L’empereur-dieu de Dune | Ver solitaire

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L’empereur-dieu de Dune est le quatrième tome du cycle de Dune. Il a été écrit par Frank Herbert. Paru aux US en 1981, il a été publié en français en 1982 chez Ailleurs & Demain, dans une traduction de Guy Abadia.  Ailleurs & Demain poursuit ses reparutions de la saga en format collector, ce quatrième volume est sorti en juin 2022.  Suivons le coche de l’Empereur-Dieu sur le Sentier d’Or…

L’empereur-dieu de Dune version collector

Outre sa belle couverture cartonné avec marque-page intégré, cette édition propose : 

  • La traduction de Guy Abadiarévisée par L’épaule d’Orion et Fabien Le Roy
  • La préface d’Irène Langlet
  • En annexe, le lexique de l’Imperium
  • La postface de Serge Lehman

Irène Langlet revient sur ses vertiges de lecture et analyse finement le « tourbillon de voix » de ce quatrième volume : les fameuses épigraphes présentes depuis le premier tome, mais aussi les inserts de rapport et les mentions aux Mémoires Volées qui constituent un enjeu du roman. Quant à Serge Lehman, il dit des choses très intéressantes sur la place qu’occupe Dune dans l‘Histoire de la science-fiction, plus particulièrement celle du space opera et de Dune en tant qu’héritière de Mars dans les fantasmes de l’inconscient collectif.

Contexte narratif

Nous sommes quelques 3500 ans après les évènements des Enfants de Dune qui conduisirent Leto II à adopter un corps dit « pré-vermiforme » en fusionnant avec des truites des sables. Depuis, il règne en maître absolu sur l’empire galactique, a imposé la « Paix de Leto » et s’emmerde comme un ver crevé. Son ennui n’est pas sans m’évoquer ce tribun romain dans La serpe d’Or qui soupire d’un ton blasé « je suis las las las ». 

Au moment où j’écris ceci, le « tout » pourrait être considéré comme plutôt répugnant. Je suis ce qu’on pourrait appeler un pré-ver. Mon corps fait sept mètres de long sur un peu plus de deux de diamètre. Il est annelé sur toute sa longueur. Mon visage atréides est placé à hauteur d’homme à une extrémité, et mes bras et mes mains (dont la forme demeure à peu près humaine) se trouvent juste en-dessous. Mes jambes ? Mes pieds ? Pratiquement atrophiés. Réduits à des sortes de palmes, qui ont migré tout à fait en arrière. En tout, je dois peser environ cinq tonnes anciennes. Si je donne tous ces détails, c’est que je sais qu’un jour ils auront valeur historique.

C’est aussi un être (je ne peux pas vraiment dire homme) très seul malgré les voix de tous ses ancêtres dans sa tête et cela les Ixiens l’ont bien compris lorsqu’il leur envoie leur nouvelle ambassadrice, Hwi Noree, dont il tombe amoureux. Il se met en tête de l’épouser.

En parallèle, la dernière version du ghola Duncan Idaho est mise en circulation après que la précédente a été tuée par Leto (une sombre histoire d’attentat au laser). Duncan a beaucoup de mal avec la politique tyrannique de l’empereur et va n’avoir de cesse que de la questionner. 

« Il nous élève depuis longtemps, Duncan. Il a renforcé beaucoup de nos capacités. Il a cultivé notre vitesse, notre intelligence, notre modération, notre sensibilité. Vous n’êtes… Vous n’êtes qu’un ancien modèle. »

Le récit alterne ainsi entre des chapitres du point de vue d’un Leto II hyper blasé et des chapitres du point de vue de la dernière édition du ghola Duncan Idaho, en mode vénère. L’ambiance règne…

Mais le début du roman commence par un vol de documents par Siona, une Atréide rebelle qui veut la mort de Leto.

Qu’est-ce qu’on trouve dans l’Empereur-Dieu ?

