Le Docteur Pascal | La saison de trop

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Je suis retournée à Plassans où j’ai retrouvé le docteur Pascal et Félicité Rougon. J’ai revu un certain nombre de personnages, en plus des 2 susnommés : Antoine Macquart, Tante Dide, Maxime Saccard et bien sûr Clotilde. J’ai injecté de la cervelle animale (!!!) à mes patients dans l’espoir de les guérir. J’ai assisté à une combustion spontanée. J’ai fait comme si la réalité, l’argent, l’inceste n’existaient pas. J’ai lu le dernier tome de la saga des Rougon-Macquart d’Emile Zola et …

Ca vous gratouille ou ça vous chatouille ?

Le docteur Pascal vit une vie pépère dans une belle maison à Plassans. En compagnie de Clotilde, la fille de Saccard, un personnage central de La curée et de L’argent, qu’il a recueillie enfant et élevée comme sa fille. Elle a 25 ans maintenant et est fraiche comme un gardon. Et de Martine, la servante dévouée qui fait partie de la maison également et tient fermement les cordons de la bourse.

Le premier chapitre pose un certain nombre d’informations utiles pour la construction de l’intrigue : 

  • Clotilde et Martine voudraient forcer le docteur Pascal à croire en Dieu.
  • Le Docteur Pascal n’est intéressé que par ses travaux scientifiques, en particulier l’étude de la dégénérescence héréditaire de sa propre famille.
  • Félicité Rougon est obsédée par les dits travaux matérialisés contenus dans une armoire fermée à clé qu’elle souhaite à toute force ouvrir pour se débarrasser des dossiers compromettants.
  • Le passé familial y est décortiqué avec mention des personnages phares des tomes précédents qui permettent de revenir sur des évènements marquants.
  • Présentation de la relation Clotilde/Pascal. II l’a élevée et instruite. Elle l’admire beaucoup et le respecte. C’est une relation asymétrique dans le sens que lui a l’autorité sur elle. Elle l’appelle « Maître ». 

Ce premier chapitre était plutôt engageant, j’étais emballée. On nous promettait un conflit science/religion et des bisbilles familiales avec la sournoise Félicité aux manettes, ça me vendait du rêve. On sent aussi fortement que le docteur Pascal est Zola, littéralement, un Zola vieillissant qui revient sur 20 ans de travaux littéraires.

Ah ! Ces sciences commençantes, ces sciences où l’hypothèse babutie et où l’imagination reste maitresse, elles sont le domaine des poètes autant que des savants ! […] Quelle fresque immense à peindre, quelle comédie et quelle tragédie humaines colossales à écrire, avec l’hérédité, qui est la Genèse même des familles, des sociétés et du monde ! 

Sauf que le récit s’enlise dans des brouilles entre Martine/Clotilde et Pascal d’un ridicule consommé. Zola part dans des envolées lyrique à la gloire de la science. Ce qui est tout à son honneur, sauf que la science qu’il présente est aujourd’hui complètement à côté de la plaque. De ce fait, l’ensemble parait un brin naïf. 

Mais le pire est à venir… 

Soigner le mal par le mal

C’est à dire que LE DOCTEUR PASCAL ET CLOTILDE VONT ENTRETENIR UNE RELATION DE COUPLE. Vous n’en croyez pas vos yeux ? Moi… Ha si, moi je savais déjà car j’avais été spoilée dans l’un ou l’autre tome précédent. Mais le savoir et le lire ce n’est pas la même chose. Car, en fait, why not, ça peut faire un sujet comme un autre. Sauf que le problème c’est le traitement.

Si Pascal est hésitant ce n’est pas parce que Clotilde est sa NIECE et qu’il l’a ELEVEE depuis l’enfance mais parce qu’il est vieux et qu’elle est jeune et qu’il a peur 1- qu’elle ne veuille pas de lui 2- qu’elle gâche sa vie avec lui, vieux crouton.

Bien sûr, l’opprobe finit par se jeter sur eux, principalement orchestré par Félicité dont les amourettes des tourtereaux gênent les plans. Quant à Zola, et c’est bien là tout le problème, il chante les louanges de cette relation comme si tout était normal 🤷‍♀️

Quand le petit jour parut, ils ouvrirent toutes grandes les fenêtres pour que le printemps entrât. Le soleil fécondant d’avril se levait dans un ciel immense, d’une pureté sans tache, et la terre, soulevée par le frisson des germes, chantait gaiement les noces.

Dans la préface, on apprend qu’il devait y avoir une autre jeune femme, sans lien de parenté avec Pascal pour jouer ce rôle. Et puis Zola a mergé la nièce avec cette femme et voilà le résultat. Ceci explique aussi l’attitude lunatique de la jeune femme qui passe de la dévotion à Dieu au sexe avec son oncle sans sourciller.

