peter Watts, Un soir d’orage de Nicolas Martin, Glace de Rich Larson et Enfants de sang d’Octavia E. Butler. C’est parti…

Collatéral, Peter Watts

Becker, une soldate augmentée, tue par erreur des civils humains. Est-elle responsable de sa décision ou non ? Sachant qu’elle est toujours accompagnée d’un « Wingman », une IA qui anticipe ses décisions avant que l’évaluation des faits parvienne à sa conscience.

Un texte très réussi qui interroge le libre arbitre, les dilemmes moraux et l’éthique dans son versant utilitariste (le dilemme du tramway est nommément cité). Un sujet qui a déjà piqué ma curiosité.

-[…] Vous êtes maintenant immunisée contre le dilemme du tramway.
-Hein ?
-Tout le monde parler de moralité comme si c’était un synonyme de bien ou de mal, alors qu’il s’agit simplement en réalité d’une bouffée de parasités sur le même canal. […] On a juste nettoyé le signal. A ce jour, vous êtes sans doute la personne la plus éthique sur Terre.

Publication initiale en 2014. Traduit de l’anglais (Canada) par Gilles Goulet. Titre original : Collateral.

Un soir d’orage, Nicolas Martin

Nadia et Enzo sont seuls à la maison. Leurs parents sont à une soirée en ville. Lui fait des coloriages dans le salon. Elle , est au téléphone avec ses copines. Dehors il y a de l’orage. Soudain les lumières s’éteignent. Enzo appelle sa sœur qui ne répond pas.

Une nouvelle horrifique très efficace dans les émotions qu’elle parvient à susciter, avec la petite touche de science attendue par l’ancien animateur de La méthode scientifique.

Un pas après l’autre. Enzo sort de son refuge, un pas, deux pas, compter tranquillement, parce que s’il se met à courir, alors les monstres gagnent, il a peur, encore plus, et de plus en plus peur, et à la fin, s’il a trop peur, il peut tomber, tout noir et se réveiller à l’hôpital.

Glace, Rich Larson

Sedgewick a un plan pour aller voir les baleines de glace la nuit avec un groupe de jeunes. Son petit frère, Fletcher, est réveillé et il est obligé de l’emmener avec lui. Mais la relation entre les deux est déséquilibrée. Fletcher a été « modé » et bien que deux ans plus jeune, il est plus fort, plus rapide que son aîné resté « nature ». Sedgewick ne le vit pas très bien.

Rich Larson explore, à nouveau (le sujet était au centre de l’intrigue d’Ymir)(on me glisse dans l’oreillette que Glace serait à l’origine d’Ymir), la thématique de la rivalité fraternelle de façon très émouvante. Le texte n’est pas non plus sans me faire penser à la relation entre Vincent et son frère dans Bienvenue à Gattaca.

Sedgewick sentit ses oreilles chauffer alors qu’Anton les matait tour à tour, posant sans un mot l’éternelle question ; comment ça se fait que tu sois nature s’il est modé ?

Publication initiale en 2015. Traduit de l’anglais (Canada) par Pierre-Paul Durastanti. Titre original : Ice.

Enfants de sang, Octavia E. Butler

Les Tclics ont asservi des humains ayant fui l’oppression sur Terre et vivent dans une relation d’étroite dépendance avec eux, jusqu’à tisser des liens forts avec leurs familles. Gan, jeune garçon ayant grandi dans cet environnement, acceptant les œufs infertiles des Tclics avec joie, ainsi que le lien particulier qui l’unit à T’Gatoi, ne comprend pas la réticence de sa mère et le comportement étrange de son frère. Ses certitudes vont être mises à l’épreuve alors qu’un N’Tclic surgit dans leur jardin, seul et mal en point.

Cette nouvelle, le tout premier texte de l’autrice que je lis, est aussi parfaite qu’incommodante. A l’aide d’un background posé avec une économie de mots qui force l’admiration tant il est élaboré et finement intriqué au récit, Octavia E. Butler interroge les rapports de domination dans ce qu’ils ont de plus pernicieux

Ma dernière nuit d’enfant commença par une visite. Les sœurs de T’Gatoi nous avaient attribué deux œufs stériles. Le premier, T’Gatoi le donna à ma mère, mon frère et mes sœurs ; l’autre, elle tenait à ce que je le mange en entier. Peu importait. Il y en avait assez pour que tout le monde se sente bien à la fin. Presque tout le monde. Ma mère ne voulait pas y toucher. Elle restait assise là, à nous regarder planer et rêver sans elle. La plupart du temps, elle me regardait, moi.

Publication initiale en 1984. Traduit de l’anglais (US) par Michelle Charrier. Titre original : Bloodchild.

Informations éditoriales

Revue publiée en octobre 2022 par les éditions Le Bélial’. Illustration de couverture par Guillaume Sorel. 192 pages.

Pour aller plus loin

D’autres avis :  La grande bibliothèque d’Anudar, Quoi de neuf sur ma pile (Un soir d’orage, Enfants de sang,), Les lectures du maki, L’épaule d’Orion (Glace, Un soir d’orage, Enfants de sang), ou signalez-vous en commentaire.

13 commentaires sur « Des nouvelles de Bifrost #108 | Peter Watts, Nicolas Martin, Rich Larson, Octavia E. Butler »

  1. Je suis en train de chercher pourquoi la nouvelle de Rich Larson me parle, j’ai l’impression d’avoir déjà lu quelque chose racontant cette histoire d’opposition entre un frère augmenté et l’autre pas, mais impossible de me souvenir où… je suis frustration là.

    Merci pour ton retour sur ces nouvelles en tout cas 🙂

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    1. ho là là là cet afflux de messages 🤗🧡

      Ca m’avait fait penser à la relation entre frère dans Gattaca, c’est pas ça ? Car là aussi il est question d’un frère « nature » et d’un autre dont les gènes ont été optimisés.

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  2. Merci pour ce compte-rendu! 🙂
    Nicolas Martin me fait un peu peur en tant que créateur. Le Chien critique avait parlé de ses films, si je me souviens bien. Pas du tout mon genre, a priori…
    Au sujet de la conversation ci-dessus: cette histoire de frère augmenté et de frère naturel, c’est présent aussi dans L’Une rêve, l’autre pas. Sauf que ce sont des sœurs, en l’occurrence. Je ne me souviens pas du déroulé, à vrai dire; la version que j’ai lue, un roman, est plus longue que la novella sortie en France, et je pense que les deux sœurs se perdent de vue à la longue. Mais je me souviens que j’avais trouvé le parallèle avec Bienvenue à Gattaca évident.

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