On trouve toutes sorte de choses dans l’Empereur-Dieu, en voici une liste non-exhaustive :

  • Des complots. Il y a TOUJOURS des complots dans Dune. Il faut avouer qu’après l’effervescence à 360 degrés des Enfants de Dune, les complots ici font limite parent pauvre, même si l’enjeu (la mort de Leto) a, quant à lui, des conséquences à l’échelle de l’univers.
  • Un Empereur qui s’ennuie. Il n’y a RIEN de pire qu’un Empereur qui s’ennuie. Celui-ci ne peut même pas faire la guerre puisqu’il a instauré une Paix qui porte son nom, c’est pas pour rien tout de même. Le problème d’un Empereur qui s’ennuie et qui en plus est limité dans ses mouvements, c’est qu’il cause tout le temps, pour faire la morale ou asséner des vérités sur son règne. Cela peut être très intéressant quand il ne balance pas des théories ridicules sur l’homosexualité et sur l’essentialisation du manque d’intérêt pour la violence des femmes, mais il faut avouer que j’ai trouvé le temps long moi aussi. Heureusement cet empereur ne manque pas d’humour.

« Oui… Mon Seigneur, fit Idaho en fixant les yeux de leto, d’un pur bleu fremen. Est-ce vrai, ce qui disent vos Truitesses… que vous possédez… tous les souvenirs de… »
« Nous sommes tous là, en effet, Duncan… » Leto avait parlé avec la voix de son grand-père paternel.
« Même les femmes sont là, Duncan » C’était la voix de Jessica, la grand-mère paternelle de Leto.
« Tu les as bien connus, dit leto. Et ils te connaissent bien. »
idaho prit une longue inspiration tremblante.
« Il va me falloir un peu de temps pour m’y habituer. »
« Exactement la réaction que j’ai eue au début », déclara Leto.

  • Une histoire d’amour entre un ver géant et une humaine. Là j’avoue on a du level dans l’ouverture d’esprit. Notez que cette histoire d’amour est purement platonique parce que Leto n’a plus de pénis et on le saura plutôt deux fois qu’une ! Quel dommage, le soufflé retombe en terme d’originalité. Visiblement, ce n’est pas parce qu’on est dans le futur qu’on peut imaginer d’autres formes de sexualité.
  • Dune qui ne ressemble plus à Dune. Adieu le sable, adieu les fremens. Place à une planète verdoyante sur laquelle ne subsiste que le désert du Saheer, fief de Leto. Il n’y a plus de ver et donc plus d’Epice, dont la majorité des réserves existantes sont entre les mains de Leto. Il le distribue selon son bon vouloir, ce qui a eu un effet désastreux sur le tourisme intergalactique. Il ne reste plus que des fremens de musée, sorte d’ersatz des fremens originels et qui ne servent plus qu’à parodier une culture qui n’existe plus. C’est un peu triste.

« Tu vas peut-être trouver ça bizarre, mais c’est dans ce désert que je me sens le plus humain. » 

  • Un propos sur les Mémoires Volées de l’Empereur, dont on comprend quelles sont retrouvées dans le futur (le futur de Leto donc) où l’on se demande ce qu’il faut en faire. Yummy de l’archéologie du futur ! J’en aurais voulu plus. Des extraits font l’épigraphe de chaque chapitre. Je n’ai pas toujours compris leur propos. 
  • Une scène d’ouverture en course-poursuite vraiment excellente, pendant un instant j’ai cru qu’on aurait un livre très rythmé. C’était sans compter sans le point 2. 
  • Une scène de clôture vraiment excellente aussi mais je ne vous dirai rien.
  • et toutes sortes de choses que j’oublie.

Je donne une impressionparfois moqueuse de ce livre dans ces différents points. Il est vrai que j’ai peiné à la lecture et que l’humour est un excellent pis-aller. Les fanatiques de Dune me le pardonneront ou pas. 

Nous ne sommes pas que des gens qui ne font que passer, se dit-il. Nous sommes des éléments primordieux qui servons à joindre une pièce du Temps à l’autre. Et lorsque nous serons passés, tout reombera derrière nous dans un non-bruit analogue au non-espace des Ixiens, mais rien ne sera plus jamais comme avant.