Quel est-t-il le propos de Zola d’ailleurs ? On se le demande. Il faut savoir que Le docteur Pascal est un roman assez autobiographique. Pour ce que je vous mentionnais déjà en début de chronique : les travaux sur l’hérédité de Pascal servent à Zola à faire le bilan de sa saga familiale. Mais aussi car la relation Clotilde/Pascal est à mettre en parallèle avec la relation Emile Zola/Jeanne Rozerot qui était aussi une relation d’un homme d’âge plus que mûr et une jeune femme. MAIS COMMENT IL A PU CROIRE QUE C’ETAIT UNE BONNE IDEE DE COMPARER SON HISTOIRE AVEC JEANNE AVEC UNE RELATION INCESTUEUSE ??? 🤮

Aucun don ne peut égaler celui de la femme jeune qui se donne, et qui donne le flot de vie, l’enfant peut-être.

En plus, il dédicace le livre à sa femme, ce qui est de la dernière beauferie si vous voulez mon avis. 

Mais ce n’est pas tout. Figurez-vous que Clotilde va avoir un enfant de Pascal et que la venue de cet enfant, bien que teintée de tristesse par la mort de Pascal, est présentée comme positive par Zola. Donc le mec, il nous fait une saga de 20 tomes pour nous montrer en long en large et en travers une famille qui se refile les tares d’une aïeule de génération en génération et il conclut son machin en nous sortant un bébé, un « enfant de l’avenir », issu d’une relation entre un oncle et sa nièce de la dite famille, annonçant par ailleurs le premier tome de ses Quatre évangiles (dont seuls 3 premiers sont sortis mais c’est une autre histoire) : Fécondité. Alors ok, mais c’est conseillé de pratiquer en dehors du cercle familial.

Quand elle lui eut posé la bouche, il eu un petit grondement de satisfaction, il se rua tout en elle, avec le bel appétit vorace d’un monsieur qui  voulait vivre. Il tétait à pleine gencive, avidement. D’abord, de sa petite main libre il avait saisi le sein à poignée, comme pour le marquer de sa possession, le défendre et le garder. Puis, dans sa joie du ruissellement tiède dont il avait plein la gorge, il s’était mis à lever son petit bras en l’air, tout droit, ainsi qu’un drapeau.

L’ensemble est traité avec un tel premier degré qu’il n’est nullement possible de penser que Zola ait pu en faire un traitement ironique.  J’ai l’impression qu’on me raconte une histoire sordide du level de L’assommoir mais sur le ton du Rêve.

Félicité, mon phare dans la nuit de la médiocrité

Deux éléments peuvent êtres sauvés de ce désastre : 

  • le chapitre 9 qui est très zolien comme on aime. Trois décès dans le même chapitre dont un par combustion spontanée qui est ma foi fort drôle ; un second tragique au possible et un troisième d’une banale misère.
  • le personnage de Félicité qui, de bout en bout, telle un phare dans la nuit de la médiocrité, a illuminé ma lecture de ses savants calculs pour parvenir à ses fins. Elle est restée depuis La Fortune des Rougon où on la voit pour la première fois, en passant par La conquête de Plassans où on la voit jouer à nouveau les marionnettistes, une méchante magnifique

Elle ne leur parlait plus, elle descendit d’un saut léger, malgré son âge, puis s’en alla, l’air raide et très digne.

Quelle mouche a piqué notre cher zozo ? Je ne sais pas mais ce roman est en tout cas globalement très mauvais. Son traitement de la relation Pascal/Clotilde est dérangeant. Les réflexions sur l’opposition science et religion sont interminables. Le bilan d’un demi-siècle de dégénérescence héréditaire dans la famille Rougon-Macquart se conclut par un enfant issu d’une relation incestueuse dans un lyrisme optimiste très premier degré. Le chapitre 9 et la présence lumineuse de Félicité peinent à relever l’ensemble. Définitivement, ce Docteur Pascal était la saison de trop. 

Informations éditoriales

Roman écrit par Emile Zola. Publié en 1893. 572 pages dans l’édition Livre de Poche Classique. Couverture : tableau d’Edouard Manet, Le Jardin d’hiver dans la serre (détail). La présente édition est accompagnée d’une préface et d’un dossier.

Pour aller plus loin

Mon billet d’intention de relire les Rougon-Macquart.
Mes impressions : La fortune des RougonLa curéeLe ventre de ParisLa conquête de PlassansLa faute de l’abbé MouretSon excellence Eugène RougonL’AssommoirUne page d’amourNanaPot-bouilleAu bonheur des damesLa joie de vivreGerminalL’oeuvreLa TerreLe rêveLa bête humaineL’argent. La débâcle.
Une relecture commune avec Alys (son billet) et Baroona (son billet).
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17 commentaires sur « Le Docteur Pascal | La saison de trop »

  1. Une fin apocalyptique 😉
    Ta chronique m’a bien fait « rire » quand même… mais punaise le sujet… je n’avais aucune info concernant ce volume.
    Bref… tu as fini! Bravo!! (et donc je n’ai toujours pas recommencé… enfin presque, j’ai rouvert le premier volume sur mon kobo… ;-))
    D’autres projets de « saga classique » en vue?

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    1. Il me semblait avoir répondu mais non …

      Il est peu lu aujourd’hui et pour le coup je comprends pourquoi.