Je n’ai pas trouvé le livre mauvais. Je trouve toujours l’écriture de Frank Herbert magnifique. Le propos est au global passionnant, sur la condition immortelle et plus très humaine de Leto, sur la colère de Duncan qu’on s’entête à recréer dans un monde qui est de plus en plus éloigné de ce qu’il a connu, de la nécessité de l’attentat pour engendrer un nouveau cycle (lancer musique du Roi Lion). Je pense juste que ce livre aurait dû faire 150 pages de moins. 

Frank Herbert poursuit son exploration de sa planète fétiche avec L’Empereur-Dieu de Dune. Si certains aspects du roman sont captivants, comme les conséquences de la terraformation totale de Dune, l’immortalité et la solitude de Leto, ses Mémoires Volées, etc., le temps s’avère parfois très long à la lecture.

Informations éditoriales

Roman publié initialement en 1981. 1982 pour la traduction française par Michel Demuth dans la collection Ailleurs & Demain de Robert Laffont. Titre original : God Emperor of Dune. 2022 pour cette édition, avec une traduction révisée par L’épaule d’Orion et Fabien Le Roy. Complétée d’appendices, d’une préface et d’une postface. Design de la couverture par Alex Trochut. 551 pages.

Pour aller plus loin

Sur le blog : Dune, Frank Herbert (version collector)Le messie de Dune. Les enfants de Dune. Dune – première partie, Denis Villeneuve. 2 ouvrages sur Dune
D’autres avis : Les chroniques de FeyGirl, ou signalez-vous en commentaire.

19 commentaires sur « L’empereur-dieu de Dune | Ver solitaire »

  1. Déjà, ça attaquait fort avec « ver solitaire », mais la suite est pas mal aussi ^^ !
    Ceci dit, je sais que j’ai lu ce volume, après l’avoir offert à ma maman … en 1982 (ça ne me rajeunit pas !), la dédicace fait foi, mais je ne m’en souviens plus et ne crois pas que je me relancerai dans l’aventure, même si j’ai relu « Dune » il y a peu (avant qu’il sorte au cinéma).

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      1. Dans ma vieille édition, j’ai « Dune » suivi de « Le messie de Dune », ce qui confirme ton propos. Sauf que j’ai racheté « Dune » en poche (la version numérique n’était pas encore sortie) pour le relire, parce que c’est écrit vraiment petit ^^ !

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    1. Ha, ce n’est pas tout à fait ce à quoi je m’attendais en publiant un avis de type : ce livre est tellement long que j’ai l’impression d’y avoir passer 3500 ans » XD Mais lis le 2, oui, le 2 c’est un chef d’oeuvre.

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      1. Oui je me doute mais les concepts ont l’air trop cools puis je suis bizarre 🤷 ouaiiiiis il faut mais je me suis parfois ennuyée sur le 1 donc j’avais pas osé 😅 mais il faudrait quand même ne fut ce que pour ma culture.

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  2. Trouver le temps long avec un personnage qui s’ennuie, c’est le paroxysme de l’écriture qui donne l’impression au lecteurice d’être dans le roman. 😅
    Bon, ça ne motive pas complètement mon complétionisme pour me lancer dans la série tout ça (comment ça je me cherche des excuses ? 🙈).

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    1. C’est une sorte de mise en abyme dont l’ironie ne m’a pas échappée.
      Tu peux choisir d’être complétioniste avec les 2 premiers qui forement un dyptique qui fonctionne très bien tout seul et qui portent à mon sens l’essentiel du message de l’auteur (nonobstant que je n’ai pas relu les deux derniers et que je n’en ai aucun souvenir).

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  3. « les évènements […] qui conduisirent Leto II à adopter un corps dit « pré-vermiforme » en fusionnant avec des truites des sables » –> Pfiou, quand on n’a pas lu tous ces bouquins (et oublié le détail des chroniques précédentes de la lectrice), ça fait bizarre à lire 🤣🤣
    « Comme un ver crevé »: huhu on te voit, on te voit.
    Bon, ça a l’air super chelou, à mes yeux.

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