      Oui c’est fini ! Mais en fait je vais poursuivre mais à un rythme plus lent.

      Ha, c’est déjà une étape ! Go go go, tu peux le faire !

      Ca dépend de ce qu’on appelle classique. Je projette de relire Angélique Marquise des Anges, c’est aussi certain que cette année je lancer mon « Relire Stephen King ». Ha et j’ai aussi l’intégrale de Lovecraft dans ma PàL. Bref j’ai du taf 😅

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    2. J’ai adoré toute la sage des Rougon que je n’avais jamais lue, mais j’ai comme vous été stupéfiée par la fin du Docteur Pascal. Si comme tous ces romans il représente l’oeuvre d’un génie de l’écriture, et qu’on ne peut que trouver magnifique la magie des mots et la perfection de l’histoire dans la forme, on ne peut s’empêcher (et ce sans être particulièrement moraliste) d’être étonné par cette ode à l’inceste. De plus puisque la famille évoquée, son hérédité et ses tares sont quand même le sujet principal de l’oeuvre, on se demande ce que deviendra l’enfant issu de ces amours contraires à la nature et de quelle tare il pourra bien être affligé. Je suis particulièrement étonnée que tous les commentaires et critiques que l’on lit sur cette oeuvre n’abordent absolument pas le sujet. Vous êtes les premier à le faire. Et ce qui est le plus incroyable c’est que Félicité, outrée, non pas par le caractère incestueux des faits, mais par l’absence de régularisation, suggère : « Pourquoi ne vous mariez vous pas ? » J’en conclue qu’à cette époque, le mariage entre un oncle et une nièce était possible ? Mystère !!!! Je n’ai pas trouvé d’info là dessus.

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      1. Oui bien d’accord, je lisais les avis Babelio là-dessus et sans les avoir tous lus non plus, personne ne mentionnait la problématique de l’inceste. La préface était très conciliante aussi. Il me semble que j’avais lu qu’on pouvait à condition d’avoir l’accord de l’église. De là à savoir s’il était difficile d’avoir l’accord, je ne sais pas.
        Je relevais aussi l’ironie génétique de l’enfant issu de l’inceste porté aux nues avec un enthousiasme délirant par Zola.
        Merci de votre commentaire 🙂

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        1. Je suis d’accord, il semble que cette thématique soit complètement ignorée car si on recherche sur le net « l’inceste dans l’oeuvre de Zola » on ne trouve que des commentaires sur « la curée » où le beau fils a une relation avec la femme de son père qui est jugée honteuse ! Alors que dans ce cas, il n’y a pas d’inceste puisqu’aucun lien de parenté ! Effectivement j’ai lu aussi qu’une dispense de l’église était possible à l’époque dans d’autres cas.

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  2. Et les écrivains de se nourrirent de leurs expériences IRL dans leurs écrits. Sauf que le vieux Zola partait en vrille sur la fin aussi…Le plus dur c’est de savoir s’arrêter. Un peu comme le PS et l’élection de trop :p Au moins, tu auras fait le tour et le tri dans cette trop longue saga.

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  3. Je ne savais rien de ce livre, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ton avis mais ça ne va pas m’aider à reprendre plus vite cette saga ^^
    Il faudrait que je relise La Fortune des Rougon pour me remettre dans le bain (à part celui-ci, je n’ai lu que ceux autour des frères Lantier)

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    1. La fortune des Rougon est très chouette par contre, il y a une belle et tragique histoire d’amour, il y a Félicité qui est vraiment un personnage génial dans son machiavélisme. C’est dommage qu’on le lise aussi peu de nos jours à mon avis.
      J’espère que tu pourras concrétiser ça car Zola c’est vraiment super, on ne va pas s’arrêter sur un petit dérapage sur la ligne d’arrivée.

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  4. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que tu légèrement irritée et énervée. 😇 L’ironie de cette fin de saga est 👌 (ou pas)
    « J’ai injecté de la cervelle animale » : avec tout ça j’en avais oublié cet élément. C’est marrant ce qui peut apparaitre comme mineur après coup, je ne me serais pas douté sur le moment que c’était un passage ok du livre. 😅

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    1. C’est de la surprise et de la désapprobation mais je ne suis pas du tout irritée ni énervée 😅 Ma chronique est volontairement pleine d’emphase, ça rend l’ensemble plus vivant et rigolo.

      Oui ça m’a marqué fortement cette histoire de cervelle, c’était incroyable XD

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  5. Lol. J’ai ri.
    C’est marrant, cette histoire d’enfant de l’inceste qui clôt une saga sur la dégénerescence héréditaire n’était même pas montée à mon cerveau. C’est un peu comme Baroona qui avait oublié la cervelle d’agneau ou de jesaisplusquoi.
    « Félicité, mon phare dans la nuit de la médiocrité » –> Est-ce qu’on peut dire que Félicité a RAYONNÉ dans ta vie comme tu RAYONNES dans les nôtres? 😇
    (Bon je promets de ne pas parler de rayonnement dans tous mes commentaires futurs… ^^)

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